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16/11/2021 | FRANCE | N°18MA04138

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 16 novembre 2021, 18MA04138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 21 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a prononcé l'intérêt général de l'opération de réalisation d'un parc photovoltaïque et a approuvé la mise en comptabilité du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1701533 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 21 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a prononcé l'intérêt général de l'opération de réalisation d'un parc photovoltaïque et a approuvé la mise en comptabilité du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1701533 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 septembre 2018, le 15 mars 2019, le 12 avril 2019, et le 2 mai 2019, la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, représentés par Me Hequet, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 21 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a prononcé l'intérêt général de l'opération de réalisation d'un parc photovoltaïque et a approuvé la mise en comptabilité du plan local d'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la SCI Demeure Sainte-Croix, qui notamment est propriétaire d'un bien immobilier dans la commune de Roussillon situé à proximité du parc photovoltaïque dont la création concerne de manière indivisible la commune de Roussillon et la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, a intérêt pour agir ;

- M. A... et Mme C..., associés et gérants de la SCI et qui notamment résident dans la commune de Roussillon dans la maison dont la SCI est propriétaire, ont également intérêt pour agir ;

- la décision de rejet par le maire de Saint-Saturnin-lès-Apt de leur recours gracieux est entachée d'incompétence et d'un défaut de motivation ;

- le maire de Saint-Saturnin-lès-Apt n'a pas mené la procédure de mise en comptabilité du plan local d'urbanisme, en méconnaissance de l'article R. 153-15 du code de l'urbanisme ;

- eu égard aux compétences de la communauté de communes du pays d'Apt Luberon en matière de développement durable, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n'est pas légitime à mettre en œuvre cette mise en conformité ;

- la réunion d'examen conjoint du 27 juin 2016 prévue à l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme a été organisée de manière irrégulière ;

- l'urbanisation prévue par la création de la zone 1 AUp n'intervient pas en continuité de constructions existantes, ce qui méconnaît les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme applicable aux communes situées en zone de montagne dès lors que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a été saisie de manière irrégulière ;

- le dossier soumis à l'enquête publique, notamment l'évaluation environnementale qui décrit de manière insuffisante et erronée le site, notamment celui de la carrière, qui prend en compte de manière insuffisante l'impact sur des espèces protégées et menacées ainsi que l'impact paysager et qui a été dépourvue de l'examen d'un choix de substitution méconnaît les articles R. 104-18 et R. 151-3 du code de l'urbanisme ainsi que les articles L. 122-1 et R. 122-20 du code de l'environnement ;

- la nouvelle zone 1 AUp permettant la création du parc photovoltaïque, qui notamment s'étend au-delà de la carrière anciennement exploitée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, représentée par la société civile professionnelle (SCP) Lobier et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, les requérants n'ayant pas intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mars et 28 mars 2019, la société Reden Solar, représentée par Me Ferrant, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2018 en tant qu'il n'a pas rejeté la requête de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants comme étant irrecevable ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, les requérants n'ayant pas intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés.

Par lettre du 1er septembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Reden Solar tendant, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif, de telles conclusions étant irrecevables dès lors que ce jugement a rejeté les conclusions des demandeurs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'artisanat ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code d'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Hequet, représentant la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, et de Me Ferrant, représentant la société Reden Solar.

Une note en délibéré, présentée pour la société Reden Solar par Me Ferrant, a été enregistrée le 3 novembre 2021.

Une note en délibéré, présentée pour la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants par Me Hequet, a été enregistrée le 4 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 21 novembre 2016, le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a, après avoir prononcé l'intérêt général du projet de réalisation d'une centrale photovoltaïque, approuvé la mise en comptabilité du plan local d'urbanisme, consistant notamment à prévoir le classement des terrains concernés dans une zone 1 AUp où sont autorisés les constructions et équipements nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie solaire. La SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants relèvent appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération. La société Reden Solar demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement du 5 juillet 2018 en tant qu'en rejetant au fond la requête de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas estimé que la requête dont il était saisi était irrecevable.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Reden Solar :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué, quels que soient les motifs retenus par le tribunal administratif. Par suite, l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur est irrecevable.

