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19/10/2021 | FRANCE | N°19MA03322

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 19MA03322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- sous le n° 1701220, de condamner la commune de Zonza à lui verser la somme de 10 001 euros à raison des préjudices causés par l'absence d'intervention d'une décision de licenciement ;

- sous le n° 1800416, d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de désigner en qualité d'expert un médecin psychiatre afin de déterminer les préjudices subis en raison du refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de c

ondamner la commune de Zonza à lui verser la somme correspondant à l'indemnisation de ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- sous le n° 1701220, de condamner la commune de Zonza à lui verser la somme de 10 001 euros à raison des préjudices causés par l'absence d'intervention d'une décision de licenciement ;

- sous le n° 1800416, d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de désigner en qualité d'expert un médecin psychiatre afin de déterminer les préjudices subis en raison du refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de condamner la commune de Zonza à lui verser la somme correspondant à l'indemnisation de ces préjudices ainsi que la somme de 81 846,48 euros en réparation de préjudices nés de la perception d'indemnités journalières de la sécurité sociale correspondant à un service à temps partiel (80 %), du retard avec lequel a été prononcé son licenciement et du défaut de versement de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle elle avait droit.

Par un jugement nos 1701220, 1800416 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Zonza à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros en réparation de ses préjudices et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2019 et le 13 avril 2020, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Peres, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 mai 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa requête enregistrée sous le n°1800416 ;

2°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de désigner en qualité d'expert un médecin psychiatre aux fins de déterminer les préjudices subis en raison du refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et des conséquences de cette maladie ;

3°) de condamner la commune de Zonza à lui verser la somme correspondant à l'indemnisation des préjudices mentionnés au 2° ainsi que la somme de 82 296,48 euros en réparation de ses préjudices nés de la perception d'indemnités journalières de la sécurité sociale correspondant à un service à temps partiel (80%) et du défaut de versement de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle elle avait droit, ainsi que les frais d'expertise privée qu'elle a dû engager ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens devant la Cour et la somme de 1 500 euros, sur le même fondement, au titre des frais exposés devant le tribunal administratif de Bastia.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses demandes relatives à l'indemnisation des conséquences du calcul de ses indemnités journalières sur la base d'un temps partiel à 80 %, qu'elle n'a jamais sollicité, ainsi que sur sa demande relative à l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- elle n'a sollicité aucune indemnisation au titre d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet ou d'un refus de protection, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;

- le refus opposé par la commune de Zonza à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ;

- cette faute l'a privée de la possibilité d'obtenir le versement d'un plein traitement durant trois mois, d'être indemnisée par la caisse primaire d'assurance maladie d'une incapacité permanente et de percevoir une indemnisation complémentaire au titre de la faute inexcusable commise par la commune ;

- l'arrêté du 6 avril 2014 du maire de la commune l'autorisant à exercer ses fonctions à temps partiel à raison de 80 % du temps plein à compter du 1er avril 2014 ainsi que les arrêtés prolongeant cette autorisation sont illégaux dès lors qu'elle n'a jamais fait de demande de ce type ;

- ces arrêtés illégaux lui ont causé un préjudice dès lors qu'ils ont eu une incidence sur le calcul de ses indemnités journalières ainsi que sur la pension d'invalidité de catégorie 2 qui lui a été attribuée ;

- le préjudice résultant du mauvais calcul des indemnités journalières doit être évalué à 48 904,46 euros si l'origine professionnelle de sa maladie est reconnue, à 16 611,87 si cette origine n'est pas reconnue ;

- elle a droit à une indemnité compensatrice de congés payés du fait de son licenciement, pour un montant de 14 515,57 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 janvier 2020 et le 28 juillet 2021, la commune de Zonza, représentée par Me Poli, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 5 février 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse indique n'avoir aucune demande à formuler dans le cadre de l'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent titulaire de la fonction publique d'Etat en disponibilité, a été recrutée à compter du 1er mars 2008 par la commune de Zonza en qualité de responsable du service urbanisme et contentieux, d'abord dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2014. Elle a été placée en congé de grave maladie à compter du 25 avril 2014 et licenciée pour inaptitude physique le

28 novembre 2017 avec effet au 15 décembre 2017. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia nos 1701220, 1800416 du 16 mai 2019 en tant que ce dernier a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses préjudices consécutifs, d'une part, au refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie qui a conduit à son licenciement pour inaptitude physique, d'autre part, à la limitation des indemnités journalières de la sécurité sociale qu'elle a perçues à une rémunération correspondant à un service à temps partiel à 80 %, et, enfin, au défaut de versement de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle elle estimait avoir droit.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que, dans ses demandes de première instance formulées tant dans la requête introductive d'instance que dans le mémoire complémentaire, Mme B... présentait des conclusions tendant, entre autres, à ce que la commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices résultant, d'une part, du calcul d'indemnités journalières, à tort selon elle, sur la base d'un temps de travail à temps partiel à 80 %, par suite d'arrêtés la plaçant à temps partiel, et du défaut de versement d'une indemnité compensatrice de congés payés à laquelle elle estimait avoir droit. Les premiers juges n'ont pas statué sur ces conclusions et ont ainsi, dans cette mesure, entaché leur jugement d'une omission à statuer. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, dans cette mesure, irrégulier.

