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17/12/2021 | FRANCE | N°20MA01656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 17 décembre 2021, 20MA01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois déférés, le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée à l'encontre de M. C... B... et de Mme D... A..., par le jugement n° 1601147 et 1700065 du 8 juin 2017, correspondant aux périodes des 20 décembre 2017 au 2 août 2018, 3 août 2018 au 7 novembre 2018 et 8 novembre 2018 au 16 mai 2019.

Par le jugement n° 1801056, 1900086 et 1900947 du 19 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Bastia a condamné, à l'article 2, M. B... à verser à l'Etat la somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois déférés, le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée à l'encontre de M. C... B... et de Mme D... A..., par le jugement n° 1601147 et 1700065 du 8 juin 2017, correspondant aux périodes des 20 décembre 2017 au 2 août 2018, 3 août 2018 au 7 novembre 2018 et 8 novembre 2018 au 16 mai 2019.

Par le jugement n° 1801056, 1900086 et 1900947 du 19 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a condamné, à l'article 2, M. B... à verser à l'Etat la somme de 307 200 euros et, à l'article 3, Mme A... à verser à l'Etat la somme de 153 600 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020, sous le n° 20MA01656, M. B..., représenté par Me Poletti, demande à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler l'article 2 du jugement du 19 mars 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia ;

2°) à titre subsidiaire de réduire dans de très fortes proportions la liquidation d'astreinte ;

3°) de limiter la liquidation d'astreinte, au cas d'espèce, à la somme de 30 000 euros.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas justifié des motifs pour lesquels il procède à la liquidation d'astreinte et ne retient aucune modération ;

- il n'a pas pris en compte la pièce produite consistant en un courrier adressé par le sous-préfet de Corte ni les diverses attestations établissant la démolition de la terrasse couverte ;

- une clôture est intervenue au plus proche de la date de communication de ces pièces, de telle sorte qu'il n'a pas pu faire valoir l'ensemble de ses moyens ;

- il lui appartenait de s'assurer et d'indiquer à quelle date les jugements n° 1601147 et 1700065 lui ont été notifiés ;

- une exécution pour l'essentiel a été mise en œuvre ;

- le défaut d'exécution ne tient pas à une volonté d'exploitation commerciale, mais à des contraintes techniques liées à l'adduction du bâtiment qui, lui-même, ne souffrait aucune critique liée à l'occupation du domaine public maritime ;

- des échanges ont été envisagés avec les services de l'Etat pour différer l'exécution relative à cette partie de l'ouvrage qui n'avait pas encore été détruite dans l'attente d'une solution technique ;

- la Cour devra tenir compte de sa bonne volonté justifiant la limitation de l'astreinte initialement fixée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2021, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête de M. B....

Elles soutiennent que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Des procès-verbaux de contravention de grande voirie (CGV) ont été dressés, notamment le 6 septembre 2016 et le 16 mai 2017, à l'encontre de Mme A... et de M. B... pour avoir occupé, sans autorisation sur le domaine public maritime de l'Etat, au droit de la parcelle cadastrée section C n° 2504 au lieu-dit " plage de Vignale ", située sur le territoire de la commune de Ghisonaccia, par l'implantation d'une terrasse couverte, d'une terrasse non couverte, d'un kiosque bar et d'un patio, pour une surface totale de 316 m2 à des fins d'exploitation de l'établissement " Les Deux Mâts ". Par un jugement n° 1601147 et n° 1700065 du 8 juin 2017 le tribunal administratif de Bastia a condamné M. B... et Mme A... au paiement d'une amende de 2 000 euros chacun, ainsi qu'à remettre les lieux dans leur état initial sous astreinte de 300 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement s'agissant de la terrasse non couverte et du kiosque bar, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai de cinq mois s'agissant de la terrasse couverte. M. B... a également été condamné, seul, à la remise en l'état du patio sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai d'un mois. Par trois déférés, le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal de procéder à la liquidation de ces astreintes. M. B... relève appel de l'article 2 du jugement du 19 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia l'a condamné à verser à l'Etat la somme de 307 200 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". Selon l'article L. 911-8 de ce code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle la juridiction ayant prononcé une astreinte provisoire statue sur sa liquidation présente un caractère juridictionnel et doit par suite être motivée. En particulier, il appartient à la juridiction d'énoncer les motifs qui la conduisent, soit à ne pas faire droit aux moyens dont elle est saisie en vue d'une modulation de l'astreinte, soit à procéder d'office à une telle modulation.

4. En estimant qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de modérer l'astreinte, le premier juge a suffisamment motivé le jugement attaqué.