3. La société Reden Solar, que le tribunal administratif de Nîmes avait appelé à l'instance pour produire des observations, demande à la Cour d'annuler le jugement du 5 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté au fond la demande de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants, sans l'estimer irrecevable. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société Reden Solar avait saisi la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt d'un projet d'aménagement d'une centrale photovoltaïque sur l'emprise du site d'une carrière d'extraction de roches calcaires et que la mise en conformité du plan local d'urbanisme est destinée à permettre la réalisation de ce projet. La société Reden Solar a donc intérêt, comme la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, au maintien de la délibération du 21 novembre 2016 dont la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants demandent l'annulation. Elle était ainsi un observateur en défense et ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 5 juillet 2018 qui a rejeté les conclusions des demandeurs sont irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-23-2 du code de l'urbanisme, codifié à l'article R. 153-15 à la date du 1er janvier 2016 : " Le président de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire mène la procédure de mise en compatibilité (...) / L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal adopte la déclaration de projet (...) ".

5. Par délibération du 16 octobre 2013, le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a décidé " de lancer une procédure de déclaration de projet avec mise en compatibilité du P.L.U. de la commune pour rendre possible la réalisation d'un projet de centrale photovoltaïque au sol sur le site des Grès ". Il ne ressort toutefois pas de ces seules mentions que le maire de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n'aurait pas mené la procédure de mise en compatibilité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées du code de l'urbanisme doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort de l'article 2 des statuts de la communauté de communes du pays d'Apt Luberon que celle-ci, compétente pour " l'élaboration, la mise en œuvre, le suivi et la révision du schéma de cohérence territoriale ", ne bénéficie pas d'une compétence semblable pour les plans locaux d'urbanisme. La compétence de cette communauté de communes pour " l'élaboration et la mise en œuvre d'actions de portée communautaire en faveur du développement durable et de la maîtrise des énergies " est sans incidence sur la compétence que conserve la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt en matière de plan local d'urbanisme. Par suite, alors même que la mise en comptabilité du plan local d'urbanisme contestée a pour objet de permettre l'implantation d'une centrale photovoltaïque, la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n'aurait pas été compétente pour prendre la délibération du 21 novembre 2016 ou que le maire de Saint-Saturnin-lès-Apt n'aurait pas été compétent pour mener la procédure de mise en conformité du plan local d'urbanisme.

7. En troisième lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Aux termes de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique, d'une procédure intégrée en application de l'article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. Le maire de la ou des communes intéressées par l'opération est invité à participer à cet examen conjoint ". L'article L. 132-7 du même code dispose que : " L'Etat, les régions, les départements, les autorités organisatrices prévues à l'article L. 1231-1 du code des transports, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux titres IV et V. / Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées ". Aux termes de l'article L. 132-9 du même code : " Pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme sont également associés, dans les mêmes conditions : 1° Les syndicats d'agglomération nouvelle ; / 2° L'établissement public chargé de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation du schéma de cohérence territoriale lorsque le territoire objet du plan est situé dans le périmètre de ce schéma ; / 3° Les établissements publics chargés de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes du territoire objet du plan lorsque ce territoire n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale ".

9. Il ressort des pièces du dossier que seuls les représentants de deux personnes publiques associées ont été présents à la réunion d'examen conjoint du 27 juin 2016. La commune de Saint-Saturnin-lès-Apt ne produit ni les lettres de convocation des personnes publiques associées à cette réunion ni les avis de réception. La commune n'établit donc pas que les autres personnes publiques associées auraient été convoquées à cette réunion conformément aux dispositions précédemment citées de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme.

10. Toutefois, plusieurs autres personnes publiques associées, telles la direction départementale des territoires de la préfecture de Vaucluse, la chambre départementale d'agriculture, la chambre de commerce et d'industrie, le département de Vaucluse, le parc naturel régional du Luberon et la communauté de communauté de communes du pays d'Apt Luberon ont émis des avis sur le projet de mise en conformité du plan local d'urbanisme. Ainsi que le relève le commissaire enquêteur, ces avis sont favorables, sous réserve parfois de demandes de précisions sur certains aspects du projet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces avis auraient été, en l'espèce, susceptibles d'être différents si elles avaient participé à la réunion d'examen conjoint et d'avoir une influence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt.

