La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2021 | FRANCE | N°19MA03193

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 19MA03193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2016 par lequel le maire de Marseille l'a détachée à compter du

21 novembre 2016, pour une durée d'un an, dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, d'enjoindre à l'administration de l'affecter sur un poste compatible avec les modalités de son contrôle judiciaire et son niveau de compétence, et de condamner l'administration à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préj

udice moral.

Par un jugement n° 1703637 du 9 mai 2019, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2016 par lequel le maire de Marseille l'a détachée à compter du

21 novembre 2016, pour une durée d'un an, dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, d'enjoindre à l'administration de l'affecter sur un poste compatible avec les modalités de son contrôle judiciaire et son niveau de compétence, et de condamner l'administration à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1703637 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2019, Mme A... B..., représentée par Me Morin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2016 par lequel le maire de Marseille l'a détachée pour une durée d'un an, à compter du 21 novembre 2016, dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;

3°) d'enjoindre à l'administration de l'affecter à un poste compatible avec les modalités de son contrôle judiciaire et son niveau de compétence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 3 000 euros à titre indemnitaire ;

5°) de mettre à la charge de l'administration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 2010 et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la procédure contradictoire n'a pas été suivie ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- son affectation méconnaît les termes de son contrôle judiciaire ;

- le comportement de l'administration est à l'origine d'une dégradation de son état

de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2021, la commune de Marseille, représentée par Me Capdefosse, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête de Mme B... est irrecevable, dès lors qu'elle a été introduite tardivement, qu'à tout le moins les conclusions à fin d'indemnisation sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une réclamation préalable, et qu'en tout état de cause, les moyens ne sont pas fondés.

Par décision du 13 décembre 2019, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Capdefosse, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative territoriale, exerçait les fonctions d'agent administratif de 2ème classe dans un bureau de proximité de la commune de Marseille chargé notamment de l'état civil, lorsqu' elle a été suspendue à la suite de sa mise en cause dans une procédure pénale, et a été placée sous contrôle judiciaire, le 17 mars 2016. Par un courrier du

4 octobre 2016, elle a demandé à être réintégrée au sein du personnel de la commune de Marseille et à être affectée à un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire. Elle relève appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2016 par lequel le maire de Marseille l'a détachée, pour une durée d'un an, à compter du

21 novembre 2016, dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux et, d'autre part, à être indemnisée du préjudice moral que lui a causé l'arrêté en cause.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 4 octobre 2016 Mme B..., qui était suspendue de ses fonctions depuis le 1er mars 2015, a demandé à la ville de Marseille, par l'intermédiaire de son conseil, à " être affectée provisoirement sur un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, en tout état de cause, de procéder à son détachement d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations " et a réitéré elle-même cette demande le

4 novembre 2016, en précisant qu'elle souhaitait être réintégrée en tant qu'agent d'entretien, après avoir refusé un autre poste proposé, celui d'agent de bibliothèque. Par lettre du

9 novembre 2016, Mme B... a indiqué " solliciter un changement de filière du grade d'adjoint administratif de 2ème classe au grade d'adjoint technique de 2ème classe " et " avoir pris connaissance des conséquences statutaires et financières entrainées par ce changement de poste ", qu'elle déclare " accepter ". L'arrêté attaqué, qui fait droit à cette demande en détachant Mme B... pour une durée d'un an dans le corps des agents techniques territoriaux, et qui, dès lors, ne constitue pas une décision défavorable, n'avait par suite pas à être motivé ni précédé d'une procédure contradictoire.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l'entrée en vigueur de l'article 26 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 :

" En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute

peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence,

le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai.

Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. Le magistrat ayant ordonné le contrôle judiciaire et le procureur de la République sont informés des mesures prises à l'égard du fonctionnaire. La commission administrative paritaire du corps ou cadre d'emplois d'origine du fonctionnaire est également tenue informée de ces mesures. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. En cas de non-lieu, relaxe, acquittement ou mise hors de cause, l'autorité hiérarchique procède au rétablissement dans ses fonctions du fonctionnaire. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de la publicité du procès-verbal de rétablissement dans les fonctions. ".

5. Mme B... soutient que les dispositions précitées ont été méconnues dès lors que son détachement provisoire dans le corps des adjoints techniques territoriaux n'a pas été précédé du constat de l'impossibilité de la réintégrer dans les fonctions dont elle avait été suspendue. Toutefois, dès lors que sa réintégration dans ses fonctions était rendue impossible par les termes de son contrôle judiciaire, lequel lui interdisait de " se livrer aux activités professionnelles ou sociales suivantes : tout emploi administratif en lien avec l'Etat civil et impliquant un contact avec le public ", qu'elle a demandé elle-même à être réintégrée dans les effectifs de la commune de Marseille à un poste compatible avec les termes de son contrôle judiciaire, et expressément demandé, ainsi qu'il a été rappelé au point 3, à être détachée dans un autre corps administratif, Mme B... ne saurait utilement soutenir qu'elle n'a pas été informée de l'impossibilité d'être réintégrée dans ses fonctions et de son probable détachement. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de détachement attaquée, qui n'a, au demeurant, pas été prise d'office, mais à sa demande, méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'intéressée, l'emploi d'agente des écoles affectée au nettoyage, à la restauration et à la surveillance des élèves ne constitue pas un emploi administratif en lien avec l'état civil et, s'il implique un contact avec un public scolaire, ce dernier ne saurait être assimilé au " public " visé par l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille du 17 mars 2016. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet emploi serait incompatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel elle est soumise doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation, ainsi que, en l'absence d'illégalité fautive de cette décision, ses conclusions aux fins d'indemnisation. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que la commune de Marseille demande sur le fondement des mêmes dispositions.

9. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille présentées en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Morin et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 14 décembre 2021.

6

N° 19MA03193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03193
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Détachement et mise hors cadre. - Détachement. - Conditions du détachement.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;19ma03193 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award