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14/12/2021 | FRANCE | N°19MA04031

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 19MA04031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., M. E... D... et Mme I... F... veuve D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le refus implicite de rejet du

5 novembre de leur réclamation préalable en date 4 septembre 2017 tendant à la condamnation de la commune de Saint-André-de-Roquelongue à leur payer la somme de 199 024,70 euros en réparation de leurs préjudices et de condamner la commune à leur verser une telle somme.

Par un jugement n° 1706061 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de M

ontpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., M. E... D... et Mme I... F... veuve D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le refus implicite de rejet du

5 novembre de leur réclamation préalable en date 4 septembre 2017 tendant à la condamnation de la commune de Saint-André-de-Roquelongue à leur payer la somme de 199 024,70 euros en réparation de leurs préjudices et de condamner la commune à leur verser une telle somme.

Par un jugement n° 1706061 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2019 et le 7 mai 2020,

Mme B... D..., M. E... D... et Mme I... F... veuve D..., représentés par Me Caudrelier, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2019 ;

2°) de condamner la commune de Saint-André-de-Roquelongue à leur verser la somme de 210 076,70 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur réclamation préalable, le 5 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-André-de-Roquelongue la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- leur action n'est pas prescrite ;

- la commune est intégralement responsable des dommages qu'ils ont subis au titre de sa responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics ;

- ils n'ont pas commis de faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- ils ont subi un préjudice à hauteur de 210 076,70 euros se décomposant comme suit :

- 151 270,13 euros correspondant au coût des travaux ;

- 16 423,86 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire ;

- 4 666 euros correspondant aux frais d'avocat engagés dans la présente instance (hors frais d'instance) ;

- 4 971,71 euros au titre des frais de déplacement nécessités par les réunions d'expertise judiciaire et la rencontre avec les entreprises de travaux ;

- 2 325 euros au titre de la taxe foncière acquittée de 2014 à 2016 ;

- 30 600 euros (soit 450 euros x 68 mois à la date de l'introduction du mémoire en réplique), au titre de la perte de chance de pouvoir louer leur immeuble.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2020, la commune de Saint-André-de-Roquelongue, représentée par Me d'Albenas, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête des consorts D... ;

2°) subsidiairement, de condamner la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude et la SARL Taillefer TP à la garantir à hauteur de 50% des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge des consorts D... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête des consorts D... est irrecevable faute pour ces derniers de critiquer utilement le jugement de première instance, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- l'action des consorts D... est prescrite ;

- elle n'est pas responsable des dommages subis par les consorts D... puisque l'expert ne met en cause que les constructeurs dans son rapport, rendu le 30 novembre 2016 ;

- elle entend appeler en garantie la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), maître d'œuvre des travaux effectués en 2006, et la société Taillefer TP qui a réalisé ces travaux, au titre de leur responsabilité décennale et, en outre, au titre de la faute par négligence commise par la DDTM de l'Aude dans le cadre des études de projet et de la direction des travaux qu'elle a assurée ;

- en tout état de cause, les requérants, dont le bien présente naturellement une fragilité structurelle, ont, par leur passivité, contribué à l'aggravation de leur sinistre, ce qui est constitutif d'une faute de la victime de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- la réalité du préjudice des requérants n'est pas démontrée ; en tout état de cause le montant des préjudices est surévalué ; en outre, le montant demandé est trois fois supérieur à ce qui est préconisé par l'expert.

Vu :

- le rapport d'expertise en date du 30 novembre 2016 ;

- l'ordonnance de taxation en date du 16 décembre 2016, par laquelle la présidente du tribunal a taxé les frais et honoraires de l'expertise ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Caudrelier, représentant les consorts D..., et de

Me Chatron, substituant Me d'Albenas, représentant la commune de Saint-André-de-Roquelongue.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts D..., propriétaires d'un bien situé 295, place de la Fontaine, dans la commune de Saint-André-de-Roquelongue, relèvent appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-André-de-Roquelongue à leur verser la somme globale de

210 076,70 euros en réparation de leurs préjudices.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 : " La prescription est interrompue par : / (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption". Et aux termes de l'article 3 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale. Le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise réalisé par M. H..., expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que les désordres affectant l'immeuble des requérants consistent en une déformation conséquente du mur latéral vers l'extérieur, ayant provoqué l'apparition de deux importantes fissures, en un soulèvement du sol au niveau du dallage, à l'intérieur de l'immeuble, ayant provoqué un dysfonctionnement de la porte d'entrée et un affaissement de l'ordre de trois centimètres ainsi qu'en d'importantes fissures de part et d'autre du bâtiment, entraînant une désolidarisation des cloisons par rapport au mur de façade. Il résulte du même rapport que ces désordres ont pour origine les travaux de démolition de l'immeuble mitoyen appartenant à la commune, en 1989, qui a eu pour effet de supprimer le contreventement de la façade nord de l'immeuble, insuffisamment compensé par le contrefort réalisé en 1992, et ont été aggravés de manière importante par les travaux de terrassement de la tranchée de réseaux d'assainissement réalisés, au pied de la propriété,

en 2006.

