La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°19MA03533

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 17 décembre 2021, 19MA03533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile agricole (SCA) de Lambeyran, la société civile immobilière (SCI) du domaine de Lambeyran et l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté leur demande du 17 juillet 2017 tendant à faire cesser l'activité du parc éolien dit " Bernagues " sur la commune de Lunas.

Par un jugement n° 1705417 du 4

juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile agricole (SCA) de Lambeyran, la société civile immobilière (SCI) du domaine de Lambeyran et l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté leur demande du 17 juillet 2017 tendant à faire cesser l'activité du parc éolien dit " Bernagues " sur la commune de Lunas.

Par un jugement n° 1705417 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, sous le n° 19MA03533, la SCA de Lambeyran, la SCI du domaine de Lambeyran et l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) représentées par la SCP Pech de Laclause Jaulin-Bartolini El Hazmi, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault ;

3°) d'ordonner à la société Energie Renouvelable du Languedoc de suspendre toute exploitation du parc éolien de " Bernagues " ;

4°) de mettre à la charge de la société Energie Renouvelable du Languedoc et de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la société Energie Renouvelable du Languedoc ne peut plus se prévaloir du principe d'antériorité en application des dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'environnement en raison de l'annulation du permis de construire par la Cour ;

- la décision contestée méconnaît le principe de précaution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2021, la société Energie Renouvelable du Languedoc, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête de la SCA de Lambeyran et autres et demande à la Cour de mettre à la charge de chacun des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir des requérantes ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SCA de Lambeyran et autres ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gelas, représentant la société Energie Renouvelable du Languedoc.

Considérant ce qui suit :

1. La SCA de Lambeyran, la SCI du domaine de Lambeyran et l'association de protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) ont demandé au préfet de l'Hérault, par un courrier reçu le 19 juillet 2017, de prendre, au titre de ses pouvoirs en matière de police des installations classées, un arrêté aux fins de faire cesser l'exploitation du parc éolien de " Bernagues " sur le territoire de la commune de Lunas, à la suite de l'annulation, par un arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille, du permis de construire délivré le 24 avril 2013 à la société Energie Renouvelable du Languedoc (ERL). La SCA de Lambeyran et autres relèvent appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault de la demande du 17 juillet 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, issues de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dont les dispositions ont depuis été reprises à l'article L. 515-44 du même code, sont soumises à autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement " les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l'article 10 de la loi n° 2000 108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres ". Les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs ont été insérées dans la nomenclature des installations classées par le décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, qui a soumis à autorisation au titre de l'article L. 511-2 notamment celles comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres.

3. En vertu des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, également issues de la loi du 12 juillet 2010, les demandes d'autorisation d'exploiter déposées pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent " avant leur classement au titre de l'article L. 511-2 [du code de l'environnement] et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Au terme de ces procédures, les installations concernées sont soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application ".

4. Il résulte de ces dispositions que les installations ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire en cours à la date d'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris avant cette date sont regardées comme étant autorisées au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, au bénéfice du régime d'antériorité créé par la loi du 12 juillet 2010, leur exploitation étant, à compter de la date de délivrance du permis de construire, soumise à cette législation. La circonstance que ce permis de construire soit ultérieurement annulé n'a pas pour effet de remettre en cause le bénéfice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement. Par suite, la SCA de Lambeyran et autres ne sont pas fondées à soutenir que la société Energie Renouvelable du Languedoc ne peut plus se prévaloir du principe d'antériorité en application des dispositions de l'article L. 553-1 du code de l'environnement au motif que le permis a disparu de l'ordonnancement juridique du fait de son annulation par l'arrêté de la Cour du 26 janvier 2017.

5. Aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ". Aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ; (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Hérault a sollicité la réalisation d'une étude spécifique sur l'incidence du projet sur l'aigle royal réalisée en janvier 2014 par le bureau d'étude Altifaune, laquelle a donné lieu à l'édiction d'un arrêté complémentaire le 18 juillet 2014 comportant, précisément, des prescriptions de fonctionnement relatives à la protection de cette espèce. Cette étude conclut pour le parc éolien de Bernagues à la présence d'un couple d'aigles royaux et à une perte potentielle de leur territoire de chasse. Par ailleurs, par un arrêté du 16 juillet 2014, le préfet de l'Hérault a fixé des prescriptions complémentaires dont l'article 2.1 prévoit des mesures spécifiques liées à la préservation des aigles royaux consistant en la régulation des éoliennes par un visibilimètre, un système de détection et d'effarouchement, un suivi environnemental, des mesures spécifiques liées à la phase de travaux et des mesures préventives d'accompagnement. Les appelantes ne critiquent pas utilement ces mesures en se bornant à soutenir qu'elles ont été prises hors étude d'impact dans le cadre d'une enquête publique. Par suite, la SCA de Lambeyran et autres n'établissent pas l'existence d'éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à l'avifaune qui justifieraient, en l'espèce, l'application du principe de précaution. Dès lors, le préfet de l'Hérault a pu, sans méconnaître ses pouvoirs de police spéciale prévus aux articles L. 171-7 et suivants du code de l'environnement, rejeter la demande des requérantes tendant à ce qu'il suspende l'exploitation du parc éolien de Bernagues à Lunas.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Energie Renouvelable du Languedoc, que la SCA de Lambeyran et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier, a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande du 17 juillet 2017 tendant à faire cesser l'exploitation du parc éolien de Bernagues. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Energie Renouvelable du Languedoc de suspendre toute exploitation du parc éolien de " Bernagues " sur la commune de Lunas doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Energie Renouvelable du Languedoc, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SCA de Lambeyran et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCA de Lambeyran et autres la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Energie Renouvelable du Languedoc et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCA de Lambeyran et autres est rejetée.

Article 2 : La SCA de Lambeyran, la SCI du domaine de Lambeyran, l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois verseront à la société Energie Renouvelable du Languedoc une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile agricole (SCA) de Lambeyran, à la société civile immobilière (SCI) du domaine de Lambeyran, à l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL), à la société Energie Renouvelable du Languedoc et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

5

N° 19MA03533

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03533
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP PECH DE LACLAUSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;19ma03533 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award