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28/10/2021 | FRANCE | N°18MA05276

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 28 octobre 2021, 18MA05276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Keolabs, venant aux droits de la société Soliatis, a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008.

Par un jugement n° 1601433 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure suivi

e devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, et un mémoire en répli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Keolabs, venant aux droits de la société Soliatis, a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008.

Par un jugement n° 1601433 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure suivie devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2019, la SAS Keolabs, représentée par Me Subra, a demandé à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille et de la décharger, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires qui lui sont réclamées à concurrence de la somme de 24 211 euros au titre de l'exercice clos en 2007 et de 83 043 euros au titre de l'exercice clos en 2008, d'ordonner en conséquence la restitution des sommes imposées à tort et de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche pour un montant de 8 142 euros au titre de l'exercice clos en 2008.

Par un arrêt avant dire droit en date du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, a estimé que l'état du dossier ne lui permettait pas de se prononcer en toute connaissance de cause sur la participation effective de M. B... aux travaux de recherche de l'EURL Soliatis en 2006 et en 2007 ainsi que sur le quantum de cette participation au regard de son temps de travail annuel, et a en conséquence ordonné une expertise contradictoire afin de déterminer ces points et réservé, jusqu'en fin d'instance, les moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué par cet arrêt.

Par ordonnance du 12 mars 2021, la présidente de la Cour a désigné M. A... en qualité d'expert.

L'expert a rendu son rapport le 1er juillet 2021. Ce rapport d'expertise a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations.

Par des mémoires, enregistrés respectivement le 23 juillet 2021 et le 2 août 2021, la société Keolabs et le ministre de l'économie, des finances et de la relance ont indiqué chacun à la Cour ne pas avoir d'observations à formuler au sujet de ce rapport.

Les parties ont été informées le 21 septembre 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'en l'absence de litige né et actuel avec le comptable public, les conclusions de la requête tendant à la restitution des sommes déjà acquittées au titre des impositions en litige sont irrecevables.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a répondu à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2021, la société Keolabs a, d'une part, répondu à ce moyen d'ordre public et, d'autre part, ramené ses conclusions à fin de décharge aux sommes de 21 381 euros et de 75 263 euros en droits au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge respectivement au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008, outre les pénalités correspondantes, ainsi qu'à hauteur de la somme de 1 300 euros au titre de l'imposition forfaitaire annuelle mise à sa charge au titre de l'exercice clos de 2008, outre les pénalités y afférentes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance de la présidente de la Cour des 12 mars 2021 désignant M. A... en qualité d'expert ;

- l'ordonnance de la présidente de la Cour du 27 août 2021, taxant et liquidant à la somme de 2 880 euros les frais de l'expertise ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernabeu,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bordais, substituant Me Subra, pour la société Keolabs.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Soliatis, qui assurait des prestations de conseil informatique et de mise en œuvre de solutions relatives aux cartes à puce, a bénéficié, au titre de dépenses exposées en 2007 et 2008, du crédit d'impôt institué par l'article 244 quater B du code général des impôts en faveur des dépenses de recherche. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale, après avoir recueilli l'avis du ministère chargé de la recherche conformément à la procédure prévue par l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales, a remis en cause l'éligibilité de certaines de ces dépenses à ce crédit d'impôt ainsi que l'éligibilité de l'entreprise au statut de " jeune entreprise innovante ". Par proposition de rectification du 29 novembre 2010, selon la procédure contradictoire, elle a en conséquence assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et à une cotisation d'impôt forfaitaire annuel sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008. La SAS Keolabs, venant aux droits de l'EURL Soliatis, a sollicité auprès du tribunal administratif de Marseille la décharge de ces impositions supplémentaires et le paiement d'une somme complémentaire de 8 142 euros au titre de l'exercice clos en 2008. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande et sollicite la restitution des sommes imposées à tort ainsi que le remboursement du complément de crédit impôt recherche dont elle estime disposer au titre de l'exercice clos en 2008 d'un montant de 8 142 euros. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'action et des comptes publics, a diligenté une expertise en vue de se prononcer en toute connaissance de cause sur la participation effective de M. B... aux travaux de recherche de l'EURL Soliatis en 2006 et en 2007 ainsi que sur le quantum de cette participation au regard de son temps de travail annuel. L'expert a déposé son rapport le 1er juillet 2021. Dans le dernier état de ses écritures, la société Keolabs a ramené ses conclusions à fin de décharge aux sommes de 21 381 euros et de 75 263 euros en droits au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge respectivement au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008, outre les pénalités correspondantes, ainsi qu'à hauteur de la somme de 1 300 euros au titre de l'imposition forfaitaire annuelle mise à sa charge au titre de l'exercice clos de 2008, outre les pénalités y afférentes.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne le crédit impôt recherche :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies et 44 undecies qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les douze premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ; (...) ". L'article 49 septies G de l'annexe III au même code dispose en outre que : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. (...). / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte sont exclusivement celles versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ". Enfin, aux termes de l'article 49 septies J de l'annexe III à ce code : " Quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, le crédit d'impôt est calculé par référence aux dépenses exposées au cours de l'année civile. En cas de clôture d'exercice en cours d'année, le montant du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts est calculé en prenant en compte les dépenses éligibles exposées au titre de la dernière année civile écoulée ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles elles sont effectuées.

4. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'EURL Soliatis, désormais SAS Keolabs, a mené en 2006 et en 2007 des opérations de recherche, dans le domaine du développement d'outils de test pour cartes à puce et lecteurs de cartes à puce en technologie sans contact avec principalement une activité de conception et développement d'outils de test, éligibles au crédit impôt recherche pour les exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008. Il résulte également de l'instruction que l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie a estimé, dans son rapport établi en 2010, que l'entreprise, qui n'avait pas établi de feuille de temps pour son personnel, pouvait être regardée comme ayant affecté à des activités de recherche, dans la limite de 70 % de leur temps de travail, ses salariés, soit deux personnes en 2006 dont l'une employée à compter du 23 janvier 2006 et cinq personnes en 2007 dont quatre réparties sur chacune des deux moitiés de l'année 2007 et un salarié employé de fin septembre à mi-novembre 2007. La SAS Keolabs fait valoir, en produisant diverses pièces, qu'outre ce personnel, le gérant de l'EURL Soliatis, M. B..., titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome et d'un diplôme d'études approfondies de conception assistée des systèmes informatiques, a contribué aux travaux de recherche de la société à hauteur de 125 jours en 2006 et 138 jours en 2007 sur un total annuel de 235 jours travaillés.

5. L'expert désigné par la Cour, après avoir vérifié que le projet développé par la société Soliatis relevait bien du champ du crédit impôt recherche et que M. B..., compte tenu de ses diplômes et son expérience, disposait des compétences pour participer au projet de recherche et développement de cette société dont il est le fondateur, s'est attaché à définir la part de cette participation au regard de son temps de travail annuel. Pour déterminer cette part, l'expert s'est appuyé sur la déclaration du nombre de jours travaillés par an, soit 235 jours, sur la déclaration des jours travaillés sur ledit projet et sur des éléments de preuves fournis permettant de valider concrètement cette participation. Au titre des jours effectivement consacrés au projet, l'expert a pris en compte à la fois les journées consacrées au développement du projet (soit respectivement 85 jours et 75 jours pour les années 2006 et 2007) et celles de participation aux réunions en lien avec le projet en se basant sur des éléments permettant de confirmer que l'objet principal de la réunion était bien le projet concerné et que ce travail était bien une activité de recherche et de développement (soit 15 jours en 2006 et 8 jours en 2007). Au vu de ces éléments, l'expert en a déduit que la participation de M. B... au projet de recherche et développement s'élevait à 100 jours sur l'année 2006 et à 83 jours sur l'année 2007, ce qui représente (sur la base de 235 jours travaillés par an) une part de travail de 42,55 % en 2006 et de 35,32 % en 2007. Au vu des conclusions de cette expertise qui ne sont contestées ni par la société Keolabs ni par l'administration fiscale, il convient de prendre en compte, pour la détermination du montant du crédit d'impôt recherche dont elle peut bénéficier au titre des exercices clos en 2007 et 2008, les rémunérations qu'elle a versées à son gérant sur le fondement des dispositions de l'article 49 septies G du code général des impôts, à hauteur de 100 jours sur l'année 2006 et de 83 jours sur l'année 2007, ce qui représente 42,55 % de sa rémunération en 2006 et 35,32 % de sa rémunération en 2007.

