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14/12/2021 | FRANCE | N°20MA01453

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 20MA01453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a refusé de lui verser les traitements dus depuis le 18 juin 2016, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant égal aux salaires dus depuis le 18 juin 2016 ainsi qu'une somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, sommes augmentées des intérêts au taux légal capitalisés à compter de

la réception, par l'administration, de sa demande indemnitaire préalable, et d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a refusé de lui verser les traitements dus depuis le 18 juin 2016, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant égal aux salaires dus depuis le 18 juin 2016 ainsi qu'une somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, sommes augmentées des intérêts au taux légal capitalisés à compter de la réception, par l'administration, de sa demande indemnitaire préalable, et d'enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1705579 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros, au titre du préjudice de troubles dans les conditions d'existence ainsi qu'une indemnité correspondant au montant des traitements qu'elle aurait dû percevoir si elle était restée en fonction entre le 17 octobre 2016 et la date de lecture du jugement, montant auquel ont été retranchés trois mois de traitement correspondant à la durée d'exclusion, ainsi que les salaires que Mme A... a perçus durant cette période et qui a été minoré de 20 %, et a décidé que la somme de 15 000 euros ainsi que l'indemnité correspondant aux traitements que Mme A... aurait dû percevoir entre le 17 octobre 2016 et le 26 septembre 2017 minorés de 20 % porteront intérêts au taux légal à compter de cette date et capitalisé.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 27 mars 2020, le ministre de l'intérieur, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 mars 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable en raison de l'absence de preuve d'accusé de réception de la demande indemnitaire préalable de Mme A... ;

- l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 n'est pas applicable à l'espèce au motif que l'intéressée n'a pas fait l'objet d'une suspension administrative prise sur ce fondement, mais d'une suspension de traitement en raison d'une interdiction judiciaire d'exercer ses fonctions de policier ; ainsi l'Etat n'a commis aucune faute en suspendant le traitement de l'agent jusqu'au jour de la levée de la mesure judiciaire ;

- la somme de 15 000 euros allouée en réparation des troubles dans les conditions d'existence de Mme A... est disproportionnée, et si la juridiction accédait aux prétentions de la requérante, elle ne saurait excéder la somme de 2 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés les 3 juillet et 3 août 2020 et le 19 janvier 2021,

Mme A..., représentée par Me Gyucha, dans le dernier état de ses écritures, conclut :

- à la réforme du jugement attaqué ;

- à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ;

- à la condamnation de l'Etat lui verser 10 000 euros au titre de sa carence à produire des bulletins de paye depuis le 25 février 2016 ;

- à enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête du ministre de l'intérieur n'est pas motivée et à ce titre irrecevable ; le contentieux est bien lié dès lors qu'elle apporte la preuve de la réception par l'administration de sa réclamation préalable du 25 septembre 2017 ; c'est à tort que les premiers juges ont décidé qu'il lui appartenait de solliciter une affectation compatible avec le contrôle judiciaire et minoré la responsabilité de l'Etat à hauteur de 20% ; elle a droit à une indemnité calculée sur la base d'un traitement fixé par référence à l'indice 513 majoré ; les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 5 février 2021 clot l'instruction au 26 février 2021.

Le 18 novembre 2021, Mme A... a, sur demande de la Cour, le 10 novembre 2021, produit des pièces complémentaires.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, cette communication n'a eu pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Mme A... qui indique à la Cour avoir fait l'objet d'un jugement correctionnel du 8 décembre 2020, et avoir été radiée des cadres de la police nationale à compter du 29 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., brigadier-chef de la police nationale, a été mise en examen et placée sous mandat de dépôt le 25 février 2016, date à compter de laquelle son traitement a été suspendu. Puis, par ordonnance du 17 juin 2016, elle a été remise en liberté sous contrôle judiciaire avec obligation de ne détenir ni de porter une arme et de ne pas se livrer aux activités de fonctionnaire de police, et elle n'a reçu aucune affectation depuis cette date. Par lettre du 25 septembre 2017, Mme A... a sollicité auprès du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud le versement de son traitement de manière rétroactive. Elle a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté sa demande, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant égal aux salaires dus depuis le

18 juin 2016 ainsi qu'une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a d'une part condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros, au titre du préjudice de troubles dans les conditions d'existence ainsi qu'une indemnité correspondant au montant des traitements qu'elle aurait dû percevoir si elle était restée en fonction entre le 17 octobre 2016 et la date de lecture du jugement, montant auquel ont été retranchés trois mois de traitement correspondant à la durée d'exclusion, ainsi que les salaires qu'elle a perçus durant cette période et qui a été minoré de 20 %, et d'autre part a décidé que la somme de 15 000 euros ainsi que l'indemnité correspondant aux traitements qu'elle aurait dû percevoir entre le 17 octobre 2016 et le 26 septembre 2017 minorés de 20 % porteront intérêts au taux légal à compter de cette date et capitalisé.

