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17/12/2021 | FRANCE | N°21MA01106

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 17 décembre 2021, 21MA01106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes ont chacun rejeté sa demande indemnitaire préalable et, d'autre part, de condamner la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes à lui verser une somme totale de 1 117 600,97 euros au titre de l'indemnisation des préjudices qu'il allègue avoir subis en raison de sa chute de scooter survenue le 12 octobre 2014.

Par

un jugement n° 1804116 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nice...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes ont chacun rejeté sa demande indemnitaire préalable et, d'autre part, de condamner la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes à lui verser une somme totale de 1 117 600,97 euros au titre de l'indemnisation des préjudices qu'il allègue avoir subis en raison de sa chute de scooter survenue le 12 octobre 2014.

Par un jugement n° 1804116 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars 2021 et 6 octobre 2021, M. A... représenté par Me Dupy, demande à la Cour, d'une part, d'infirmer le jugement rendu en première instance et d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes ont chacun rejeté sa demande indemnitaire préalable, d'autre part, de condamner la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes à lui verser une somme totale de 1 117 600,97 euros au titre de l'indemnisation de son entier préjudice consécutif à sa chute de scooter survenue le 12 octobre 2014 et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Cannes et du département des Alpes-Maritimes une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la responsabilité de la commune de Cannes et du département des Alpes-Maritimes est engagée tant en raison du défaut d'entretien normal de la voie publique ayant provoqué l'accident de scooter dont il a été victime le 12 octobre 2014 que du défaut d'éclairage et de signalisation des obstacles présents sur la voie ;

- il s'estime dès lors fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices consécutifs à l'accident litigieux à hauteur d'une somme totale de 1 117 600,97 euros, dont 59 760 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 3 940 euros au titre des frais divers, 8 976 euros au titre des besoins temporaires d'assistance tierce personne, 19 132,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 40 000 euros au titre des souffrances endurées, 741 342,72 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, 15 000 euros au titre des frais de véhicule adapté, 128 450 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 70 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 20 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par Me Vergeloni, demande à la Cour de condamner in solidum la commune de Cannes et le département des Alpes-Maritimes au paiement d'une somme totale de 182 421,53 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 14 mars 2019 et de la capitalisation desdits intérêts, au titre de ses débours et d'une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Elle demande que soit mis à la charge de tout succombant le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient avoir servi en lien avec l'accident du 12 octobre 2014 pour le compte de son assuré des prestations à hauteur de 182 421,53 euros selon l'attestation du médecin-conseil établie le 23 août 2018.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2021, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Capia, conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions présentées par la CPAM du Var et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ni la matérialité des faits allégués ni le lien de causalité entre un éventuel défaut d'entretien et les préjudices invoqués ne sont établis ;

- il rapporte la preuve de l'entretien normal de la voie litigieuse ;

- M. A... n'est pas fondé à se prévaloir d'une absence d'éclairage de la voie publique ; en tout état de cause, celle-ci est pourvue d'un éclairage suffisant ;

- le requérant, qui connaissait les lieux, a commis une imprudence de nature à exonérer le département de sa responsabilité à raison des conséquences de l'accident litigieux ;

- si sa responsabilité devait être engagée, il y aurait lieu de ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités réparant les préjudices de M. A....

Par des mémoires enregistrés les 25 et 27 octobre 2021, la commune de Cannes, représentée par Me Jacquemin, conclut principalement au rejet de la requête, subsidiairement à l'irrecevabilité des conclusions de M. A... et de celles de la CPAM du Var, infiniment subsidiairement au rejet des conclusions de M. A... et de la CPAM du Var dirigées à son encontre ainsi qu'à la condamnation du département des Alpes-Maritimes à la relever et à la garantir des sommes mises à sa charge, encore plus subsidiairement, à ce que l'indemnisation éventuellement allouée soit ramenée à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à la mise à la charge du requérant d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la requête de M. A... ;

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté, faute d'avoir été introduite dans le délai raisonnable d'un an, de même que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la CPAM du Var ;

- à titre subsidiaire, le lien de causalité entre l'accident de M. A... et un ouvrage public n'est pas établi ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

- l'entretien de la voie départementale en cause relève de la compétence du département des Alpes-Maritimes ;

- le requérant a commis une imprudence de nature à l'exonérer et à exonérer le département des Alpes-Maritimes de leur responsabilité à raison des conséquences de l'accident litigieux ;

- si sa responsabilité devait être engagée, il y aurait lieu de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du requérant et de rejeter les prétentions de la CPAM du Var, la seule attestation d'imputabilité rédigée par le médecin conseil étant insuffisante pour justifier le montant de la créance alléguée.