En ce qui concerne le statut de " jeune entreprise innovante " :

6. Aux termes de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts : " Une entreprise est qualifiée de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement lorsque, à la clôture de l'exercice, elle remplit simultanément les conditions suivantes : (...) / 3° elle a réalisé des dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B, représentant au moins 15 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de cet exercice, à l'exclusion des charges engagées auprès d'autres jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement ou auprès d'entreprises bénéficiant du régime prévu à l'article 44 undecies ; (...) ". En outre, les dispositions de l'article 44 sexies A du même code prévoient que : " I. - 1. Les entreprises répondant aux conditions fixées à l'article 44 sexies-0 A sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés au titre des trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires, cette période d'exonération totale des bénéfices réalisés ne pouvant excéder trente-six mois. (...) / 3. Si à la clôture d'un exercice ou d'une période d'imposition l'entreprise ne satisfait plus à l'une des conditions requises pour bénéficier du statut de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement, elle perd définitivement le bénéfice de l'exonération prévue au 1. Toutefois, le bénéfice réalisé au cours de cet exercice ou période d'imposition et de l'exercice ou période d'imposition suivant n'est soumis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de son montant. ". Enfin, aux termes de l'article 223 nonies A du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - 1. Les entreprises répondant aux conditions fixées à l'article 44 sexies-0 A sont exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septies. (...) ".

7. Pour remettre en cause le statut de " jeune entreprise innovante " dont la société Soliatis s'est prévalue au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2007, l'administration fiscale, d'une part, a considéré que les dépenses de personnel devaient être fixées à 49 212 euros, soit 70 % des dépenses déclarées par la société, pour tenir compte du temps passé en lien avec le projet de recherche et développement et, d'autre part, a rejeté les frais de sous-traitance en l'absence d'agrément des sous-traitants, ramenant ainsi le montant total des dépenses de recherche et développement au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2007, à la somme de 52 445 euros au lieu de 105 305 euros. Il résulte en outre de la proposition de rectification du 29 novembre 2010, qui se fonde notamment sur la déclaration de résultats de la société au titre de cet exercice, que le montant des charges totales d'exploitation est de 555 806 euros. Pour bénéficier du dispositif précité, l'entreprise doit réaliser au moins 15 % de ce montant, soit 83 371 euros, au titre des dépenses de recherches et de développement. L'administration fiscale, qui n'a pas contesté les autres conditions afférentes au statut de " jeune entreprise innovante ", en a conclu que seule cette condition n'était pas, en l'espèce, remplie, ce qui justifiait la remise en cause de ce statut à compter de l'exercice clos en 2007. Elle en a également tiré les conséquences sur l'exercice clos le 30 septembre 2008, d'une part, en lui faisant bénéficier, au lieu d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés, d'une réduction de cet impôt en pratiquant un abattement de 50 % sur le bénéfice de cet exercice, en application des dispositions précitées du 3 du I de l'article 44 sexies A du code général des impôts, et d'autre part, en remettant en cause l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle dont elle avait bénéficié conformément aux dispositions précitées de l'article 223 nonies A du même code.

8. Cependant, il ressort du rapport de l'expert désigné par la Cour, qu'au titre de l'exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, le gérant de la société a consacré 83 jours de travail au projet sur les 235 jours annuels travaillés, ce qui représente 35,32 % de sa rémunération. La société Keolabs soutient sans être contestée que la rémunération de M. B... s'est élevée à 105 000 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2007, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du procès-verbal d'assemblée générale de la société Soliatis daté du 27 novembre 2007 et produit à l'instance. En tenant compte du montant des dépenses rectifiées par l'administration fixé à 52 445 euros, et en y ajoutant les dépenses de rémunération du gérant dans les proportions retenues par l'expert, soit 37 086 euros, les dépenses totales au titre de la recherche et du développement s'élèvent à 89 531 euros, ce qui excède 15 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de cet exercice, sans même prendre en compte les frais de fonctionnement fixés forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel éligibles au crédit impôt recherche en application des dispositions du c) du II de l'article 244 quater B. Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu l'administration fiscale, la société Soliatis répondait bien aux conditions lui permettant de bénéficier du statut de " jeune entreprise innovante " au titre de l'exercice clos le 31 septembre 2007. Par suite, l'administration ne pouvait ni remettre en cause ce statut au titre de l'exercice clos en 2007 ni en tirer les conséquences sur l'exercice suivant en appliquant l'abattement prévu par les dispositions précitées du 3 du I de l'article 44 sexies A du même code, au lieu d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés, et en lui supprimant l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle dont elle avait bénéficié au titre du même exercice.