4. La commune de Saint-André-de-Roquelongue oppose l'exception de prescription quadriennale à la demande des consorts D..., au motif que les désordres dont ils se prévalent sont apparus en 2006 et ont été connus dans toute leur ampleur en 2008, alors que les intéressés n'ont sollicité la désignation d'un expert auprès du tribunal administratif qu'en août 2014. Les consorts D... soutiennent, pour la première fois en appel, que les premiers désordres seraient apparus en 2007/2008 et qu'ils se seraient aggravés en 2010. Ils en déduisent que, leur préjudice n'étant connu dans toute son étendue qu'à compter de 2010, la prescription quadriennale, qui commençait à courir le 1er janvier 2011, n'était pas acquise en 2014, date à laquelle ils ont saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'expertise. Pour contester l'appréciation de la commune de Saint-André-de-Roquelongue, les consorts D... soutiennent que c'est par erreur que l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier a retenu qu'ils avaient eux-mêmes déclaré que des fissures sur leur immeuble étaient apparues en 2006, soit à une date proche de celle à laquelle ont été réalisés des travaux sur des réseaux d'assainissement situés au droit de leur immeuble, et s'étaient aggravées en 2008. Il résulte de l'instruction que les dates retenues par les premiers juges sont celles qui ont été indiquées par l'expert M. H... dans son rapport définitif, et qui figuraient en outre dans le compte-rendu n° 1 de la réunion d'expertise du 3 septembre 2014, comme ayant été déclarées spontanément par les consorts D.... Ces derniers font valoir que d'autres dates sont retenues par les différents experts qui sont intervenus au cours de la procédure. Ainsi M. C..., dans son rapport rédigé à l'occasion de la demande, faite à la commune par l'expert judiciaire, M. H..., de prendre un arrêté de péril concernant la propriété des consorts A..., voisins de consorts D... et dont l'immeuble était aussi affecté par des désordres, a indiqué dans l'introduction à son rapport intitulée " chronologie des faits " que les époux A... ont constaté la réapparition de fissures sur leur immeuble après des travaux de réfection de toiture réalisés au cours de l'année 2010.

M. G..., auteur d'un diagnostic géotechnique réalisé dans le cadre de l'expertise conduite par M. H..., a quant à lui indiqué que " d'après M. D..., en 2007/2008 les premières fissures sont apparues mais ce n'est qu'en 2010 que les désordres ont été conséquents ". Enfin M. H... lui-même, dans les comptes rendus nos 2 et 4 qu'il a réalisés à la suite de la seconde réunion d'expertise du 6 mai 2015, a noté que les désordres observés par M. A... datent de 2008 et que " courant 2010, les désordres se sont aggravés ". Toutefois, dès lors que les dates retenues dans ces différents rapports résultent des seules déclarations des intéressés, qui n'ont à aucun moment des opérations d'expertise, ni après la publication du rapport définitif ou encore au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Montpellier, contesté les dates retenues par l'expert dans son rapport définitif, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ignoraient détenir une créance avant l'année 2010. En outre, dès lors que l'apparition des fissures, en 2006, était concomitantes aux travaux de terrassement de la tranchée de réseaux d'assainissement réalisés au droit de leur propriété, ils pouvaient raisonnablement déterminer que la cause des dommages pouvait résulter d'un fait de l'administration. Enfin, alors qu'ils n'établissent ni n'allèguent, avoir fait de quelconques démarches, avant l'établissement d'un procès-verbal d'huissier de 2013, pour tenter de déterminer la cause des désordres affectant leur immeuble, la seule circonstance qu'ils ne demeuraient pas sur place ne peut les faire regarder comme ignorant légitimement l'existence de leur créance. Ainsi, en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription de quatre ans a commencé à courir, au plus tard, le 1er janvier 2009 pour s'achever le 31 décembre 2012. Dans ces conditions, les consorts D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, après avoir fait droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-André-de-Roquelongue, ont rejeté leurs demandes.

Sur l'appel en garantie présenté par la commune contre l'Etat et la société Taillefer TP :

5. Aucune condamnation n'étant prononcée par le présent arrêt à l'encontre de la commune de Saint-André-de-Roquelongue, ses conclusions d'appel en garantie sont sans objet.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-André-de-Roquelongue, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts D... le versement de la somme que la commune de Saint-André-de-Roquelongue demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts D... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par la commune de

Saint-André-de-Roquelongue aux fins d'appel en garantie.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-André-de-Roquelongue présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à M. E... D...,

à Mme I... F... veuve D..., au préfet de l'Aude, à la commune de Saint-André-de-Roquelongue, à la SARL Taillefer TP et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 14 décembre 2021.

2

N° 19MA04031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04031
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET CAUDRELIER CANIEZ ESTEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;19ma04031 ?
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