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09/11/2021 | FRANCE | N°19MA01836

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 09 novembre 2021, 19MA01836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 mai 2017 par laquelle le directeur régional de Pôle emploi Occitanie a prononcé son licenciement pour inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à l'exercice de toute fonction, d'enjoindre à Pôle emploi de la réintégrer à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière, de condamner Pôle emploi à lui verser l'intégralité de son salaire depuis la date de son licenciement augmenté des in

térêts moratoires à compter de cette date, et de condamner Pôle emploi à lui verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 mai 2017 par laquelle le directeur régional de Pôle emploi Occitanie a prononcé son licenciement pour inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à l'exercice de toute fonction, d'enjoindre à Pôle emploi de la réintégrer à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière, de condamner Pôle emploi à lui verser l'intégralité de son salaire depuis la date de son licenciement augmenté des intérêts moratoires à compter de cette date, et de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1703360 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril et le 19 août 2019,

Mme C... E..., représentée par Me Kouhaou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 février 2019;

2°) d'ordonner une expertise médicale ;

3°) d'annuler la décision du 23 mai 2017 par laquelle le directeur régional de Pôle emploi Occitanie a prononcé son licenciement pour inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à l'exercice de toute fonction ;

4°) d'enjoindre à Pôle emploi de la réintégrer à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière, de condamner Pôle emploi à lui verser l'intégralité de son salaire depuis la date de son licenciement augmenté des intérêts moratoires à compter de cette date,

5°) de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

6°) de mettre à la charge de Pôle Emploi une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la procédure est irrégulière en raison de l'absence de consultation de la commission de réforme, de l'absence de communication de son dossier, de l'irrégularité de l'avis du

6 janvier 2016 du comité médical départemental dont la composition était irrégulière en l'absence d'un spécialiste de sa pathologie et par contre de celle inutile d'un psychiatre, dont l'extrait de l'avis n'est pas régulièrement signé ; l'avis du comité médical du 6 janvier 2016 n'a pas été émis au regard de sa situation d'ensemble ;

- l'avis du comité médical supérieur du 18 octobre 2016 confirmant son inaptitude définitive a été irrégulièrement émis en raison de l'illégalité de l'avis du comité médical du

6 janvier 2016 ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

- elle est bien fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice moral lié à son licenciement illégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2019, le directeur général de Pôle Emploi, représenté par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête de Mme E....

Il soutient que les conclusions tendant à une mesure d'expertise médicale, nouvelles en appel, sont irrecevables, et que les conclusions indemnitaires n'ont pas été précédées d'une demande préalable à la saisine du juge ; les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 2 juin 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 2 juillet 2021 à

12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury, rapporteur,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

- et les observations de Me Kouhaou, pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a été recrutée, à compter du 1er janvier 1994, en qualité d'agent statutaire, pour occuper un emploi d'assistant de gestion, puis depuis la création de Pôle Emploi en 2008, a été classée en qualité de technicien appui gestion. Mme E... relève appel du jugement du 22 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui rejette sa demande tendant notamment à faire annuler la décision du 23 mai 2017 par laquelle le directeur régional de Pôle emploi Occitanie a prononcé son licenciement pour inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à l'exercice de toute fonction, à enjoindre à Pôle emploi de la réintégrer à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière.

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation ". Il incombe, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'une discopathie L5-S1 depuis au moins le mois d'août 1991, et qu'elle est atteinte d'épilepsie. Du 24 juillet 2007 au

20 avril 2008, Mme E... a été placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement jusqu'au 19 octobre 2007, puis en demi-traitement jusqu'au 19 janvier 2008, et sans traitement à compter du 20 janvier 2008. Elle a repris son travail du 21 avril au 19 mai 2008, avant d'être placée à nouveau en congé de maladie ordinaire. A compter du 12 août 2008, elle a été placée en congé de grave maladie avec plein traitement pendant un an, puis en demi-traitement pendant deux ans, jusqu'au 11 août 2011. A compter du 12 août 2012, elle a été maintenue, sur sa demande, en congé de grave maladie pendant six mois, puis pour une nouvelle période de

six mois du 12 février au 11 août 2012. En janvier 2013, elle a souhaité reprendre son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, reprise qui devait intervenir le 12 février 2013. Après que le docteur F..., psychiatre, a rendu un avis défavorable à la reprise du travail, le

3 mai 2013, le 15 mai 2013, le comité médical a donné un avis défavorable à cette demande et, par une décision du 3 juin 2013, Mme E... a été maintenue en congé de grave maladie du

12 août 2012 au 11 août 2013. Mme E... a demandé à nouveau à reprendre son activité et dans l'attente, a été placée en congé de maladie ordinaire du 12 août 2013 au 8 septembre 2013. Le 28 août 2013, le comité médical a donné un avis favorable à la reprise d'activité de

Mme E..., ainsi que le service de médecine de prévention le 9 septembre 2013, après l'avis rendu le 10 juillet 2013 par le docteur D..., neurologue. Par une décision du 9 septembre 2013, Mme E... a été réintégrée dans son emploi, rémunérée à compter de cette date, et la

reprise effective de ses fonctions a été prévue le 23 septembre 2013, compte tenu des délais nécessaires à la mise en place du mobilier adapté au handicap de Mme E....