9. Il résulte ainsi de tout ce qui précède que la société Keolabs est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille ne lui a pas accordé, d'une part, la réduction des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la prise en compte dans le calcul du crédit impôt recherche dont elle peut bénéficier au titre des exercices clos en 2007 et 2008, les rémunérations qu'elle a versées à son gérant à hauteur de 100 jours sur l'année 2006 et de 83 jours sur l'année 2007, ce qui représente 42,55 % de sa rémunération en 2006 et 35,32 % de sa rémunération en 2007, ainsi que, d'autre part, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de son statut de " jeune entreprise innovante " au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et de l'imposition forfaitaire annuelle au titre de l'exercice clos en 2008, dans la limite du quantum de sa demande tel qu'il est précisé au point 1 du présent arrêt.

Sur les conclusions aux fins de restitution du complément de crédit impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2008 :

10. L'article 220 B du code général des impôts dispose que : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". En application de cet article 199 ter B, le crédit impôt recherche doit être imputé sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses de recherche ont été engagées, puis, en cas d'excédent, sur l'impôt dû au titre des trois exercices suivants, avant d'être remboursable.

11. Pour demander le remboursement du complément de crédit impôt recherche dont elle estime disposer au titre de l'exercice clos en 2008 d'un montant de 8 142 euros, la société Keolabs soutient qu'il est constitué par la différence entre le crédit impôt recherche initialement déclaré d'un montant de 67 215 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et celui résultant de ses calculs prenant en compte la rémunération de M. B... qu'elle fixe à 75 357 euros au titre du même exercice. Cependant, la demande de la société n'entre pas dans les prévisions des dispositions précitées au point 10 dès lors qu'elle sollicite que lui soit remboursée la différence entre le crédit impôt recherche qu'elle a déclaré et celui dont elle s'estime en réalité bénéficiaire, et non le crédit excédentaire non imputé sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice concerné. En outre, le montant de 75 357 euros dont elle se prévaut au titre du crédit impôt recherche n'est pas exact dès lors qu'il prend en compte 53,19 % de la rémunération de M. B... alors qu'il ne faut en retenir que 35,32 % selon les conclusions de l'expert désigné par la Cour. Ainsi, en prenant en compte les montants des rémunérations de son gérant avancés par la société au titre des années 2006 (soit 20 000 euros) et 2007 (soit 90 000 euros), et proratisés selon les conclusions de l'expert, ainsi que les autres éléments de calcul du crédit impôt recherche, tels qu'ils résultent de la proposition de rectification du 29 novembre 2010 s'agissant des dotations aux amortissements, des dépenses de personnel rectifiées (autres que celles afférentes au gérant), des dépenses de fonctionnement et des dépenses liées à la normalisation, et qui ont également été repris dans les calculs effectués par la société Keolabs, le crédit impôt recherche dont la société est bénéficiaire au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008 s'élève à 62 432 euros et non à 75 357 euros. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à se prévaloir, en toute hypothèse, d'un excédent de crédit d'impôt restituable d'un montant de montant de 8 142 euros.

Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes versées :

12. Aux termes de l'article L. 208 du livre de procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ". Il résulte de ces dispositions que le présent arrêt accordant la réduction ou la décharge des impositions en litige, le remboursement des sommes correspondantes est de droit. En l'absence de litige né et actuel opposant la société requérante au comptable concernant le versement de ces sommes, les conclusions tendant à la restitution des sommes déjà acquittées par la société au titre des impositions en litige sont prématurées et doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Etat les frais de l'expertise de M. A..., taxés et liquidés à la somme de 2 880 euros par l'ordonnance susvisée de la présidente de la Cour du 27 août 2021.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à la société Keolabs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant du crédit d'impôt recherche auquel est en droit de prétendre la SAS Keolabs au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008 est calculé, en ce qui concerne ses dépenses de personnel, en y intégrant les rémunérations qu'elle a versées à son gérant, M. B..., à hauteur de 42,55 % de sa rémunération en 2006 et 35,32 % de sa rémunération en 2007.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Keolabs au titre des exercices clos en 2007 et 2008 sont réduites du crédit d'impôt pour dépenses de recherche tel que calculé à l'article 1er, dans la limite du quantum de sa demande tel que précisé au point 1 du présent arrêt.

Article 3 : La société Keolabs est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, résultant de la remise en cause de son statut de jeune entreprise innovante, ainsi que de l'imposition forfaitaire annuelle mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008, dans la limite du quantum de sa demande, tel que précisé au point 1 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 880 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 6 : L'Etat versera à la société Keolabs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Keolabs est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Keolabs venant aux droits de l'EURL Soliatis et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

5

N° 18MA05276

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05276
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : DELSOL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-28;18ma05276 ?
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