11. En outre, s'agissant de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de la chambre des métiers et de l'artisanat de Vaucluse, il ressort des pièces du dossier que ces personnes publiques, comme les autres personnes publiques associées, ont été régulièrement convoquées à la réunion d'examen conjoint tenue le même jour pour examiner le projet de centrale photovoltaïque en tant qu'il concerne la commune de Roussillon et la mise en comptabilité du plan d'occupation des sols de cette commune. Il n'est ni établi ni même allégué que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la chambre des métiers et de l'artisanat de Vaucluse, ainsi informées de l'existence de ce projet qui concerne tant la commune de Roussillon que la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, auraient alors émis un avis. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que l'appréciation portée sur ce projet unique pourrait être différente en fonction de la commune concernée. Dans ces conditions, l'absence de convocation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de la chambre des métiers et de l'artisanat à la réunion d'examen conjoint relative au projet de centrale photovoltaïque en tant qu'il concerne la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n'a pas été susceptible d'avoir une incidence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé les intéressés d'une garantie.

12. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les vices mentionnés aux points 9 à 11 ci-dessus relatifs à la réunion d'examen conjoint du 27 juin 2016 ne sont pas de nature à entacher d'illégalité la délibération du 21 novembre 2016 contestée.

13. En quatrième lieu, l'article R. 104-18 du code de l'urbanisme fixe le contenu du rapport environnemental accompagnant les documents d'urbanisme. L'article R. 153-1 du même code fixe le contenu " au titre de l'évaluation environnementale lorsqu'elle est requise " du rapport de présentation des documents d'urbanisme.

14. Le rapport de présentation de la mise en conformité du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt contient une étude environnementale qui se fonde sur des données recueillies principalement en 2010 et en 2013. La SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, qui s'appuient notamment sur l'avis critique, au demeurant ni daté ni signé, émis par " la mission région d'autorité environnementale de Provence, Alpes, Côte d'Azur " sur le contenu du rapport environnemental dont elle était saisie, estiment que cette étude est insuffisante. Ils font également état de modifications de l'environnement intervenues postérieurement à ces années mais avant la délibération du 21 novembre 2016, et il est en effet exact que les défrichements aux abords immédiats du projet décidés à la suite de l'avis du Service départemental d'incendie et de secours n'ont pas été pris en compte par l'étude environnementale.

15. Toutefois, en ce qui concerne les conséquences sur la faune et la flore, l'étude liste l'ensemble des espèces se trouvant sur la zone concernée et précise, pour chacune, le niveau de l'enjeu local de conservation, enjeu qui est fort s'agissant de l'amphibien appelé " pélobate cultripède ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, nonobstant les critiques souvent de nature méthodologique de la mission régionale d'autorité environnementale, que cette étude serait insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 104-18 du code de l'urbanisme ou comporterait des inexactitudes. En outre, les défrichements mentionnés au point précédent, bien qu'ils puissent affecter les habitats d'hivernage de certains amphibiens, n'ont pas d'impact sur les sites de reproduction pérenne que constituent les plans d'eau aux abords immédiats du projet.

16. En outre, l'étude environnementale analyse de manière détaillée l'impact paysager de la mise en conformité du plan local d'urbanisme, tant à proximité du projet que pour l'ensemble du pays du Calavon, à partir de points de vues depuis les versants du Luberon et des monts de Vaucluse, des belvédères de Roussillon, de la chapelle Sainte-Radelongue située sur la crête la plus élevée des collines de Gargas, de l'église de Croagnes ainsi que des routes départementales n° 915 et 943, en notant les cas où le projet devrait être visible. Elle rappelle l'existence de certains monuments historiques ainsi que celle de sites classés ou inscrits souvent situés à quelques kilomètres de la zone concernée par la mise en conformité du plan local d'urbanisme et mentionne, parfois, " des risques d'interactions visuelles " entre le projet et des sites ou monuments remarquables. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette analyse serait insuffisante ou que les inexactitudes qu'elle comporterait, s'agissant notamment de l'analyse du risque de visibilité du projet ou de " covisibilité " entre ce projet et certains monuments ou de certains sites, seraient significatives. Enfin, les défrichements aux abords immédiats du projet, même s'ils accroissent l'impact visuel à proximité, n'ont pas été de nature à modifier le contenu de l'étude s'agissant de la description de l'impact paysager du projet à l'échelle de l'ensemble des territoires concernés.

17. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'étude environnementale, qui est proportionnée à l'importance d'un projet, comporterait des approximations ou des erreurs qui auraient été susceptibles d'exercer, en l'espèce, une incidence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt ou auraient privé les intéressés d'une garantie. Le moyen tiré d'un vice de procédure en raison de la méconnaissance des articles R. 104-18 et R. 153-1 du code de l'urbanisme doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le dossier soumis à l'enquête publique a permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération et les insuffisances relevées aux points précédents n'ont pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et n'ont pas privé les intéressés d'une garantie. Elles sont, dès lors, sans influence sur la légalité de la délibération contestée du conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". L'article L. 122-7 du même code dispose que : " Les dispositions de l'article L. 122-5 ne s'appliquent pas lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux articles L. 122-9 et L. 122-10 ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels. L'étude est soumise à l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le plan local d'urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude (...) ".

19. La mise en conformité du plan local d'urbanisme, destinée à la permettre la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol, prévoit ainsi une urbanisation qui, en l'espèce, n'est pas réalisée en continuité avec une urbanisation précédente. En application de dispositions précédemment citées de l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, qui est située en zone de montagne, a saisi la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de ce projet de centrale photovoltaïque au sol.

20. Ainsi que le relèvent la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt ne produit pas l'étude qu'elle aurait dû soumettre, en application de ces dispositions du code de l'urbanisme, à cette commission. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du compte-rendu du 4 avril 2016 de la réunion du 15 mars 2016, que la commission était informée des enjeux environnementaux et de protection des terres du secteur concerné par la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme. Le vice de procédure dont serait entachée selon les requérants la saisine pour avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt et n'a pas privé les intéressés d'une garantie.

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération :

21. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

22. Aux termes de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, applicable au présent litige : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation (...) ".

23. Les parcelles destinées à recevoir la centrale photovoltaïque, auparavant classées en zone NCr réservée à l'exploitation de la carrière, ont été classée par la délibération contestée en zone 1 AUp, dans laquelle, aux termes de l'article 1 AUp 1 : " Peuvent être autorisées : les constructions et équipements liées et nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie solaire ". En outre, la mise en conformité du plan local d'urbanisme comprend la création d'une petite zone N à proximité du projet où toute construction est interdite.

24. La zone 1 AUp, à la proximité immédiate de laquelle est exploitée la carrière existante, est située dans un environnement principalement agricole, avec quelques constructions éparses, notamment celle appartenant à la SCI Demeure Sainte-Croix sur le territoire de la commune de Roussillon. L'environnement plus éloigné, à quelques kilomètres, comprend le site classé des " ocres du pays d'Apt " dans la commune de Roussillon et les sites inscrits des moulins de Saint-Saturnin-lès-Apt, de Gordes et des abords des falaises d'ocre de Roussillon. Il ressort des pièces du dossier que la visibilité de la centrale photovoltaïque à partir de la plaine agricole est faible. En outre, les dispositions de l'article 1 AUp 13 prévoyant l'obligation d'accompagner les constructions et installations d'un aménagement végétal, en particulier, de planter une " haie (...) d'essences locales en bordure ouest " sont de nature à diminuer les conséquences visuelles. Il ressort également des pièces du dossier que des cas de " covisibilité " entre le projet et des sites classés ou inscrits existent, mais qu'ils correspondent exclusivement à des situations éloignées où la zone de projet, étant donné sa dimension, occupera une place très réduite dans un champ visuel large. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, même en prenant en considération les défrichements effectués aux abords du projet, que celui-ci aurait une incidence notable sur la faune et la flore, en particulier sur le " pélobate cultripède " dès lors notamment qu'une zone humide est maintenue.

25. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la mise en conformité du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, notamment le classement en zone 1 AUp du lieudit " Les Grès ", doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision de rejet du recours gracieux :

26. La présente requête a pour objet, à la fois, l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt du 21 novembre 2016 et celle de la décision du 4 mai 2017 par laquelle le maire de Saint-Saturnin-lès-Apt a rejeté le recours gracieux à l'encontre de cette même délibération. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstances nouvelles, les moyens critiquant les vices propres dont la décision du rejet du recours gracieux serait entachée, en l'espèce, l'incompétence de l'auteur de la décision du 4 mai 2017 et l'insuffisance de sa motivation, sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt et la société Reden Solar à la demande de première instance, que la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions formées par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt et la société Reden Solar au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt et de la société Reden Solar sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Demeure Sainte-Croix, à M. B... A..., à Mme D... C..., à la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt et à la société Reden Solar.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2021.

N° 18MA04138 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04138
Date de la décision : 16/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans. - Modification et révision des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HEQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-16;18ma04138 ?
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