Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la commune de Toulon de faire procéder à l'enlèvement de deux canalisations du réseau d'alimentation en eau potable enfouies dans le sous-sol de son terrain et à la remise en état du terrain, de condamner la commune de Toulon à lui verser une somme totale de 53 618 euros au titre des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la présence de ces canalisations s'il n'était pas enjoint à la commune de procéder à leur enlèvement ou de condamner la commune de Toulon à lui verser une somme totale de 10 000 euros au titre de son préjudice de jouissance si une telle injonction était prononcée.
Par un jugement n° 1800633 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de Toulon de procéder à l'enlèvement de la seconde canalisation traversant la propriété de M. B... de nord-ouest au sud-est et à la remise en état du terrain dans un délai de six mois à compter de la notification de ce jugement et condamné la commune de Toulon à verser à M. B... une somme de 500 euros en réparation de son préjudice.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 avril 2020 et le 7 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Hoffmann, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement en tant que la somme de 500 euros que la commune de Toulon a été condamnée à lui verser est insuffisante ;
2°) de porter cette somme à 20 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- eu égard au prix d'acquisition et à la superficie de son terrain, le préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser un projet d'extension de son habitation doit être réparé à hauteur de 8 155 euros ;
- il a subi une perte de jouissance de 15 % par an, soit 3 669 euros sur 3 ans ;
- les frais supportés de 618 euros résultant de l'étude pédologique et hydrogéologique doivent lui être remboursés ;
- il a subi un préjudice moral justifiant une indemnité de 7 000 euros ;
- ni l'exécution par la commune du jugement attaqué, en ce qu'il lui a enjoint de retirer la canalisation en litige, ni le transfert de compétence de la commune à la métropole, ne le privent de son droit à indemnisation.
Par des mémoires en défense enregistré le 30 juin 2020 et le 16 septembre 2021, la commune de Toulon, représentée par Me Phelip, demande à la cour :
1°) de la mettre hors de cause ;
2°) de rejeter la requête de M. B... ;
3°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a reconnu l'existence d'une emprise irrégulière ;
4°) de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation de M. B... présentées devant le tribunal administratif de Toulon résultant de cette emprise irrégulière ;
5°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-elle doit être mise hors de cause dès lors que la compétence communale en matière d'assainissement et d'eau potable a été transférée à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée ;
- la canalisation litigieuse a nécessairement été posée avec l'accord des propriétaires ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;
- les travaux ordonnés par le jugement attaqué ont été réalisés.
Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2020, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, représentée par Me Phelip, intervient volontairement à l'instance, en soutenant que les travaux ordonnés par le jugement attaqué ont été réalisés.
Par ordonnance du 29 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2021 à 12 h.
Un mémoire, présenté par la commune de Toulon, a été enregistré le 19 octobre 2021 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2017-1758 du 26 décembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 juin 2017, le maire de Toulon a refusé de délivrer à M. B... un permis de construire pour l'extension, représentant une emprise au sol de 23,3 m², de l'habitation de l'intéressé située au 965 chemin du Baou de Quatro Oures, au motif que ce projet présentait un risque sanitaire résultant de la présence d'une canalisation publique d'eau potable traversant la parcelle du nord-ouest vers le sud-est à environ 40 cm de la construction envisagée. Par un jugement du 18 février 2020 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé cet arrêté dans la mesure où, la réalité du risque pour la salubrité publique n'étant pas établie, les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme avaient été méconnues, d'autre part, enjoint au maire de délivrer le permis de construire demandé dans le délai de deux mois. Invoquant la présence en réalité de deux canalisations du réseau d'alimentation en eau potable enfouies sous son terrain, M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la commune de Toulon de faire procéder à l'enlèvement de ces ouvrages et à la remise en état du terrain, de la condamner à lui verser une somme totale de 53 618 euros en réparation des préjudices subis, s'il n'était pas enjoint à la commune de procéder à leur enlèvement, ou de la condamner à lui verser une somme totale de 10 000 euros au titre de son préjudice de jouissance si une telle injonction était prononcée. Par un jugement du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de Toulon de procéder à l'enlèvement de la seconde canalisation traversant la propriété de M. B... de nord-ouest au sud-est et à la remise en état du terrain dans un délai de six mois à compter de la notification de ce jugement et condamné la commune de Toulon à verser à M. B... une somme de 500 euros en réparation de son préjudice. M. B... demande à la Cour de réformer ce jugement en tant que la somme de 500 euros que la commune de Toulon a été condamnée à lui verser est insuffisante et de porter cette somme à 20 000 euros. La commune demande, par la voie du recours incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a reconnu l'existence d'une emprise irrégulière sur le terrain de M. B....
Sur l'objet du litige :
2. La circonstance, dûment justifiée par la commune et la Métropole, et d'ailleurs admise par l'appelant, que les travaux ordonnés par le jugement querellé ont été réalisés, n'est pas de nature à rendre sans objet, même partiellement, le présent litige.