Vu le mémoire produit pour M. A... le 7 décembre 2021, postérieurement à la date de la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 décembre 2021 :

- le rapport de Mme Massé-Degois,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Dupy, représentant M. A..., de Me Tossan, représentant la commune de Cannes et de Me De Craecker, représentant le département des Alpes Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande, d'une part, dirigée contre le refus implicite du département des Alpes-Maritimes et de la commune de Cannes de l'indemniser des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 12 octobre 2014 et, d'autre part, tendant à obtenir la condamnation solidaire de ces deux collectivités publiques à lui payer 1 117 600,97 euros en réparation de son entier préjudice. Il réitère cette demande devant la cour et la CPAM du Var conclut à la condamnation in solidum de la commune de Cannes et du département des Alpes-Maritimes au paiement d'une somme totale de 182 421,53 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 14 mars 2019 et de la capitalisation desdits intérêts, au titre du remboursement de ses débours.

Sur les conclusions indemnitaires de M. A... :

En ce qui concerne la responsabilité du département des Alpes-Maritimes :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. M. A... soutient que sa chute survenue le 12 octobre 2014 entre 2 et 3 heures du matin au niveau des numéros 33 à 37 de l'avenue Michel Jourdan à Cannes alors qu'il regagnait en scooter son domicile situé 82 avenue Michel Jourdan est due à l'état dégradé non signalé et à un manque d'éclairage de la voirie départementale sur laquelle il circulait. Si les pièces versées aux débats, et notamment le compte-rendu de l'intervention des services de secours du 12 octobre 2014, l'événement de main courante enregistré le même jour ainsi que le témoignage rédigé le 23 septembre 2015 du riverain qui les a alerté et divers clichés photographiques produits par M. A..., permettent de tenir pour établis l'accident de circulation dont il a été victime au niveau des numéros 33 à 37 de l'avenue Michel Jourdan à Cannes et l'état dégradé de l'enrobé de la chaussée sur laquelle il a chuté, elles ne révèlent cependant pas l'existence d'obstacles ou d'imperfections qui, par leur nature, leur dimension ou leur forme, excèderaient ceux auxquels un usager circulant à scooter normalement prudent et attentif, au surplus riverain des lieux, doit s'attendre à rencontrer, y compris la nuit, et dont la présence aurait dû être signalée. La circonstance que le département des Alpes-Maritimes a fait réaliser des travaux de réfection de la voie sur laquelle M. A... a chuté en scooter n'étant, par elle-même, pas suffisante pour établir que l'accident dont il a été victime a pour origine une imperfection du revêtement de la chaussée. Dans ces conditions, et en l'absence de témoin de la chute dont il a été victime, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du lien de causalité entre l'ouvrage public et les préjudices dont il demande réparation. Il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du département des Alpes-Maritimes.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cannes :

4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ".

5. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des seuls témoignages versés au dossier par M. A..., qui se bornent à relever le caractère " souvent sombre " de la rue ou un " manque d'éclairage ", que le maire de la commune de Cannes n'aurait pas assuré un bon éclairage de l'avenue Michel Jourdan à une heure aussi tardive de la nuit, d'autant que ni l'événement de main courante, ni le compte-rendu de sortie de secours établis le jour de l'accident ne font état d'un éclairage défectueux aux abords des lieux de l'accident, d'ailleurs pourvu de lampadaires ainsi que cela ressort des documents photographiques pris peu de temps après l'accident produits au dossier par le requérant. Ainsi, en l'absence de carence démontrée du maire à prendre les mesures nécessaires pour assurer la commodité et la sûreté de la circulation sur l'avenue Michel Jourdan, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Cannes.

Sur les conclusions de la CPAM du Var :

6. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu de rejeter les conclusions de la CPAM du Var tendant à la condamnation in solidum de la commune de Cannes et du département des Alpes-Maritimes à lui verser une somme de 182 421,53 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 14 mars 2019 et de la capitalisation desdits intérêts, au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes et la commune de Cannes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A..., à la commune de Cannes, au département des Alpes-Maritimes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

2

N° 21MA01106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01106
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres. - Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : VERGELONI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;21ma01106 ?
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