Sur les fins de non-recevoir :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

3. Comme devant les premiers juges, le ministre de l'intérieur soutient que Mme A... n'établit pas avoir déposé une demande indemnitaire préalable. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a formé une réclamation préalable et elle produit l'accusé de réception de cette réclamation. Il résulte clairement des mentions de cet accusé de réception qui, contrairement aux allégations de l'administration, n'est pas illisible, que le secrétariat général pour l'administration de la police de Marseille a bien réceptionné cette réclamation préalable le 26 septembre 2017. Par ailleurs, le ministre fait valoir que le numéro du recommandé avec avis de réception mentionné sur l'accusé de réception produit au débat est différent de celui indiqué dans le courrier de demande préalable. Toutefois, cette contradiction qui est due à la confusion entre le numéro matricule de l'agent et la mention " AR ", est en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation de l'application des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code. Dès lors, cette fin de non-recevoir doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'intimée :

4. Dans sa requête introductive d'instance, le ministre de l'intérieur a précisé le fondement de son action en invoquant l'irrecevabilité de la demande de 1ère instance, en critiquant la motivation du jugement et l'erreur de droit dont il serait entaché en ce que

l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 était inapplicable à l'espèce et en ce que le préjudice en réparation des troubles dans les conditions d'existence est surévalué. Ainsi, son recours est suffisamment motivé.

Sur la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne l'appel du ministre :

Sur le droit applicable au litige :

5. D'une part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

6. D'autre part, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. /

Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judiciaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. (...) / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille (...) ".

7. Si l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, " qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun ", et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'incarcération de l'intéressé.

8. Enfin, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé (...) ".

Sur le bien-fondé de l'appel :

9. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme A... a fait l'objet d'une mise en examen et d'un placement sous mandat de dépôt le 25 février 2016 puis, par une ordonnance du 17 juin 2016, a été remise en liberté sous contrôle judiciaire avec obligation de ne détenir ni de porter une arme et de ne pas se livrer aux activités de fonctionnaire de police. Compte tenu de ces mesures de contrôle judiciaire, et en l'absence de service fait à compter du 25 février 2016, le traitement de l'agent a été interrompu depuis cette date. Contrairement à ce que soutient le ministre, le jugement attaqué n'a pas fondé la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, mais sur une suspension de traitement en raison d'une interdiction judiciaire d'exercer ses fonctions de policier par l'intéressée, selon les règles posées au point 6. Ainsi, les premiers juges n'ont à bon droit retenu aucune faute de l'Etat en suspendant le traitement de l'agent jusqu'au jour de la levée de la mesure judiciaire.

10. D'autre part, dès lors que l'interdiction de se livrer à toute activité professionnelle au sein de la police nationale perdurait, Mme A..., qui a commis, dans l'exercice de sa profession d'agent de police, des fautes graves telles que celle visée au point 6, et qui ne s'est pas présentée à son administration en vue de reprendre son service, hors activités de police nationale, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, au motif que son traitement ne lui a pas été versé dès le lendemain du

17 juin 2016, date de l'ordonnance prononçant sa remise en liberté sous contrôle judiciaire, ni qu'elle devait nécessairement être suspendue ou se voir proposer une affectation dans un emploi hors d'une activité de police. Néanmoins, au regard des garanties qu'elle tient de son statut, rappelées au point 5, Mme A... était en droit de solliciter une affectation correspondant à son grade dès le lendemain de l'ordonnance du 17 juin 2016 prononçant sa remise en liberté sous contrôle judiciaire avec obligation de ne pas détenir ni porter une arme et de ne pas se livrer aux activités de fonctionnaire de police, ordonnance dont l'administration a eu connaissance. Cependant, eu égard aux conditions du contrôle judiciaire et des charges pénales pesant sur la requérante, l'administration disposait d'un délai raisonnable de quatre mois pour lui donner une affectation conforme à son statut. En s'abstenant d'attribuer à l'intéressée une nouvelle affectation, l'administration a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne l'appel incident de Mme A... :

