Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1903854 du 30 juin 2020 le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2020, et des pièces complémentaires enregistrées le 16 septembre 2020, M. B... A..., représenté par Me Chadam-Coullaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, de lui délivrer au titre de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre principal, conformément aux articles L. 911-1, 2 et 3 du même code, une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente du fait de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation car il ne mentionne pas l'ensemble des cartes de séjour antérieurement obtenues, sa situation de bénéficiaire de l'allocation pour adultes handicapés ainsi que ses attaches familiales;
- il est présent depuis une vingtaine d'année en France et souffre d'un diabète et de troubles psychiatriques pour lesquelles il bénéfice d'un suivi médical ; l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en raison de sa durée de séjour en France et de ses liens familiaux, notamment avec son frère chez qui il est hébergé, ainsi que de l'absence d'attache dans son pays d'origine, l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 23 octobre 2020 le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Marseille a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Badie a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, le signataire de l'arrêté attaqué était pourvu d'une délégation régulière, publiée le 4 février 2019 et consultable sur le site dédié. D'autre part, le préfet des Alpes-Maritimes qui n'était pas tenu de faire état de l'intégralité des éléments de la situation du requérant, mentionne suffisamment les circonstances de fait et de droit qui constituent le fondement de l'acte en cause, au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, notamment les conditions d'entrée irrégulière en France de M. A..., sa demande de titre de séjour pour des soins médicaux du 17 avril 2018 et l'avis du collège de médecins du 27 août 2018. Les moyens tirés de l'incompétence et du défaut de motivation, doivent être écartés ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges aux points 2 et 4 de leur jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus(...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. A... soutient qu'il vit depuis une vingtaine d'années en France où il a des liens personnels et familiaux, et que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaires pour les années pour les années 2005, 2006 et 2007, des certificats médicaux pour la période de 2008 à 2011 ainsi que d'une attestation en date du 25 avril 2019 du centre médico-psychologique de Cagnes -sur-Mer selon laquelle M. A... a été pris en charge depuis le 12 février 2012 avec un suivi mensuel par un médecin psychiatre, que la présence de l'intéressé sur le territoire français au moins depuis l'année 2005, peut être tenue pour établie. En outre, concernant ses liens en France, il produit à l'instance une attestation en date du 7 septembre 2020 des services d'assistance sociale mentionnant qu'il vit grâce à la solidarité de sa famille et bénéficie d'une allocation aux adultes handicapés à compter du 1er décembre 2017, document corroboré par un relevé de prestations de la caisse d'allocations familiales du 15 avril 2019, adressé à son frère. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté du 13 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5.En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié(...). A l'appui du moyen relatif à la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... fait valoir ses multiples pathologies et produit des certificats médicaux notamment ceux en date des 3 et 6 juillet 2020, indiquant la nécessité d'un suivi régulier psychothérapeutique et chimiothérapique, et un certificat produit en première instance mentionnant " une psychose chronique dont il n'a pas conscience et qui l'amène à arrêter les soins dès qu'il n'est plus hospitalisé", une attestation du 17 avril 2019 de soins infirmiers pour traiter son diabète, ainsi qu'un article recueilli sur un site d'information tunisien en mai 2020, mentionnant la pénurie de certains médicaments, et dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme le mentionne l'avis du collège de médecins du 24 août 2018, produit au dossier, tous éléments qui n'ont pas été contredits en défense tant en première instance qu'en appel. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6.Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020 ainsi que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 13 avril 2019 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard aux motifs pour lesquelles elle est prononcée, et en l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait qui serait intervenu depuis la date de l'arrêté attaqué, l'annulation de cet arrêté implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
8. D 'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocate de M. A... n'a pas demandé, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale obtenue d'ailleurs après l'introduction de la requête d'appel. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020 et l'arrêté du 13 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 21 décembre 2021.
20MA02561 2