5. Le tribunal n'était pas tenu à peine d'irrégularité de mentionner les pièces produites par M. B..., en particulier les attestations de témoignages et les échanges avec l'ancien sous-préfet de Corte, et a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les ouvrages en contravention avaient été démolis à la fin de la saison estivale.

6. M. B... a pu produire les pièces mentionnées au point 5 par des mémoires enregistrés au greffe du tribunal les 22 novembre, 3 et 18 décembre 2018 qui ont été communiqués au préfet. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas pu faire valoir l'ensemble de ses moyens en raison de l'intervention d'une clôture à une date proche de celle de la communication de ces pièces.

7. Aucune disposition imposait au premier juge d'indiquer expressément dans son jugement la date de notification du jugement ayant prononcé l'astreinte en litige alors qu'il résulte de l'instruction que la première liquidation de l'astreinte ordonnée par un jugement du 17 mai 2018 du tribunal mentionnait cette date. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, d'enjoindre au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et, s'il l'estime nécessaire et au besoin d'office, de prononcer une astreinte. Lorsqu'il a prononcé une astreinte dont il a fixé le point de départ, le juge administratif doit se prononcer sur la liquidation de l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive. Il peut, le cas échéant, modérer l'astreinte provisoire ou la supprimer, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle. Il peut notamment la supprimer pour le passé et l'avenir, lorsque la personne qui a obtenu le bénéfice de l'astreinte n'a pas pris de mesure en vue de faire exécuter la décision d'injonction et ne manifeste pas l'intention de la faire exécuter ou lorsque les parties se sont engagées dans une démarche contractuelle révélant que la partie bénéficiaire de l'astreinte n'entend pas poursuivre l'exécution de la décision juridictionnelle, sous réserve qu'il ne ressorte pas des pièces du dossier qui lui est soumis qu'à la date de sa décision, la situation que l'injonction et l'astreinte avaient pour objet de faire cesser porterait gravement atteinte à un intérêt public ou ferait peser un danger sur la sécurité des personnes ou des biens.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la date d'établissement des constats des 2 août, 10 janvier et 7 novembre 2018, établis par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Haute-Corse, le jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal a, aux articles 3 à 5, condamné M. B... à remettre dans leur état initial les lieux occupés par le patio, la terrasse non couverte et le kiosque bar sous peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et la terrasse couverte sous peine, passé un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement, de la même astreinte, n'était pas exécuté pour les périodes des 20 décembre 2017 au 2 août 2018, 3 août 2018 au 7 novembre 2018 et 8 novembre 2018 au 16 mai 2019. Si M. B... soutient que cette exécution a été mise en œuvre pour l'essentiel, il résulte d'un constat du 16 mai 2019 de la DDTM que la dalle en béton, y compris une jardinière, un appentis abritant un four et l'ouvrage maçonné du patio étaient toujours présents sur le domaine public maritime. Par ailleurs, le constat d'huissier qu'il produit démontre en outre qu'au 30 octobre 2020 les travaux de démolition étaient toujours en cours. Il en va de même des échanges avec l'ancien sous-préfet de Corte, ce dernier mentionnant que les travaux de démantèlement des installations sur le domaine public ont débuté. Les photos produites par M. B... lors de ces échanges montrent également la présence de la dalle en béton. La circonstance que l'ex-sous-préfet de Corte ait confirmé que cette terrasse ne pouvait plus être utilisée et ne participait plus à l'exploitation commerciale est sans incidence. Les attestations de connaissance dépourvues de valeur probante ne sont pas de nature à contredire les constats précités produits par le préfet de Haute-Corse établissant la non-exécution du jugement du 8 juin 2017. Par ailleurs, la remise en conformité du domaine public maritime au droit de l'établissement " Les Deux Mâts " constatée le 12 mai 2021, par la DDTM n'est ainsi intervenue que plus de trois ans et demi après l'expiration du délai imparti par le jugement du 8 juin 2017 et postérieurement au jugement attaqué du 19 mars 2020 qui a prononcé l'astreinte en litige.

10. En second lieu, M. B... n'établit pas que le défaut d'exécution résulterait de contraintes techniques liées à l'adduction du bâtiment ni que des échanges avec les services de l'Etat en vue de différer l'exécution du jugement auraient eu lieu en se bornant à produire des échanges de sms et de courriels avec l'ancien sous-préfet de Corte, lequel s'est borné à constater que les travaux de démantèlement avaient commencé et qu'il restait la terrasse à démolir.

11. Compte tenu de ce qui a été dit aux point 9 et 10, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une modération de l'astreinte.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia l'a condamné à verser à l'Etat la somme de 307 200 euros. Par voie de conséquence, sa demande subsidiaire tendant à ce que l'astreinte soit limitée à la somme de 30 000 euros doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

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N° 20MA01656

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01656
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Astreinte - Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;20ma01656 ?
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