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07/12/2021 | FRANCE | N°21MA00820

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2021, 21MA00820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la communauté d'agglomération du Grand Avignon à lui verser la somme de 36 870 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la déformation du fond de la coque de sa piscine en inox implantée sur sa propriété située 64 chemin des Rocailles à Villeneuve-les-Avignon.

Par un jugement n°1803770 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la communauté d'agglomération du Grand Avignon à lui

verser la somme de

29 496 euros au titre de sa responsabilité du fait des ouvrages et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la communauté d'agglomération du Grand Avignon à lui verser la somme de 36 870 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la déformation du fond de la coque de sa piscine en inox implantée sur sa propriété située 64 chemin des Rocailles à Villeneuve-les-Avignon.

Par un jugement n°1803770 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la communauté d'agglomération du Grand Avignon à lui verser la somme de

29 496 euros au titre de sa responsabilité du fait des ouvrages et travaux public.

Procédure devant la Cour :

I-Par une requête, enregistrée le 26 février 2021 sous le n°21MA00820, et un mémoire enregistré le 16 novembre 2021, la communauté d'agglomération du Grand Avignon, représentée par Me Lemoine, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de M. B... ;

3°) à titre subsidiaire de considérer, au cas où le dommage serait constaté comme résultant des canalisations, la société Suez Eau France comme unique responsable ;

4°) de mettre à la charge de M. B... somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a été rendu sur la base d'expertises non judiciaires ne respectant pas le principe du contradictoire ;

- il est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à la demande d'appel en la cause de la société Suez ;

- M. B... étant un usager de la canalisation et non un tiers par rapport à elle, les premiers juges ont commis une erreur de droit en le retenant pas le régime de responsabilité du fait des ouvrages et travaux publics adéquat ;

- la société Suez Eau France, délégataire du service public d'assainissement collectif, doit être appelée en la cause ;

- le lien de causalité entre la canalisation publique appartenant à la communauté d'agglomération du Grand Avignon et le soulèvement du fond de la piscine de M. B... n'est pas établi ;

- M. B... a commis des fautes de nature à exonérer, partiellement ou totalement, la communauté d'agglomération de sa responsabilité.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2021, M. B..., représenté par

Me Callon, conclut au rejet de la requête et demande de réformer le jugement en ce qu'il a laissé à sa charge 20% des conséquences dommageables, de condamner la communauté d'agglomération du Grand Avignon à lui payer la somme de 36870 euros avec intérêt au taux légal et intérêts des intérêts, d'enjoindre à la communauté d'agglomération de réaliser les travaux d'étanchéité des ouvrages publics d'assainissement afin de faire cesser les désordres dans un délai de 9 mois et de mettre à la charge de cette dernière une somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il considère que les moyens d'appel ne sont pas fondés et que le tribunal a, à tort, laissé à sa charge 1/5ème de la responsabilité des dommages.

La requête a été communiquée pour observations à la société Suez Eau France, représentée par Me Penso, qui a produit des mémoires enregistrés les 15 et 19 novembre 2021, par lesquels, elle demande à la cour de constater qu'aucune conclusion n'est formulée à son encontre, qu'elle est à l'instance en tant qu'observateur, et de mettre à la charge de la partie perdante une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

II-Par une requête, enregistrée le 7 août 2021 sous le n°21MA03371, la communauté d'agglomération du Grand Avignon, représentée par Me Lemoine, demande à la Cour de suspendre, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes n°1803770 du 31 décembre 2020.

Elle soutient que les moyens qu'elle invoque dans ses conclusions d'appel sont, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement dont il est relevé appel.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Callon, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération une somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Badie

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Clabeaut, représentant la communauté d'agglomération du Grand Avignon, et de Me Ponzio substituant Me Penso, représentant la société Suez Eau France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 octobre 2016 à l'occasion d'un épisode de fortes pluies, M. B... a constaté une déformation du fond de la coque de sa piscine en inox implantée sur sa propriété située 64 chemin des Rocailles à Villeneuve-les-Avignon. Imputant ces désordres aux fuites d'une canalisation publique d'eaux usées enfouie dans sa parcelle au droit de la piscine,

M. B... a recherché la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Avignon aux fins de réparation des désordres subis par son installation et de réalisation des travaux de nature à faire cesser ces désordres à l'avenir. La communauté d'agglomération du Grand Avignon relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 29 496 euros au titre de sa responsabilité du fait des ouvrages et travaux public.

Sur la jonction :

2. Par les deux requêtes susvisées, la communauté d'agglomération du Grand Avignon sollicite l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 31 décembre 2020 rendu par le tribunal administratif de Nîmes. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 31 décembre 2020 :

3. L'article R. 811-15 du code de justice administrative prévoit que : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.".

4. Il ressort du jugement dont la communauté d'agglomération du Grand Avignon demande le sursis à exécution sur le fondement de ces dispositions que le tribunal administratif de Nîmes n'a annulé aucune décision administrative. Les conclusions de la requête enregistrée sous le n°21MA03371 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, la communauté d'agglomération du Grand Avignon soutient que le jugement du tribunal administratif de Nîmes est entaché d'irrégularité en ce qu'il a été rendu sur la base d'expertises non judiciaires ne respectant pas le principe du contradictoire. Mais le tribunal administratif de Nîmes a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, s'estimer suffisamment éclairé par les rapports d'expertise versés au dossier par les parties à titre informatif, et qui ont donné lieu à débat durant l'instance, en fondant sa décision sur sa propre interprétation des conclusions de ces rapports.

