La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2021 | FRANCE | N°19MA02626

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 novembre 2021, 19MA02626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet de leur réclamation préalable du 6 octobre 2015 et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 165 000 euros en réparation des préjudices que leur a causé l'arrêté du 27 mars 2015 portant création d'une zone de protection du biotope des Avens de Caille.

Par un jugement n° 1600530 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2019 sous le n° 19MA02626...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet de leur réclamation préalable du 6 octobre 2015 et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 165 000 euros en réparation des préjudices que leur a causé l'arrêté du 27 mars 2015 portant création d'une zone de protection du biotope des Avens de Caille.

Par un jugement n° 1600530 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2019 sous le n° 19MA02626, M. C... et Mme C... épouse D..., représentés par Me Grandjean, demandent à la Cour :

à titre principal :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 12 décembre 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser les sommes de 30 000 euros au titre de l'atteinte à leur droit de propriété, 105 000 euros au titre de la perte de valeur de leur terrain et de 30 000 euros au titre de la perte de chance de le vendre, quitte à parfaire, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'exécution de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de cet arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

à titre subsidiaire :

6°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'abroger cet arrêté partiellement pour en extraire le secteur Nska comprenant notamment leur parcelle C n° 433 ;

7°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de la responsabilité pour faute de l'Etat :

- l'arrêté contesté ne respecte pas les dispositions du I de l'article R. 411-16 du code de l'environnement ;

- la procédure de consultation du public n'a pas octroyé de garantie suffisante aux administrés ;

- l'arrêté en litige aurait dû comporter une limitation dans le temps des interdictions prescrites ;

- le préfet n'a pas respecté le II de l'article R. 411-16 du code de l'environnement ;

- il a commis une faute en ne leur notifiant pas l'arrêté contesté ;

- cet arrêté est illégal en ce que l'interdiction générale et absolue de construction qu'il instaure est sans fondement, ce qui constitue une erreur de fait et de droit ;

- il viole les dispositions du II de l'article R. 411-15 du code de l'environnement ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de fait en se fondant sur l'existence de la ZNIEFF n° 06-100-120 ;

- la ZNIEFF consiste seulement en un inventaire et n'a pas de caractère juridique opposable ;

- le préfet a commis une erreur de fait en ne limitant pas l'interdiction de constructions et aménagements au droit des cavités, comme le suggérait le Groupe Chiroptères de Provence dans ses préconisations, et en l'étendant de manière générale et absolue à l'ensemble des 123 hectares compris dans le périmètre de l'arrêté contesté ;

- les objectifs d'intérêt général visés par le plan national de protection des chauves-souris ne peuvent en aucun cas servir de justification à une interdiction générale et absolue de toute construction ou aménagement sur un territoire large, sans autre considération de délimitation ;

- les motifs pouvant permettre de déroger à l'interdiction générale de construire et d'aménager sont inexistants ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- leurs préjudices résultent de la restriction de l'exercice de leur droit de propriété´, de la perte de valeur vénale de leur terrain ainsi que de la perte de chance de le vendre ;

S'agissant de la responsabilité sans faute de l'Etat :

- leur préjudice est anormal et spécial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de M. C... et de Mme C... épouse D....

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la demande de M. C... et Mme C... épouse D... tendant à ce que soit enjoint au préfet d'abroger l'arrêté partiellement est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 modifiée concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Caille a aménagé en 2005, sur le territoire communal, une via-ferrata souterraine dans les Avens Yvon et Jurassien. Afin de compenser les impacts liés à cet aménagement, un arrêté de protection du biotope des Avens de Caille a été adopté par le préfet des Alpes-Maritimes le 27 mars 2015. Cet arrêté subordonne toute nouvelle construction ou installation, ainsi que tout nouvel aménagement touristique ou ouvrage, situé dans le périmètre de protection du biotope, à autorisation préfectorale. Il classe notamment la parcelle cadastrée C n° 433 des consorts C... dans le périmètre de protection du biotope ainsi institué. Le 6 octobre 2015, M C... et Mme C... épouse D... ont adressé au préfet des Alpes-Maritimes une demande d'information relative aux conditions d'obtention d'une autorisation préfectorale dérogatoire à l'interdiction de constructibilité des parcelles comprises dans l'arrêté du 27 mars 2015, ainsi qu'une réclamation préalable afin d'obtenir réparation des préjudices financiers qu'ils estiment avoir subis du fait de la création de la zone de protection du biotope des Avens de Caille. Le préfet des Alpes-Maritimes les a rejetées par une décision implicite née le 12 décembre 2015. M. C... et Mme C... épouse D... relèvent appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet et à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 165 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'arrêté du 27 mars 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

