Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a refusé d'agréer sa candidature pour le concours de gardien de la paix, session 2016, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa candidature, dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des
articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 1801772 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2020, M. B..., représenté par Me Kouahou, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision de refus d'agrément du 29 janvier 2018 ainsi que le rejet tacite de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Kouahou en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de refus d'agrément n'est pas suffisamment motivée en fait, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute de comporter des précisions sur les comportements qui lui sont reprochés et d'indiquer que ses observations du 1er août 2017 ont été prises en compte, le mémoire en défense produit par le préfet devant le tribunal ne pouvant y suppléer ;
- en se fondant uniquement sur la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires pour lui refuser l'agrément, le préfet a méconnu les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- il n'est pas justifié que l'agent ayant consulté le fichier de traitement des antécédents judiciaires ait été individuellement désigné et spécialement habilité à cet effet au jour de la consultation, comme l'exige l'article R. 40-29 du code de procédure pénale et comme le prévoit le décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 ;
- le refus d'agrément, en ce qu'il emporte interdiction d'occuper l'emploi auquel il a été admis, par simple consultation d'un fichier automatisé, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en n'accueillant pas ce moyen, le tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle alors qu'il n'a été l'objet d'aucune condamnation pénale, qu'il a donné toutes les explications nécessaires pour comprendre son inscription au fichier de traitement des antécédents judiciaires, dont le préfet n'a nullement tenu compte, et qu'il n'existe aucun autre motif pour refuser son agrément, l'un de ses employeurs ayant témoigné de ses qualités professionnelles ;
- la décision tacite prise sur recours gracieux, qui aurait dû être motivée, même en l'absence de demande de communication des motifs, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, n'a pas donné lieu à un examen réel et complet de sa situation, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole le droit à l'oubli posé par les dispositions des articles 702-1, 703 et 775-1 du code de procédure pénale, aucune mention le concernant ne figurant audit fichier.
Par ordonnance du 8 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juillet 2021, à 12 heures.
Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 25 août 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
26 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration;
- le code de procédure pénale ;
- le code de sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Informé de son admission au concours externe de gardien de la paix, session du
8 septembre 2016, par lettre du 13 avril 2017, M. B... a été invité par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud, le 24 juillet 2017, à présenter ses observations sur son intention de ne pas lui accorder l'agrément auxdites fonctions, au motif que l'enquête administrative, après consultation de fichiers automatisés de données personnelles pour le recrutement des fonctionnaires de la police nationale, avait révélé un comportement de sa part, en 2015 et 2016, incompatible avec celui attendu du personnel de police. M. B... a présenté des observations le 1er août 2017 et le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé d'agréer sa candidature par décision du 29 janvier 2018, contre laquelle le recours gracieux de l'intéressé du 5 avril 2018 est resté sans réponse. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la fois à l'annulation du refus d'agrément et à celle du rejet tacite de son recours gracieux.
Sur la légalité du refus d'agrément :
En ce qui concerne sa légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7° Refusent une autorisation (...) ".
3. Par ailleurs, l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale dispose que : " Outre les conditions générales prévues par l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et les conditions spéciales prévues par les statuts particuliers, nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : [...] 3° Si sa candidature n'a pas reçu l'agrément du ministre de l'intérieur. ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la nomination dans un emploi des services actifs de la police nationale est subordonnée à l'agrément du ministre de l'intérieur qui vérifie notamment la compatibilité du comportement des candidats avec les fonctions envisagées. Dès lors, cette décision ne constitue pas le refus d'un avantage dont l'attribution constitue un droit et n'a pas non plus le caractère d'un refus d'autorisation, au sens des dispositions des 6° et 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans la mesure où, en examinant la compatibilité du comportement du candidat avec les fonctions postulées, le ministre de l'intérieur se prononce sur d'autres aspects de la candidature que ceux appréciés par le jury de concours pour déclarer le candidat admis, le refus d'agrément n'a, par lui-même, ni pour objet ni pour effet d'abroger ou de retirer une décision créatrice de droits au sens des dispositions du 4° du même article. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige est inopérant et doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...) ". En vertu des articles R. 114-1 et R. 114-2 du même code, le recrutement des personnels de police peut donner lieu à de telles enquêtes. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur au jour de la décision en litige : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues (...) aux articles L. 114-1,(...) du code de la sécurité intérieure (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par :
1° Les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28 ; (...) ". L'article R. 40-28 du même code prévoit quant à lui que : " I. - Ont accès à la totalité ou, à raison de leurs attributions, à une partie des données mentionnées à l'article R. 40-26 pour les besoins des enquêtes judiciaires : 1° Les agents des services de la police nationale exerçant des missions de police judiciaire individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, le directeur général dont ils relèvent ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires précitées que les agents des services de la police nationale exerçant des missions de police judiciaire au sein d'un service territorial de la police nationale doivent, pour accéder aux données à caractère personnel figurant dans un traitement automatisé qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, dans le cadre des enquêtes administratives prévues pour le recrutement des personnels de la police nationale à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, être individuellement désignés et spécialement habilités par le chef de ce service ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent. En revanche, aucune disposition non plus qu'aucun principe ne régissent la forme et la procédure de ces désignation et habilitation, ni n'imposent que les décisions administratives de recrutement prises au vu desdites données en justifient.
7. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et spécialement d'un document intitulé " Attestation d'habilitation à la consultation de traitement de données personnelles ", et établi le 1er octobre 2019 par le chef du service départemental du renseignement territorial de l'Hérault, que l'agent qui a procédé à l'enquête de délivrance de l'agrément nécessaire à la nomination de M. B..., relevait dudit service. Compte tenu de son intitulé et de la désignation de son objet, ce document doit être lu, contrairement aux affirmations de l'appelant, comme attestant que cet agent, qui a consulté les fichiers de police pour réaliser cette enquête, ainsi que le montre le rapport d'enquête correspondant, également versé au dossier de première instance, disposait d'une habilitation à cet effet. En dénonçant, en outre, le caractère postérieur de cette attestation par rapport à la consultation du fichier, l'appelant, qui ne remet pas en cause la circonstance que l'auteur de cet acte a préservé l'anonymat de l'agent concerné pour des raisons de sécurité publique et de sécurité des personnes, ne conteste pas efficacement le contenu et la portée de cette pièce qui, ayant le caractère d'un acte administratif, fait foi jusqu'à preuve du contraire. La circonstance que la décision en litige ne mentionne ni l'identité de la personne qui a consulté un traitement automatisé de données personnelles au requérant, ni la date de la consultation, et qu'elle ne fasse pas apparaître l'habilitation spéciale de cette personne pour procéder à cette consultation, demeure sans incidence sur sa régularité. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, la décision en litige, qui ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, ni en tout état de cause celles du décret du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique, n'a pas été prise au terme d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne sa légalité interne :
8. D'une part, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978 :
" Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ". Lorsqu'une décision administrative est précédée d'une enquête administrative, destinée à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées, et ayant donné lieu à consultation des données de traitements automatisés, le rapport de cette enquête administrative et les données y figurant ne constituent qu'un des éléments qu'apprécie l'autorité administrative pour prendre sa décision et ne saurait en constituer le seul fondement. Ainsi M. B... ne peut utilement soutenir que la décision en litige, qui résulte d'une appréciation portée par le préfet sur l'ensemble de son comportement visant à déterminer sa compatibilité avec l'exercice des fonctions postulées, méconnaît les dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978. Pour les mêmes raisons, son moyen tiré de ce que la consultation des données extraites du fichier des services de police pour les besoins de l'enquête de comportement le concernant se serait traduite " automatiquement " par une décision de refus, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme, doit être écarté.
9. D'autre part, s'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats à un emploi des services actifs de la police nationale présentent les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles ils postulent, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de vérifier que le refus d'agrément d'une candidature est fondé sur des faits matériellement exacts et de nature à le justifier légalement.
10. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête de personnalité établi le 12 mai 2017 par le service départemental du renseignement territorial de l'Hérault, que M. B... s'est livré en 2015 à deux violences aggravées par deux circonstances, suivies d'une incapacité n'excédant pas huit jours, à des vols simples au préjudice de particuliers et, en 2016, à des menaces de mort réitérées ainsi qu'à des injures publiques à des particuliers. Si, dans ses observations, préalables à la décision litigieuse, dont il se prévaut en cause d'appel sans, toutefois, en reprendre la teneur ni le détail, l'intéressé justifiait les faits de 2016 par un différend l'opposant à son ancien employeur au sein d'une société de sécurité privée, il ne conteste pas, en tout état de cause, les autres circonstances ainsi retenues par le préfet pour refuser l'agrément aux fonctions postulées, qui, avec les premières, traduisent un comportement violent et impulsif, incompatible avec lesdites fonctions, malgré l'absence de condamnation judiciaire. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser d'agréer la candidature de M. B... aux fonctions de gardien de la paix, sans que l'attestation d'un ancien employeur de l'intéressé, reconnaissant la qualité de son travail, mais dépourvue d'indication quant à la période d'emploi correspondante, soit de nature à remettre en cause cette appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du préfet portant refus d'agrément.
Sur la légalité du rejet tacite du recours gracieux :
12. D'une part, le moyen tiré de l'absence de motivation de ladite décision est inopérant, dans la mesure où la décision de refus initiale n'a pas elle-même à être motivée, ainsi qu'il a été dit au point 4, et où, en tout état de cause, cette décision de refus étant tacite, l'intéressé n'a pas sollicité la communication de ses motifs, ainsi que l'a jugé le tribunal.
13. D'autre part, la seule circonstance, confirmée par le courrier du procureur de la République, qu'aucune mention ne concernant l'appelant ne figurait dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, ne peut suffire à remettre en cause l'appréciation déjà portée par le préfet sur la compatibilité de son comportement avec les fonctions de gardien de la paix, ni à révéler qu'en ne répondant pas expressément à son recours gracieux, le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de celui-ci.
14. Enfin, pour affirmer que le préfet aurait dû tenir compte de cet élément nouveau, M. B... ne peut pas utilement se prévaloir, pour la première fois en appel, des dispositions des articles 702-1, 703 et 775-1 du code de procédure pénale, qui n'ont pas trait aux conditions d'effacement des données de fichiers mis à la disposition des services de police judiciaire.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Ainsi sa requête d'appel doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les conclusions relatives aux dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Kouahou et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
N° 20MA01942 2