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30/12/2021 | FRANCE | N°20MA03125

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 20MA03125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a fixé des mesures de surveillance et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1905668 du 13 décembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal

administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a fixé des mesures de surveillance et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1905668 du 13 décembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, Mme B... représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation en méconnaissance de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté comporte des considérants stéréotypés et ne prend pas en compte sa situation d'ensemble ; en outre, le préfet devait l'inviter à apporter des éléments afin d'apprécier utilement sa situation à la date de l'arrêté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'un défaut d'examen dès lors que le préfet n'a pas examiné si sa décision méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant les mesures de surveillance est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de l'Hérault s'est estimé en situation de compétence liée pour prononcer des mesures de surveillance en méconnaissance de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 juillet 2020, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les observations de Me Barbaroux substituant Me Ruffel, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise, relève appel du jugement du 13 décembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a fixé des mesures de surveillance et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile, auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé, de demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, ne peut le faire qu'avec les éléments sur la situation de l'intéressé dont il dispose.

3. En l'espèce, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux, qui fait mention des démarches de la requérante pour solliciter l'asile, que le préfet a examiné sa situation compte tenu des éléments portés à sa connaissance et notamment des éléments, qu'il appartient à l'étranger de faire valoir, de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il ressort également des termes mêmes de l'arrêté que le préfet a examiné les conséquences de sa décision notamment sur le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée et a précisé également qu'elle n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de Mme B... et de ce que la décision en litige, qui n'est pas stéréotypée, méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

4. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée très récemment en France, en novembre 2017, avec ses parents et son frère et que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 juillet 2018 et de la Cour nationale du droit d'asile le 18 avril 2019. Si Mme B... invoque l'état de santé de sa mère, et notamment les graves troubles psychiatriques dont cette dernière souffrirait et qui nécessiteraient sa présence en France auprès d'elle, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade déposée par la mère de la requérante a fait l'objet d'une décision de rejet par le préfet de l'Hérault le 29 juillet 2019, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la demande d'annulation a été rejetée par le tribunal administratif de Montpellier par jugement du 5 décembre 2019, confirmé par un arrêt de la Cour de ce jour. Par suite, compte tenu de la présence récente en France de Mme B... et de ce que l'ensemble de sa famille proche réside irrégulièrement en France et a vocation à retourner en Albanie, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prononçant à l'encontre de Mme B... une obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités que la requérante lui impute. Mme B... n'est donc pas fondée à exciper de l'illégalité de cet acte à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet ne s'est pas cru tenu d'éloigner la requérante à destination de l'Albanie, mais a examiné la situation personnelle de l'intéressée et n'a fixé le pays de destination de l'éloignement qu'après avoir relevé que Mme B..., à qui il incombait, en tout état de cause, de faire état de pièces ou arguments sur ce point, n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle dit encourir en cas de retour en Albanie. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen de la situation de la requérante en fixant l'Albanie comme pays de destination doivent être écartés.

Sur la décision prononçant une interdiction de retour de quatre mois :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités que la requérante lui impute. Mme B... n'est donc pas fondée à exciper de l'illégalité de cet acte à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

10. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. /Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

11. Si Mme B... n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement avant l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français attaquée et si aucune menace à l'ordre public ne lui est imputée, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que sa présence sur le territoire français est récente et qu'elle ne dispose d'aucun lien particulier avec la France. Le préfet de l'Hérault n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les mesures de surveillance :

12. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) ".

13. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Mme B... n'est donc pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de son illégalité pour demander l'annulation des mesures de surveillance prises à son encontre.

14. Si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 a le caractère d'une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision, qui tend à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti, concourt à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration et le public impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.

15. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les fondements et l'existence de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de la requérante, lui accorde un délai de départ volontaire de trente jours et précise qu'il est nécessaire que l'intéressée se présente à l'autorité administrative pour l'informer des diligences en vue de son départ. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit dès lors être écarté.

16. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet de l'Hérault ne s'est pas cru tenu de prescrire les mesures de surveillance contestées mais a examiné la situation de l'intéressée. Le moyen d'erreur de droit soulevé sur ce point doit dès lors être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2021.

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N° 20MA03125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03125
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-30;20ma03125 ?
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