2. Aux termes du I de l'article R. 411-16 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " I.- Les arrêtés préfectoraux mentionnés à l'article R. 411-15 sont pris après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ainsi que de la chambre départementale d'agriculture. Lorsque de tels biotopes sont situés sur des terrains relevant du régime forestier, l'avis du directeur régional de l'Office national des forêts est requis. (...) ".

3. M. C... et Mme C... épouse D... ne peuvent utilement soutenir que l'avis du conseil scientifique régional du patrimoine n'est pas mentionné dans les visas de l'arrêté contesté dès lors que cet avis n'est pas requis par les dispositions du I de l'article R. 411-16 du code de l'environnement applicables à la date de cet arrêté dont la légalité relève de l'excès de pouvoir.

4. Aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 120-2, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée. (...) / Les observations du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa. (...) / III. - Par dérogation au II, la participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 10 000 habitants peut être organisée dans les conditions suivantes. / L'objet de la procédure de participation ainsi que les lieux et horaires où le projet de décision accompagné de la note de présentation peuvent être consultés et où des observations peuvent être déposées sur un registre sont portés à la connaissance du public par voie d'affichage en mairie. Cet affichage précise le délai dans lequel ces observations doivent être déposées, qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter du début de l'affichage. (...) IV. - Par dérogation aux II et III, la participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 2 000 habitants peut être organisée dans le cadre d'une réunion publique. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la participation du public a été organisée par voie électronique entre les 24 février et 17 mars 2015 sur le site internet de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes, conformément aux dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Le public a ainsi pu consulter, pendant une période suffisante de trois semaines, le projet d'arrêté accompagné d'une note de présentation et présenter ses observations sur ce site lequel précisait que les observations sont à transmettre par l'intermédiaire de la messagerie électronique accessible à partir du site de consultation dont l'adresse était indiquée. La circonstance que le projet n'ait été consulté que six fois est sans incidence. Les requérants n'établissent pas que ces consultations auraient émané des services de l'Etat. Par ailleurs, ils ne peuvent utilement soutenir que, le projet portant sur 120 hectares, il aurait dû être soumis à une consultation moins confidentielle dès lors que cette condition n'est pas prévue par l'article L. 120-1 du code de l'environnement qui prévoit d'autres modalités de participation que celle de la voie électronique lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par cette voie, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, ces modalités de participation du public ont été suffisantes et ne l'ont privé d'aucune garantie.

6. Le II de l'article R. 411-16 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté dispose que : " (...) / II.- Ces arrêtés sont, à la diligence du préfet : / 1° Affichés dans chacune des communes concernées ; / 2° Publiés au Recueil des actes administratifs ; / 3° Publiés dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ".

7. M. C... et Mme C... épouse D... ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté contesté ne leur a pas été notifié en violation du II de l'article R. 411-16 du code de l'environnement dès lors que ces dispositions ne prévoient pas une telle notification.

8. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement applicable à la date de l'arrêté en litige : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / 4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites. (...) ". Selon l'article L. 411-2 du code précité en vigueur alors : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 2° La durée et les modalités de mise en œuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Les listes des espèces animales non domestiques et des espèces végétales non cultivées faisant l'objet des interdictions définies par les articles L. 411-1 et L. 411-3 sont établies par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et soit du ministre chargé de l'agriculture, soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes. Aux termes de l'article R. 411-3 de ce code : " Pour chaque espèce, les arrêtés interministériels prévus à l'article R. 411-1 précisent : / 1° La nature des interdictions mentionnées aux articles L. 411-1 et L. 411-3 qui sont applicables ; / 2° La durée de ces interdictions, les parties du territoire et les périodes de l'année où elles s'appliquent. (...) ". L'article R. 411-15 du code précité en vigueur alors dispose que : " Afin de prévenir la disparition d'espèces figurant sur la liste prévue à l'article R. 411-1, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d'un département à l'exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces. "

9. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté ne limiterait pas l'interdiction qu'il prévoit en violation de l'article L. 411-2 du code de l'environnement est inopérant dès lors que ces dispositions se bornent à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions dans lesquelles sont pris les interdictions prévues par l'article L. 411-1 du même code. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes n'ait pas limité dans le temps les mesures de protection édictées ne permet pas de regarder sa décision comme entachée d'illégalité dès lors que le temps nécessaire au rétablissement de l'équilibre du milieu ne peut être prédéterminé et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une telle limitation.

10. L'article 5 de l'arrêté interdit " toutes nouvelles constructions, nouveaux aménagements touristiques, installations ou ouvrages nouveaux (y compris pylônes électriques ou téléphoniques) " sauf autorisation préfectorale. Dès lors, du fait de la possibilité de présenter une telle dérogation, cette interdiction n'est ni générale ni absolue.

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée C n° 433 des requérants est totalement boisée, n'est pas construite et n'appartient pas à la zone de la station de ski la Moulinère. Elle est ainsi peu exploitée au sens de l'article R. 411-15 du code de l'environnement. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu ces dispositions en ne limitant pas le périmètre de l'arrêté critiqué à la seule zone naturelle de la montagne ni commis d'erreur de fait.

12. Les requérants soutiennent que la parcelle cadastrée C n° 433 est classée en zone Nska du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Caille adopté en 2013 et que sa constructibilité au regard de la législation de l'urbanisme n'est pas discutable. Toutefois, ce moyen est inopérant au regard du principe d'indépendance de la législation de l'urbanisme et de celle relative à la protection du biotope, laquelle relève du code de l'environnement. En tout état de cause, le préfet n'a nullement validé le PLU précité et le règlement prévoit que " la zone N recouvre des espaces naturels qu'il convient de protéger (...) ". Cette zone est ainsi inconstructible sauf exceptions. Par ailleurs, dans le secteur Nska, seules les constructions à usage touristique sont autorisées.

13. L'arrêté contesté indique notamment que les grottes naturelles du plateau de Caille sont situées dans le périmètre de la ZNIEFF de " la montagne de l'Audibergue ". Si les appelants soutiennent que les critères de délimitation de la zone excluent expressément " les zones les plus anthropisées, en particulier la station de ski " de la Moulière et son environnement, la parcelle cadastrée C n° 433 ne relève pas du périmètre de la station de ski ainsi qu'il a été dit au point 11.

14. Le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement prendre en compte pour fixer le principe de la protection du biotope et son périmètre, outre la protection réglementaire des espèces de chiroptères, les éléments scientifiques résultant de l'inventaire de la ZNIEFF et des limites géographiques de celle-ci, le rapport établi en août 2010 par le groupe Chiroptères de Provence ainsi que les objectifs du plan national d'actions 2009-2013 en faveur des chiroptères, alors même que ces documents sont dépourvus de tout effet juridique contraignant. En outre, si le rapport d'août 2010 précité ne préconise qu'une bonne gestion du plateau de Caille et l'interdiction de nouveaux aménagements seulement sur les cavités elle-même, le préfet n'était pas lié par ces préconisations.

15. La circonstance que l'arrêté contesté ne précise pas les modalités d'obtention de la dérogation prévue par son article 5 n'est pas de nature à démontrer qu'elle serait manifestement impossible à obtenir alors que M. et Mme C... ne démontrent pas avoir déposé une telle demande, leur courrier du 6 octobre 2015 ne comportant qu'une simple demande d'information sur la procédure à suivre et les conditions dans lesquelles l'autorisation préfectorale de construire sur leur terrain, situé en zone de protection par l'arrêté du 27 mars 2015, leur serait octroyée, ainsi qu'une demande préalable indemnitaire. Par ailleurs, aucun texte n'impose que l'arrêté préfectoral mentionne les conditions et modalités de cette dérogation. L'absence de réponse à la demande d'information précitée ne saurait constituer par elle-même une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, qui n'a d'ailleurs aucun lien de causalité avec les préjudices invoqués résultant de l'impossibilité de construire sur la parcelle cadastrée C n° 433 et, par suite, de la perte de valeur vénale du terrain et de l'impossibilité de le vendre.

16. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a pour objet de créer une zone de protection de biotope des avens de Caille, situés sur la commune du même nom. Il est justifié par le fait que ce site, qui est le plus important de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, est essentiel pour la reproduction et la survie de dix-huit espèces protégées de chiroptères dont 5 sont répertoriées par la directive Habitat du 21 mai 1992. La création de cette zone permettra de compenser les impacts liés à la création de la via ferrata souterraine dans les avens Yvon et Jurassiens. Le rapport du groupe Chiroptères de Provence a proposé, en raison du constat de la dégradation importante des cavités souterraines du plateau de Caille du fait de l'activité touristique liée à la via ferrata, la mise en œuvre d'outils permettant leur préservation et d'interdire les actions pouvant porter atteinte à l'équilibre biologique de ces milieux en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, dans un périmètre de 150 mètres autour des entrées, comprenant notamment celle des requérants située près de l'aven Isabelle. Selon ce rapport, la prise d'un arrêté de protection de biotope constitue la mesure la mieux adaptée pour empêcher le dérangement et la dégradation du site en réglementant sa fréquentation. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le classement de leur parcelle par l'arrêté en litige dans le périmètre de la zone de protection de biotope serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

17. Enfin, si M. C... et Mme C... épouse D... se prévalent de l'atteinte à leur droit de propriété, l'arrêté en litige n'a pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur leur parcelle.

18. En l'absence d'illégalité fautive entachant l'arrêté contesté de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les consorts C... ne sont pas fondés à demander sa condamnation à réparer les préjudices liés à l'atteinte à leur droit de propriété, à la perte de la valeur vénale de leur terrain et à la perte de chance de le vendre qu'ils estiment avoir subi. Il s'en suit que leurs conclusions tendant à cette fin ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

19. Il résulte de l'ensemble des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que les sujétions imposées par un arrêté de protection de biotope peuvent donner lieu à indemnisation lorsque le dommage qui en résulte revêt un caractère spécial et anormal.

20. Il résulte de l'annexe de l'arrêté en litige que le périmètre de la zone de protection de biotope d'une superficie de 123 hectares comprend 63 parcelles, dont 58 sont englobées dans leur totalité par ledit périmètre dont celle des consorts C... d'une superficie de 6 469 m² (64 ares et 68 ca). Dès lors, M. C... et Mme C... épouse D... ne sont pas placés dans une position spéciale par rapport aux autres propriétaires, et en particulier par rapport aux 58 autres propriétaires dont la totalité de la surface de leurs parcelles se trouve incluse dans ledit périmètre de protection En outre, ils ne démontrent pas que leur parcelle serait une des rares à bénéficier d'une " mutabilité extraordinaire " du fait de sa proximité immédiate du parking de la station de ski alors que la zone Nska du PLU de la commune de Caille comprend une dizaine de parcelles autour de la station de ski pour lesquels la constructibilité est limitée à certaines activités touristiques. Il s'en suit qu'ils ne peuvent se prévaloir d'un préjudice spécial.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme C... épouse D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née le 12 décembre 2015 et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 165 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Par voie de conséquence, les conclusions subsidiaires de M. C... et Mme C... épouse D... tendant à enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'abroger partiellement l'arrêté contesté doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

22. Le présent arrêt qui rejette les conclusions présentées par M. C... et Mme C... épouse D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. C... et Mme C... épouse D....

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... et Mme C... épouse D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et de Mme C... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C... épouse D... et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 novembre 2021.

2

N° 19MA02626

bb


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GRANDJEAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 02/11/2021
Date de l'import : 16/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA02626
Numéro NOR : CETATEXT000044310499 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-02;19ma02626 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award