6. En deuxième lieu, la communauté d'agglomération du Grand Avignon soutient que le tribunal a omis de répondre aux conclusions d'appel en la cause de la société Suez Eau France présentées par la communauté d'agglomération du Grand Avignon dans son mémoire enregistré le 30 juin 2020. Si la communauté d'agglomération a effectivement demandé au tribunal d'appeler en la cause la société Suez Eau France, elle n'a pas formulé à l'encontre de cette société d'appel en garantie. Il était donc loisible au tribunal, sans qu'il ait à motiver sa décision sur ce point, et donc sans l'entacher d'irrégularité, d'appeler ou non en la cause la société Suez en tant qu'observateur.

7. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Avignon à fin d'annulation du jugement attaqué pour irrégularité et de se prononcer sur les autres conclusions des requêtes par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions dirigées contre la société Suez Eau France :

8. Si devant la cour, la communauté d'agglomération entend appeler en garantie la société Suez Eau France, présente à l'instance en tant qu'observateur, de telles conclusions en vue que soient mises à la charge de son fermier les condamnations prononcées contre elle, qui n'ont pas été présentées devant les premiers juges, sont irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. En premier lieu, M. B..., bien qu'également usager du réseau d'assainissement collectif par effet du raccordement de sa propriété à la canalisation en litige, a, relativement aux dommages dont s'agit, la qualité de tiers à l'égard de cet ouvrage public. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. B... avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause. Dès lors, la mise en jeu de la responsabilité sans faute de la communauté d'agglomération du Grand Avignon pour dommages de travaux publics à son égard est subordonnée à la démonstration par cet administré du lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage et à l'existence d'un dommage anormal et spécial.

10. En second lieu, aux termes de l'article R.621-1 du code de justice administrative, " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ".

11. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports des 5 juillet 2017 et 28 février 2018, provenant respectivement de la communauté d'agglomération et de l'assureur du requérant, que l'origine du sinistre ayant causé le soulèvement et la déformation du fond en inox de la piscine de M. B..., semble devoir être attribuée à l'existence de sous pressions d'eau circulant sous le bassin. Toutefois, les conclusions de ces rapports diffèrent significativement quant à l'implication de la canalisation enfouie sur la parcelle de M. B... au droit de sa piscine dans l'existence de ces sous pressions et, partant, dans la survenance du dommage. Certes, le rapport d'expertise produit par l'assureur du 28 février 2018, se basant sur les résultats des investigations conduites par passage caméra, a conclu que cette canalisation, obstruée par des racines, était fuyarde, et que cette fuite était à l'origine d'un déversement d'eau important sous la piscine de M. B.... Mais, la communauté d'agglomération, se fondant notamment sur le rapport du 5 juillet 2017, fait état des défaillances de conception, d'entretien et de construction de la piscine et invoque l'existence d'une autre canalisation non obstruée qui débouche dans un regard, dit regard C, très proche de la piscine dont l'étanchéité est discutée.

12. Il résulte de ce qui précède que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de déterminer avec précision si la canalisation d'assainissement est impliquée dans la survenance du sinistre ou si celui-ci a une autre origine, pas plus qu'il ne permet de déterminer si la conception, la construction ou l'entretien de la piscine présentent des défauts. Dès lors, il y a lieu d'ordonner une expertise et de fixer la mission de l'expert comme il est précisé à l'article 4 du dispositif du présent arrêt.

D E C I D E :

Article 1er : La requête, enregistrée sous le n° 21MA03371, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions dirigées contre la société Suez Eau France sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Avignon ainsi, le cas échéant, que sur le surplus des conclusions de M. B..., procédé par un expert, hydrogéologue, désigné par la présidente de la Cour, à une expertise contradictoire en présence de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, de la société Suez Eau France en tant qu'observateur, et de M. B..., avec pour mission de :

1°) se faire communiquer auprès de M. B..., de la communauté d'agglomération du Grand Avignon et de Suez Eau France, tous documents relatifs au sinistre, en ce compris les rapports d'expertise déjà réalisés, les documents relatifs à la construction de la piscine, au contrat de délégation de service public, à l'activité d'entretien et d'exploitation du délégataire, et au réseau d'assainissement collectif dont fait partie la canalisation ;

2°) se rendre sur les lieux ;

3°) déterminer l'état de la canalisation publique et de toute autre canalisation, enfouies sous la parcelle de M. B... au droit de sa piscine et dire, notamment, si elles sont fuyardes, endommagées, et, le cas échéant, dans quelle mesure ;

4°) déterminer, le cas échéant, si l'écoulement d'eau qui en a résulté a pu provoquer le soulèvement du fond de la piscine de M. B..., dans la négative, examiner les causes possibles de ce soulèvement ;

5°) dire si l'état des canalisations et des regards était, au moment du dommage, imputable à un défaut d'entretien et si ce défaut d'entretien est intervenu dans le sinistre;

6°) déterminer si les dommages survenus peuvent être, en partie ou en totalité, imputables à un défaut de construction ou d'entretien de la piscine elle-même ;

7°) indiquer la part de chacune des causes dans la réalisation des désordres ;

8°) fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et à l'établissement des causalités et responsabilités entre les parties.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant. Il pourra, s'il l'estime utile, avec l'accord de la présidente de la Cour, s'adjoindre un sapiteur.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Grand Avignon et à M. B....

Copie en sera transmise à l'expert et à la société Suez Eau France.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.

N° 21MA00820, 21MA003371 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00820
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CALLON AVOCAT ET CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-07;21ma00820 ?
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