Sur l'emprise irrégulière :
3. Il résulte de l'instruction qu'une première canalisation est enfouie sous le terrain appartenant à M. B... dans sa partie nord-ouest longée par la voie publique et que l'implantation de cet ouvrage, en 1972, a été acceptée par le propriétaire d'alors. Une seconde canalisation traverse la propriété du nord-ouest vers le sud-est en contournant les façades nord-ouest et nord-est de la maison située à proximité immédiate de l'extension projetée. La commune de Toulon ne conteste pas que l'enfouissement de cet ouvrage, indissociable du réseau communal de distribution d'eau potable, n'a fait l'objet ni d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, ni de l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural et de la pêche maritime. En se bornant à soutenir qu'elle a nécessairement été posée avec l'accord des propriétaires, elle ne démontre pas l'existence d'un accord amiable avec les propriétaires du terrain. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que cet ouvrage avait été irrégulièrement implanté.
Sur la détermination de la personne publique responsable :
4. Le décret n° 2017-1758 du 26 décembre 2017 a créé la métropole Toulon-Provence-Méditerranée à compter du 1er janvier 2018. Aux termes de l'article 4 de ce décret, cette métropole exerce les compétences prévues à l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales : " I. - La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) 5° En matière de gestion des services d'intérêt collectif : / a) Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8, gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l'article L. 2226-1 et eau (...) ". Aux termes de l'article L. 5217-5 du même code : " La métropole est substituée de plein droit, pour l'exercice des compétences transférées, aux communes membres et à l'établissement public de coopération intercommunale transformé en application de l'article L. 5217-4, dans l'ensemble des droits et obligations attachés aux biens mis à disposition en application du premier alinéa du présent article et transférés à la métropole en application du présent article ainsi que, pour l'exercice de ces compétences sur le territoire métropolitain, dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. ".
5. Il résulte de ces dispositions que, depuis le transfert de compétences et de biens nécessaires à l'exercice de celles-ci, seule la responsabilité de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée est susceptible d'être engagée à raison des ouvrages publics nécessaires au service public de distribution d'eau potable dont elle a la garde, quelle que soit la date du fait générateur invoqué. En l'espèce, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée est intervenue volontairement à l'instance, cependant que la commune de Toulon conclut à sa mise hors de cause. Eu égard auxdites dispositions, il appartient à la cour de substituer d'office la métropole Toulon-Provence-Méditerranée à la commune de Toulon en ce qui concerne tant le versement des sommes dues à la victime, que l'exécution de la mesure d'injonction décidée par le tribunal, dont la consistance n'est pas contestée en défense, alors même que M. B... n'a pas présenté de conclusions en ce sens, et de mettre ainsi la commune hors de cause.
Sur la réparation :
6. En allouant à M. B... une somme de 500 euros au titre de la perte de jouissance de son bien dont il est propriétaire avec son épouse, pour la période, qu'il ne conteste pas, courant de la date du 29 juin 2017, à laquelle le maire de Toulon a refusé de lui délivrer un permis de construire, pour des motifs sans lien avec l'irrégularité de l'emprise de la canalisation, jusqu'à la date à laquelle le maire a dû lui délivrer ce permis en exécution du jugement du 18 février 2020, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce préjudice.
7. Si M. B... estime en outre être en droit d'obtenir le remboursement de la somme de 618 euros qui, selon la facture du 12 avril 2017 produite en première instance, correspond au coût de l'étude pédologique et hydrogéologique effectuée pour le dimensionnement d'une filière d'assainissement autonome, ce préjudice n'est pas directement lié à l'emprise irrégulière dès lors que ces frais ont été supportés dans le cadre de la demande de permis de construire et qu'il n'est pas établi, ni du reste allégué, que cette étude ait été vainement effectuée.
8. Enfin, M. B... ne livre aucun élément pour caractériser le préjudice moral dont il demande la réparation pour la première fois en appel.
9. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon ne lui a pas alloué une somme supérieure à 500 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'emprise irrégulière sur son terrain et, d'autre part, que la commune de Toulon est fondée à soutenir que la métropole Toulon-Provence-Méditerranée doit lui être substituée en ce qui concerne tant le versement des sommes dues à la M. B... que l'exécution de la mesure d'injonction décidée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... et par la commune de Toulon au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La commune de Toulon est mise hors de cause.
Article 2 : La métropole Toulon-Provence-Méditerranée est substituée à la commune de Toulon pour le versement des sommes dues à M. B... et fixées à l'article 2 du jugement du 5 mars 2020 ainsi que pour l'exécution de la mesure d'injonction décidée à l'article 3 de ce jugement.
Article 3 : Le jugement du 5 mars 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Toulon et à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.
N° 20MA01735 7