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14/12/2021 | FRANCE | N°21MA01049

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 21MA01049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du

4 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son expulsion du territoire français et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1909853 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Proc

dure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021, M. A..., représenté par Me Puig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du

4 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son expulsion du territoire français et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1909853 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021, M. A..., représenté par Me Puigrenier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son expulsion du territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et n'a pas été pris à l'issue d'un examen circonstancié de sa situation ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas saisi le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration alors qu'il y était tenu ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne présente pas de menace actuelle à l'ordre public ;

- il bénéficie de la protection relative prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de la communauté de vie qu'il mène avec son épouse depuis leur mariage en 2011 ;

- il bénéficie de la protection absolue prévue par les dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il présente une pathologie d'une particulière gravité et que l'absence de traitement, qui n'est pas disponible dans son pays d'origine, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 février 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 du ministre de l'Intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Puigrenier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, né le 1er janvier 1963, relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et après avoir recueilli l'avis défavorable à cette mesure de la commission départementale d'expulsion, prononcé l'expulsion du territoire français de M. A... au motif que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles

L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) / 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes de l'article R. 521-1 du même code : " L'état de santé défini au 5° de l'article L. 521-3 est constaté dans les mêmes conditions que celle qui sont prévues à l'article R. 511-1 ". Selon les dispositions de l'article R. 511-1 : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du

27 décembre 2016 du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles

R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et

R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ".

En vertu de l'article 9 du même arrêté : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article

L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. / (...) / Dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite ". Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger est susceptible de bénéficier des dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une mesure d'expulsion, saisir le collège de médecins mentionné à l'article

R. 511-1 de ce code.

3. M. A... soutient que l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, dès lors que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre à son encontre la mesure d'expulsion, alors qu'il avait expressément entendu se prévaloir de son état de santé pour faire échec à cette mesure.

4. Il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission départementale d'expulsion du 24 septembre 2019, à laquelle M. A... avait été convoqué, en application de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, dans le cadre de la procédure d'expulsion engagée à son encontre, que l'examen de la situation de l'intéressé a été renvoyé, selon le compte rendu de la séance, à la demande de son conseil et sans que s'y opposent les représentants de la préfecture, à une nouvelle séance de la commission, le 17 octobre 2019, afin de lui permettre de rassembler les pièces, en particulier médicales, qu'elle entendait faire valoir au soutien des intérêts de M. A.... M. A... produit deux courriels adressés par son conseil aux services de la préfecture afin d'établir que lesdites pièces médicales ont été transmises avant que ne soit pris l'arrêté d'expulsion. Le premier, en date du 16 octobre 2019 comporte en pièce jointe des certificats médicaux dont le dernier, en particulier, daté du 26 septembre 2016 et établi par un praticien hospitalier conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2017, indique que M. A... " présente une situation médicale sur le plan cardio-vasculaire justifiant une hospitalisation avec soins ".

Le second, en date du 23 octobre, indique communiquer à nouveau les pièces médicales relatives à la situation de l'intéressé, en réponse à la demande expresse en ce sens faite par les services de la préfecture, aux fins de " saisine du médecin de l'OFII ", selon les termes du courriel du

22 octobre 2019. Dans ces conditions, qui ne sont pas contestées en défense, M. A... doit être regardé comme ayant apporté des éléments suffisamment précis et circonstanciés laissant supposer qu'il pouvait faire partie de la catégorie d'étrangers visés par les dispositions précitées du 5° de l'article R. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En s'abstenant de saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet n'a pas respecté les dispositions précitées, et ne pouvait par suite, sans entacher sa décision d'un vice de procédure dont la méconnaissance a privé l'intéressé d'une garantie, prendre à son encontre une décision d'expulsion du territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la mesure à l'annulation de la mesure d'expulsion prise à son encontre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit délivré à M. A... une autorisation provisoire de séjour ni que soit réexaminée sa situation.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

7. M. A... ne justifiant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni dans les circonstances de l'espèce, à celle qu'il a présentées, au bénéfice de son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille 15 décembre 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Bouches-du-Rhône,

à Me Puigrenier et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 14 décembre 2021.

6

N° 21MA01049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01049
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : PUIGRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;21ma01049 ?
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