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14/12/2021 | FRANCE | N°20MA03571

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 14 décembre 2021, 20MA03571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Monteux s'est opposé à la déclaration de travaux en vue de l'édification d'une station-relais de téléphonie mobile et la décision implicite du 27 septembre 2020 par laquelle a été rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1803666 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté municipal du 28 j

uin 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Monteux s'est opposé à la déclaration de travaux en vue de l'édification d'une station-relais de téléphonie mobile et la décision implicite du 27 septembre 2020 par laquelle a été rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1803666 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté municipal du 28 juin 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020, la commune de Monteux, représentée par Me Guin demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable au motif que le recours était tardif ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- la commune est fondée à demander une substitution de motifs tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 421-9 et R. 421-1 du code de l'urbanisme, de ce que l'avis de l'agence nationale des fréquences était requis et de la méconnaissance des dispositions des articles 5 de la charte de l'environnement, R. 111-2 du code de l'urbanisme et L. 110-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2021, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Monteux de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2021 :

- le rapport de M. Portail,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Hequet, représentant la commune de Monteux.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés Cellnex et Bouygues Telecom ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Monteux s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la SAS Cellnex en vue de l'implantation d'une antenne-relais de téléphonie mobile devant être exploitée par la société Bouygues Telecom sur un terrain cadastré section C, parcelle n° 489. Par un jugement du 10 juillet 2020, le tribunal a annulé cet arrêté. La commune de Monteux relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. La déclaration préalable, qui a pour objet la réalisation d'un relais de téléphonie mobile, participe au déploiement du réseau de la société Bouygues Telecom. Cette dernière justifie ainsi d'un intérêt à agir pour contester l'arrêté d'opposition en litige. En outre, selon un mandat du 31 janvier 2018 signé par la société Cellnex France et Bouygues Telecom, la société Cellnex a donné pouvoir et mandaté la société Bouygues Telecom aux fins notamment de constituer et déposer, au nom et pour le compte de la société Cellnex France, les dossiers de demandes d'autorisations administratives requises pour le déploiement des sites de communications électroniques et en cas de recours contre les autorisations ou de refus opposé aux demandes d'autorisation, de coordonner le suivi de ces procédures pour le compte de la société Cellnex France, d'apporter l'assistance nécessaire et de communiquer toutes informations utiles. Compte-tenu de ses termes, ce mandat doit être regardé comme incluant la possibilité pour la société Bouygues Telecom d'exercer pour le compte de la société Cellnex des recours gracieux contre les décisions d'opposition à déclaration préalable. La société Bouygues Telecom a formé un recours gracieux le 27 juillet 2018 à l'encontre de l'arrêté du 28 juin 2018, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois. La commune en a accusé réception le même jour. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté le 25 septembre 2018. Le recours devant le tribunal administratif de Nîmes ayant été enregistré le 21 novembre 2018, la demande des sociétés Cellnex et Bouygues Telecom devant le tribunal administratif de Nîmes a été formée dans le délai de recours contentieux, et la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit donc être écartée.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant oppositions à déclaration de travaux :

3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

4. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le site dans lequel s'insère le projet de construction qui s'implantera en zone agricole du plan local d'urbanisme de Monteux, revêt un intérêt particulier. En outre, si l'antenne en litige se situera dans un cône de vue sur le Mont Ventoux depuis le chemin des Marjolaines, elle sera supportée par un pylône treillis permettant une vue traversante. Dans ces conditions et quand bien même l'antenne-relais présente une hauteur de 25 mètres, le maire de Monteux a fait une inexacte application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme s'opposant à la déclaration de travaux.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier, s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale.

6. Dans sa requête d'appel enregistrée le 15 septembre 2020, la commune de Monteux demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs fondée, d'une part, sur la méconnaissance des dispositions des articles R. 421-9 et R. 421-1 du code de l'urbanisme et sur la situation de compétence liée du maire, d'autre part, sur l'absence d'accord de l'agence nationale des fréquences et enfin sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et L. 110-1 du code de l'environnement.

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire ". L'article R. 421-9 du même code alors en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, précise : " ... les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : / - une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; / - une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; / - une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés (...) ".

8. Lorsqu'il est constaté que des travaux sont, en vertu des dispositions du code de l'urbanisme, soumis à l'obligation d'obtenir un permis de construire, mais n'ont fait l'objet que d'une simple déclaration, le maire est tenu de s'opposer aux travaux déclarés et d'inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet que les sociétés Bouygues Telecom et Cellnex envisagent de réaliser est composé d'un pylône d'une hauteur de 25 mètres dont l'emprise au sol est égale à 5 m², clôturé par un grillage d'une hauteur de deux mètres. En outre, même s'il repose sur un socle, qui ne comporte aucun local technique, le projet ne comporte pas création d'une surface de plancher. Par suite, la commune de Monteux n'est pas fondée à solliciter une substitution de motifs tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l'urbanisme.

10. En deuxième lieu, la commune de Monteux soutient qu'en application de l'article L. 43 du code des postes et des communications électroniques, le projet était soumis à autorisation de l'Agence nationale des fréquences et que les sociétés Cellnex et Bouygues Telecom devaient justifier de l'obtention de cette autorisation au moment du dépôt de dossier de déclaration préalable. Toutefois, il n'appartient pas à l'autorité en charge de la délivrance des autorisations d'urbanisme de veiller au respect de la réglementation des postes et communications électroniques dans le cadre de l'instruction des déclarations ou demandes d'autorisation d'urbanisme. En outre, l'accord de l'agence nationale des fréquences n'est pas au nombre des pièces dont la production est requise au titre des dispositions de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme, qui fixent, de manière exhaustive le contenu d'un dossier de déclaration de travaux. Par suite, la commune de Monteux n'est pas fondée à solliciter une substitution des motifs tirés de l'absence d'accord de l'agence nationale des fréquences.

11. Enfin, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". L'article L. 110-1 du code de l'environnement qui énonce le principe de précaution dispose que : " l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de la charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".

12. S'il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés sur l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d'autorisation.

13. En se bornant à faire valoir que l'antenne litigieuse sera installée à proximité d'habitations et qu'il existe un risque pour la sécurité des riverains, la commune de Monteux n'apporte aucun élément de nature à établir que le projet ne pouvait être autorisé au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier de première instance ou d'appel que le projet des sociétés Bouygues Telecom et Cellnex comporterait, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, mêmes incertains, de dommages graves et irréversibles à l'environnement ou même de quelconques conséquences dommageable pour l'environnement justifiant un refus. Par suite, la commune de Monteux n'est pas fondée à solliciter une substitution des motifs tirés de la méconnaissance de l'article 5 de la charte de l'environnement et des articles R. 111-2 et L. 110-1 du code de l'environnement.

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de Monteux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 28 juin 2018 du maire de la commune.

Sur les frais exposés dans l'instance :

15. Les sociétés Bouygues Telecom et Cellnex n'étant pas les parties perdantes à l'instance, il y a lieu de rejeter la demande de la commune de Monteux présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Monteux la somme de 1 500 euros à verser aux sociétés Cellnex et Bouygues Telecom prises ensemble sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Monteux est rejetée.

Article 2 : La commune de Monteux versera aux sociétés Bouygues Telecom et Cellnex prises ensemble une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Monteux et aux sociétés Bouygues Telecom et Cellnex.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 où siégeaient :

M. Portail, président par interim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, 14 décembre 2021.

6

N° 20MA03571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03571
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET EARTH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;20ma03571 ?
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