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19/11/2021 | FRANCE | N°19MA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 19 novembre 2021, 19MA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 38 936,07 euros et 10 000 euros au titre des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité fautive de la décision du 11 février 2008 du ministre de la défense prononçant son changement d'affectation.

Par un jugement n° 1600556 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête, enregistrée le 23 mai 2019 et des mémoires enregistrés les 29 septembre et 8 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 38 936,07 euros et 10 000 euros au titre des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité fautive de la décision du 11 février 2008 du ministre de la défense prononçant son changement d'affectation.

Par un jugement n° 1600556 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019 et des mémoires enregistrés les 29 septembre et 8 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Lucchini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 4 janvier 2016, opposée par le ministre de la défense à l'encontre de la demande préalable formée par M. B... le 30 octobre 2015 réceptionnée le 4 novembre 2015 ;

3°) d'engager la responsabilité de l'Etat pour faute compte tenu de l'illégalité de la décision du 11 février 2018 changeant l'affectation de M. B... le 30 octobre 2015, réceptionnée le 4 novembre 2015 ;

4°) de condamner l'Etat à verser à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai :

- la somme de 38 944,95 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice financier subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 11 février 2008 ;

- la somme de 10 000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 11 février 2008 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le lien de causalité entre la faute de l'administration et son préjudice est démontré ;

- la perte de rémunération au-delà de 122,48 euros par mois est imputable à la faute de l'administration, soit environ la somme de 278,67 euros par mois dès lors que le changement d'affectation illégal l'a privé d'avantages (astreintes/heures supplémentaires/indemnité travaux insalubres) ;

- il n'a pu toucher l'intégralité de son traitement en raison de sa maladie dont l'origine est le changement d'affectation illégal ;

- il a subi un préjudice moral du fait de cette décision illégale.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 mai et 19 novembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à constater des faits sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret du 1er avril 1920 modifié relatif au statut du personnel ouvrier des arsenaux et établissements de la marine ;

- le décret n° 87-1008 du 17 décembre 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me Daïmallah substituant Me Lucchini, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ouvrier d'Etat, mécanicien de maintenance diesel affecté à la direction des travaux maritimes (DTM) à Toulon, s'est vu reprocher d'avoir sciemment perturbé les analyses de détection de poussières d'amiante réalisées du 13 au 15 mars 2007 par le LASEM (laboratoire d'analyse de surveillance et d'expertise de la marine) au sein de l'atelier " groupes et pompes " où il était alors en activité. Il a fait l'objet d'une affectation dans un autre atelier de l'établissement, par décision en date du 11 février 2008, et d'une mesure de sanction de 4ème niveau, soit un abaissement définitif de deux échelons, par décision du 20 février 2008.

2. Par un recours enregistré sous le n° 0802167 le 18 avril 2008, il a demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation de ces deux décisions. Par un jugement du 19 novembre 2009, dont il a relevé appel, ce tribunal a rejeté sa demande. Ensuite, par un arrêt n° 10MA00221 du 13 décembre 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il rejetait les conclusions du requérant tendant à l'annulation de son changement d'affectation et a enjoint au ministre de la défense de le réaffecter sur son ancien poste.

3. M. B... demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 38 944,95 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 11 février 2008 pour la période comprise entre 2008 et 2012 et relève appel du jugement du tribunal administratif n° 1600556 du 25 mars 2019 qui a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées tirée de nouvelles conclusions présentées en appel par M. B... :

4. En relevant appel du jugement du tribunal administratif de Toulon, M. B... réclame également la réparation du préjudice financier pour la période d'octobre 2010 à mars 2012 correspondant à sa reprise d'activité après un congé maladie entre 2008 et 2010.

5. Ce préjudice est toutefois invoqué pour la première fois en appel alors qu'il ne concerne pas des dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation, ni postérieurement au jugement de première instance. Il s'agit dès lors d'une demande nouvelle qui est tardive et par suite irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la demande de M. B... :

6. La décision du 11 février 2008 précitée a été annulée par un arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Marseille au motif que, devant être qualifiée de mutation d'office prise à titre disciplinaire, elle avait violé le principe général du droit disciplinaire selon lequel deux sanctions ne peuvent être prises pour sanctionner les mêmes faits. L'illégalité de cette décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant toutefois qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

7. En premier lieu, M. B... se prévaut d'une perte de traitement qu'il estime être en lien avec le changement d'affectation illégal qu'il a subi. Cette perte de traitement se divise entre un abaissement d'échelon qui correspond à la sanction disciplinaire devenue définitive qui a produit des effets pécuniaires à compter du 1er mars 2008, retenue dont ni le bien-fondé ni le montant ne sont contestés par l'appelant, et des rémunérations annexes sous forme de prime d'astreinte, d'heures supplémentaires et d'une indemnité de travaux insalubres dont il estime avoir été illégalement privé.

8. Or, d'une part, M. B... ne pouvait percevoir ces rémunérations annexes liées à l'exercice de ses fonctions dès lors qu'il a été placé en congé de longue durée à plein traitement pendant une période d'un an, soit du 4 mars 2008 au 3 mars 2009, puis en demi-traitement du 4 mars 2009 au 4 décembre 2010. Dès lors et en l'absence d'exercice effectif de ses fonctions, M. B... ne pouvait en tout état de cause percevoir les primes et indemnités qu'il invoque pendant cet arrêt de travail. Si l'appelant fait valoir que ce congé de longue durée est en lien avec une dépression engendrée par son changement illégal d'affectation, le lien de causalité avec le préjudice financier allégué est indirect et n'aurait pu être retenu que si M. B... avait effectivement exercé ses nouvelles fonctions de mars 2008 à décembre 2010.

9. D'autre part, s'agissant de la période incluse entre décembre 2010 et février 2012 au cours de laquelle M. B... a effectivement exercé sur son nouveau poste, et comme il a été dit au point 5, la demande indemnitaire est irrecevable.

10. M. B... soutient enfin qu'il a également subi un préjudice moral, évalué à 10 000 euros, du fait de la décision illégale de changement d'affectation à la suite de laquelle il a souffert d'une dépression. S'il résulte des certificats médicaux produits que la dégradation de l'état de santé de l'intéressé est liée au conflit avec son employeur, la Cour a définitivement jugé que M. B... a commis les faits qui lui sont reprochés et que la sanction d'abaissement d'échelon lui a été appliquée à bon droit. Sur la période indemnisable courant de 2008 à 2010, l'intéressé était en congé de longue durée et n'a donc pu subir les effets du changement d'affectation. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le lien de causalité direct entre l'illégalité fautive du changement d'affectation et le préjudice invoqué sur cette période, et, par suite, l'indemnisation d'un préjudice moral.

11. M. B... réclame enfin la somme de 3 793,94 euros en indemnisation des frais d'avocat qui vont au-delà de la somme de 1 500 euros qui lui a été allouée par la Cour dans son arrêt du 13 décembre 2011 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, si les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci, lorsque l'intéressé avait la qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées sur ce fondement par M. B... doivent être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

13. Par voie de conséquence, le surplus des conclusions de sa requête, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2021.

N° 19MA02320 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LUCCHINI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 19/11/2021
Date de l'import : 30/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA02320
Numéro NOR : CETATEXT000044346298 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-19;19ma02320 ?
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