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28/12/2021 | FRANCE | N°21MA03297

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 21MA03297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2009477 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête enregistrée le 3 août 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2009477 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Capdefosse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où les traitements médicamenteux que son état de santé nécessite ne sont pas disponibles en Algérie ;

- le rapport médical fondant l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier, dans la mesure où seul un médecin généraliste a été consulté, alors que les troubles dont il souffre justifient l'intervention d'un médecin spécialisé en neurologie et psychiatrie, conformément aux articles 3 et 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure l'ayant privé d'une garantie, dans la mesure où il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'OFII ait résulté d'une délibération entre plusieurs médecins, ainsi qu'il est prévu aux articles R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- elle est entachée d'un vice de procédure l'ayant privé d'une garantie, dans la mesure où la signature sous forme de fac-similé de la part des médecins ne permet pas d'établir qu'ils ont effectivement procédé à un examen réel de son dossier ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail ;

- et les observations de Me Capdefosse, représentant le requérant.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il relève appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de l'office qui a établi le rapport médical conformément aux dispositions précitées n'ait pas été en mesure de se prononcer sur la nature de la pathologie du requérant et les traitements nécessités par cette pathologie sans se faire assister d'un expert neurologue ou psychiatre.

4. En deuxième lieu, la mention " après en avoir délibéré ", figurant dans l'avis rendu par les médecins du collège de l'OFII fait foi jusqu'à la preuve contraire. La circonstance que cet avis n'aurait pas respecté les dispositions législatives et règlementaires applicables aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial et à la signature électronique n'a pas, en tout état de cause, privé le requérant d'une garantie et n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision prise.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du 11 juin 2020 du collège des médecins de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. Il ressort des certificats médicaux produits par M. A..., et notamment de celui établi par le docteur B... en date du 23 janvier 2020, que celui-ci souffre d'une psychose associée à des hallucinations acoustico-verbales et d'une épilepsie partielle post-traumatisme crânien, qu'il suit un traitement médicamenteux à base notamment de Tercian et de Theralene. neuroleptiques dont la substance active est la cyamémazine, et qu'une rupture du traitement pourrait entraîner des crises quotidiennes et une mise en danger du pronostic vital. M. A... produit des extraits d'un site pharmaceutique algérien qui ne cite pas ces neuroleptiques parmi les médicaments utilisés en psychiatrie disponibles en Algérie. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir que la prise en charge médicale le concernant impliquerait nécessairement l'utilisation d'un neuroleptique dont la substance active serait la cyamémazine. Ainsi, ces éléments ne sont pas de nature à contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII, qui dispose de données médicales précises et actualisées sur l'offre de soins disponibles et nomenclature des médicaments disponibles en Algérie. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien modifié en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. A... est célibataire sans enfant. Il ne peut être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans. Dès lors, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En cinquième lieu, eu égard aux conditions de séjour en France de M. A..., telles que décrites au point précédent, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation de l'intéressé d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.

12. En sixième lieu, M. A... n'établissant pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Capdefosse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021 où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2021.

2

N° 21MA03297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03297
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CAPDEFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-28;21ma03297 ?
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