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28/10/2021 | FRANCE | N°19MA03090

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 28 octobre 2021, 19MA03090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Résidence Marilou a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703045 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2

019 et le 2 décembre 2019, la SARL Résidence Marilou représentée par Me Veras et Me Juan, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Résidence Marilou a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703045 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 2 décembre 2019, la SARL Résidence Marilou représentée par Me Veras et Me Juan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge de ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ses conclusions tendant à la décharge de la majoration de 40 % ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont ni motivées ni fondées ;

- l'élément matériel nécessaire à l'application de telles pénalités fait défaut ;

- en outre, l'administration n'établit pas son intention délibérée d'éluder l'impôt, notamment compte tenu des difficultés posées pour l'application des conditions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les premiers juges ont, en effet, omis de se prononcer sur l'application de la pénalité pour manquement délibéré ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Juan, représentant la SARL Résidence Marilou.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Résidence Marilou, qui a pour activité " l'acquisition, la construction, la gestion, la location de résidences hôtelières et de tous autres biens meublés " et dont les associés sont M. et Mme B... à hauteur de 50 % chacun, a opté, le 13 février 2009, pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et a acquis, le 14 mai 2009, un terrain à bâtir, situé à Saint-Savournin et appartenant à la SCI Ribas, dont le gérant est M. B..., sur lequel elle a fait construire deux immeubles comportant six appartements chacun et une aire de stationnement. La SARL Résidence Marilou a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, résultant, d'une part, de la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déduite au titre de la livraison à soi-même des deux immeubles en litige d'un montant de 211 837 euros, et, d'autre part, de la rectification, à hauteur de 19 600 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion de cette opération. La SARL Résidence Marilou a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de la demande de la SARL Résidence Marilou devant le tribunal administratif qu'elle avait sollicité la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Il ressort des motifs du jugement que le tribunal n'a pas statué sur ces conclusions. Par suite, la société appelante est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la SARL Résidence Marilou présentée devant le tribunal visant les pénalités.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

4. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

5. D'autre part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 261 D du même code, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. ". Aux termes de l'article 271 de ce code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : (...) / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (...) ". Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement rendues mais seulement que le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes. Pour apprécier si des prestations para-hôtelières sont proposées dans des conditions plaçant le loueur en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières, les conditions de qualité et de prix caractérisant ces prestations peuvent, notamment, être prises en compte. La circonstance que le loueur d'un logement meublé délègue à un tiers la fourniture des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne fait pas obstacle à ce qu'il soit soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions lorsque la prestation est proposée dans des conditions similaires à celles proposées dans le secteur hôtelier et que l'exploitant demeure seul responsable de cette prestation vis-à-vis de ses clients.

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

7. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 211 837 euros afférent à l'opération de livraison à elle-même par la SARL Résidence Marilou d'un terrain et de deux immeubles situés à Saint-Savournin sur le fondement des dispositions de l'article 271 du code général des impôts, après avoir relevé que ces immeubles n'étaient pas utilisés pour les besoins d'opérations imposables dès lors que, contrairement à ce qu'elle soutenait, la société requérante ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Le vérificateur a notamment relevé que les locaux donnés en location, sur la base de contrats d'hébergement mentionnant des prestations hôtelières, que la société requérante a assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % et de 7 % à compter du 1er janvier 2013, ne comportaient aucun accueil ni aucune réception, faute d'espace dédié et en l'absence de personnel, ni de hall d'entrée, chaque appartement étant desservi par un escalier extérieur, ni d'ailleurs de salle de restauration, tous ces éléments ayant été formalisés par écrit et contresignés par M. B.... Le service vérificateur a également relevé que l'activité de location de la société ne comportait aucune autre prestation annexe, tels que l'entretien du linge, le ménage, l'accueil et le petit-déjeuner, lui permettant de répondre aux conditions d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des locations meublées énoncées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts et que la société n'avait pas comptabilisé de factures d'achats relatives au linge de maison, ni de vaisselle, ni d'équipements pour le nettoyage ou la préparation de petits déjeuners.

8. Si la société appelante expose qu'elle est en mesure d'assurer ces prestations en recourant aux services de deux personnes, M. et Mme A..., qui ont confirmé se tenir à disposition de la résidence dans une lettre du 13 avril 2015, et qu'elle est en capacité de livrer des petits déjeuners préparés par un traiteur situé à Saint-Savournin, la société Pearl Restauration, qui sont ensuite distribués par M. A..., la seule production d'un constat d'huissier daté du 5 décembre 2015 ne permet pas de l'établir. De même, ne l'établit pas la production d'une part, d'un récapitulatif de rémunérations versées par la SARL Résidence Marilou à M. A... au cours de l'année 2015, postérieure aux opérations de contrôle, établie par les services de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, et mentionnant une rémunération nette au titre de cette année de seulement 265,60 euros et d'autre part, d'une facture du 24 octobre 2016 mentionnant la réalisation d'une prestation de ménage d'une durée de deux heures pour l'un des locataires de la résidence. Ainsi, alors même que les contrats d'hébergement établis par la SARL Résidence Marilou mentionnent que " l'appartement objet du présent contrat est situé dans une résidence avec services à caractère para-hôtelier proposant la fourniture de différentes prestations facturées à sa clientèle tels que : accueil, nettoyage des locaux, petits déjeuners, fourniture et nettoyage du linge de maison ", il ne résulte pas de l'instruction, qu'au cours de la période en litige, elle aurait proposé de telles prestations dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Par suite, elle ne pouvait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et déduire au titre de la livraison à soi-même des deux immeubles en litige la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 211 837 euros.

9. Par ailleurs, la SARL Résidence Marilou n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-10-10-50-20 du 12 septembre 2012, qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

10. L'administration établit, ainsi, l'insuffisance de déclaration.

11. Il résulte de la proposition de rectification du 29 mai 2015, que le vérificateur a suffisamment motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré en faisant état de ce que la société, qui a demandé à bénéficier de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, savait pertinemment s'être placée sous un régime de taxe sur la valeur ajoutée qui n'était pas applicable à son activité et que la société a sciemment cherché à bénéficier d'un régime de taxe sur la valeur ajoutée favorable, le taux de taxe déduite sur les travaux étant de 19,6 % alors que le taux de la taxe collectée sur les locations est de 7 %. Eu égard à ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de cette société d'éluder l'impôt. La SARL Résidence Marilou ne peut sérieusement se prévaloir des difficultés posées lors de l'application de chacune des conditions prévues par le b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts dès lors qu'elle n'a proposé, ainsi qu'il a été dit précédemment, en sus de l'hébergement, aucune prestation prévue par ces dispositions dans des conditions similaires à celles proposées dans le secteur hôtelier. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. Est sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que la société appelante a dû recourir à un emprunt pour régler les pénalités en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Résidence Marilou n'est pas fondée à solliciter la décharge des pénalités pour manquement délibéré.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la SARL Résidence Marilou au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 avril 2019 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la SARL Résidence Marilou relatives aux pénalités pour manquement délibéré.

Article 2 : La demande de la SARL Résidence Marilou présentée devant le tribunal administratif tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Résidence Marilou et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2021.

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N° 19MA03090

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03090
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : PWC SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-28;19ma03090 ?
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