11. En premier lieu, l'administration devait proposer une affectation à Mme A... dans un délai de quatre mois à compter du 18 juin 2016 sans qu'il puisse être reproché à l'intéressée de ne pas avoir effectué des démarches en vue de recevoir une affectation. Néanmoins, à la suite de cette période, le service n'a proposé aucune affectation hors activités de police à Mme A..., engageant ainsi sa responsabilité à compter du 18 octobre 2016. Par suite, en l'absence de toute obligation d'une quelconque démarche à effectuer de sa part, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué un abattement de 20% sur le montant accordé au titre du préjudice de troubles dans ses conditions d'existence.

12. En deuxième lieu, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration a commis une faute en s'abstenant de lui communiquer des bulletins de salaire, ni en ne reconstituant pas sa carrière, dès lors que ces chefs de préjudice sont étrangers au présent litige.

Sur les préjudices :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... doit être regardée comme rétablie dans ses fonctions au 18 octobre 2016, date à laquelle elle peut prétendre au versement de son traitement jusqu'à la date du 29 décembre 2020 de sa radiation des cadres de la police nationale par arrêté du ministre de l'intérieur du 25 janvier 2021, déduction faite de la période de trois mois qui résulte de l'arrêté ministériel du 24 avril 2018 qui exclut Mme A... de ses fonctions, à titre disciplinaire, pour une durée de 12 mois dont 9 avec sursis. En conséquence le préjudice financier subi par Mme A... à raison de l'abstention fautive de l'Etat doit être évalué sur la base d'un traitement fixé à l'indice 470, correspondant à celui de brigadier-chef porté sur le bulletin de paye de février 2016 de l'intéressée, montant auquel il convient de retrancher les salaires que Mme A... a perçus durant cette période. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact de l'indemnité due à Mme A... au titre du préjudice correspondant, il y a lieu de renvoyer celle-ci devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de la créance.

14. En deuxième lieu, au regard des éléments apportés par Mme A..., il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en fixant l'indemnité due à ce titre à la somme de 10 000 euros.

15. En dernier lieu, Mme A... a été mise en examen et placée sous mandat de dépôt pour des faits de faux en écriture publique et usage de faux en écriture publique, recel de bien provenant d'un vol, par effraction dans un local d'habitation ou dans un lieu d'entrepôt, violation du secret professionnel, sollicitation ou acceptation d'avantage par personne dépositaire de l'autorité publique pour abuser de son influence auprès d'une autorité ou administration publique, vol par personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et altération frauduleuse de la vérité dans un écrit. S'appropriant l'avis du 29 septembre 2017 du conseil de discipline, par un arrêté du 24 avril 2018, le ministre de l'intérieur excluait Mme A... de ses fonctions pour une durée de neuf mois dont trois mois avec sursis. Dans ces conditions, Mme A... qui ne conteste pas les faits ayant donné lieu à la mesure judiciaire qui l'a frappée, n'est pas fondée à soutenir que le retard pris dans le traitement de son dossier administratif à la suite de la suspension de son traitement, qui a pour cause ses propres agissements, lui a causé un préjudice moral.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

16. Il y a lieu d'assortir les sommes que devra verser l'administration des intérêts moratoires au taux légal qui ont été demandés pour la première fois dans la demande indemnitaire préalable le 26 septembre 2017. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation de Mme A... du 14 décembre 2017, à compter du 26 septembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'injonction. Par suite, les conclusions susvisées présentées par Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A... une indemnité représentant les traitements qu'elle aurait dû percevoir, au titre de la période du 18 janvier 2017 jusqu'au 29 décembre 2020, selon les modalités de calcul fixées au point 13. Mme A... est renvoyée devant son administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme dans ces conditions.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi dans ses conditions d'existence.

Article 3 : Les sommes définies aux articles 1 et 2 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017. Ces sommes porteront intérêts au taux légal. Les intérêts échus le 26 septembre 2018 seront capitalisés tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4. Le jugement du 6 mars 2020 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire aux trois articles précédent.

Article 5 : L'Etat versera 1 000 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'intérieur et des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B... épouse A....

Copie en sera adressée préfet de la zone de défense et de sécurité Sud

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.

N° 20MA014539


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GYUCHA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 14/12/2021
Date de l'import : 28/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA01453
Numéro NOR : CETATEXT000044516090 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;20ma01453 ?
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