Le 24 septembre 2013, le docteur A..., médecin de prévention, a émis des prescriptions

pour l'adaptation du poste de travail avec fourniture d'un fauteuil ergonomique, d'un

repose pieds et d'un min-rotor de bureau. L'adaptation du poste de travail n'a pu être conduite

à bonne fin en raison des refus successifs de l'intéressée concernant les équipements

mobiliers proposés. Le 5 novembre 2013, Mme E... a présenté une demande

indemnitaire préalable qui a fait l'objet d'un rejet le 6 janvier 2014. Le 3 avril 2014, elle a été victime d'un accident reconnu imputable au service et a été placée en congé de maladie depuis cette date. Le 5 septembre 2014, le docteur B... a indiqué que la date de consolidation des séquelles de cet accident devait être fixée au 5 septembre 2014 et que les arrêts de travail et les soins postérieurs au 3 juin 2014 étaient imputables à un état de santé antérieur sans lien avec le service. Mme E... est demeurée en congé ordinaire jusqu'au 24 octobre 2014. Elle a repris ses fonctions le 25 octobre 2014 et a été victime d'un nouvel accident survenu sur son lieu de travail le 13 octobre 2015 qu'elle présente comme une bousculade avec le directeur adjoint de l'agence, et que Pôle Emploi considère comme une chute dans le local à archives. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 au 18 octobre 2015. Une décision du

20 janvier 2016, laquelle n'a pas été contestée par Mme E..., refuse de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le 9 décembre 2015 et le 6 janvier 2016, après examen des pièces et observations produites par l'intéressée, le comité médical départemental a rendu deux avis d'inaptitude à l'exercice des fonctions et de toute fonction par Mme E.... Après avoir sollicité une expertise psychiatrique de Mme E..., le comité médical supérieur a émis un avis du 18 octobre 2016 confirmant l'inaptitude totale et définitive de l'intéressée à ses fonctions et à toute fonction. Le directeur général de Pôle Emploi Occitanie prononçait le 23 mai 2017 le licenciement de Mme E... pour inaptitude définitive aux fonctions et à toute fonction avec effet au 14 août 2017.

4. La requérante, qui fait valoir des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie notamment s'agissant de la mise en place d'un poste de travail adapté à son handicap, soutient que son épilepsie est stabilisée et sans interférence sur son activité professionnelle en produisant des certificats médicaux, d'une part, rédigés les 15 janvier 2016 et 2 mai 2017 par deux médecins généralistes, et d'autre part, datés des 8 février 2016 et 5 mai 2017, rédigés par un médecin neurologue, qui indiquent que la prise en charge de ses troubles épileptiques est satisfaisante et que son comportement est stable. Ces avis médicaux contredisent les avis rendus par le comité médical départemental et le comité médical supérieur selon lesquels l'état de santé de Mme E... la rendait définitivement inapte à l'exercice de toute fonction. Par ailleurs,

Mme E... soutient qu'elle ne relève d'aucune affection psychiatrique alors que les expertises médicales fournies au comité médical départemental et au comité médical supérieur ont été rendues en présence d'un tel praticien.

5. Dès lors, les différents éléments médicaux versés au dossier sont divergents entre eux et ne permettent pas à la Cour de se prononcer sur l'inaptitude définitive de Mme E... à ses fonctions et à toute fonction. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de fixer la mission de l'expert psychiatre comme il est précisé à l'article 1er du présent arrêt.

6. Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Avant de statuer sur la requête de Mme E..., il sera procédé, par un expert psychiatre désigné par la présidente de la Cour, à une expertise, avec mission pour ce dernier :

1°) de convoquer les parties ;

2°) de prendre connaissance du dossier médical de Mme E... et de toute pièce qui lui paraîtra utile pour sa mission, notamment de se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé psychologique et psychiatrique de l'intéressée.

3°) d'examiner Mme E... et de décrire son état de santé en rappelant, le cas échéant, son état antérieur, et d'indiquer à la Cour si, à la date du 23 mai 2017 de la décision attaquée, l'état de santé psychologique et psychiatrique de Mme E... était compatible avec l'exercice de ses fonctions à Pôle Emploi.

4°) de préciser si les pathologies dont Mme E... est atteinte la rendent définitivement inapte à l'exercice de toute fonction.

Article 2 : L'expert sera désigné par la présidente de la Cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-4 du code de justice administrative. Il pourra recourir, s'il l'estime utile, pour lui permettre d'apprécier l'état de santé de Mme E... dans son ensemble, à un sapiteur avec l'autorisation préalable de la présidente de la Cour.

Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre Mme E... et

Pôle Emploi.

Article 4 : L'expert déposera son rapport en deux exemplaires au greffe de la Cour, dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au directeur régional de Pôle emploi Occitanie et au directeur général de Pôle Emploi.

Délibéré après l'audience publique du 19 octobre 2021 où siégeaient :

' M. Badie, président,

' M. Revert, président assesseur,

' M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

N° 19MA018362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01836
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : KOUAHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-09;19ma01836 ?
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