3. Il y a lieu pour la Cour, d'une part, d'évoquer partiellement le litige et de statuer dans cette limite sur les demandes tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés au point précédent et, d'autre part, de se prononcer sur les autres demandes dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les demandes indemnitaires afférentes à la non reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... :

4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

5. Il résulte de l'instruction que Mme B... souffrait d'un syndrome dépressif sévère, avec trouble grave de l'adaptation, envahissement du champ de la conscience par la problématique professionnelle et des éléments d'allure phobique relatifs à son environnement professionnel, se traduisant notamment par des conduites d'évitement, qui a conduit à son placement en congé de grave maladie du 25 avril 2014 jusqu'à l'intervention de son licenciement. Par lettre du 20 mars 2015, elle a demandé au maire de la commune de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, demande qui a donné lieu à une décision implicite de rejet. Par ordonnance n° 1700019 du 28 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a désigné un expert afin de déterminer si la pathologie de l'intéressée était imputable au service. L'expert a remis son rapport le 28 septembre 2017, au terme duquel il conclut à l'absence d'imputabilité au service de la maladie de Mme B.... Différents certificats et expertises médicales, antérieurs ou postérieurs à la remise de ce rapport, font état du lien fait par

Mme B... entre son état de santé et sa situation professionnelle, se caractérisant, selon elle, par un climat de pression et de dévalorisation de la part de l'élu en charge de l'urbanisme, et plusieurs attestations de proches et de collègues se font l'écho de la dégradation de l'état de santé de l'intéressée, relatant la dégradation de son humeur, et son isolement brusque. Toutefois, ces documents ne permettent pas, faute d'éléments factuels précis, de remettre en question les conclusions de l'expert judiciaire et d'établir que les conditions dans lesquelles l'intéressée réalisait son activité présentaient un caractère pathogène qui serait directement responsable de sa maladie. Mme B... n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Zonza a refusé de reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie est illégale et de nature à engager la responsabilité de la commune, sans qu'il soit besoin d'ordonner, avant dire droit, la réalisation d'une nouvelle expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices résultant de cette faute.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute de la commune, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la maladie dont elle était affectée.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires relatives au montant des indemnités journalières perçues et tendant au versement d'une indemnité compensatrice de congés annuels :

7. En premier lieu, Mme B... soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de son placement à temps partiel à 80 % à compter du 1er avril 2014, alors qu'elle avait été recrutée en contrat à durée indéterminée à plein temps, à compter de la date de sa prise d'effet, le

1er mars 2014. Il résulte, toutefois, de l'instruction qu'elle avait été autorisée à exercer ses fonctions à temps partiel à raison de 70 % du temps plein à compter du 1er avril 2013, pour une durée de onze mois et qu'elle n'a jamais contesté la décision du maire de la commune de Zonza du 6 avril 2014 lui accordant le bénéfice d'un placement à temps partiel à 80 % pour une nouvelle période de onze mois, à compter du 1er avril 2014. Dans ces conditions, elle n'établit pas que c'est en vertu de décisions illégales qu'elle a été placée à temps partiel et que, par suite, la responsabilité de la commune pourrait être engagée du fait que les indemnités journalières qui lui ont été servies pendant la période de congé de maladie ont été calculées sur la base d'une rémunération correspondant à un temps de travail de 80 %.

8. En second lieu, au terme de l'article 5 du décret du 15 février 1988 susvisé : " (...) A la fin d'un contrat à durée déterminée ou en cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, l'agent qui, du fait de l'autorité territoriale, en raison notamment de la définition du calendrier des congés annuels, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice. / Lorsque l'agent n'a pu bénéficier d'aucun congé annuel, l'indemnité compensatrice est égale au 1/10 de la rémunération totale brute perçue par l'agent lors de l'année en cours. (...) ".

9. Mme B... soutient qu'elle a été privée de l'indemnité compensatrice de congés annuels, alors qu'elle n'a pu bénéficier de ses congés annuels durant les années 2014 à 2017. Toutefois, d'une part, l'indemnité compensatrice ne peut être versée qu'au titre des congés annuels qui n'ont pas été pris l'année au cours de laquelle a été prononcé le licenciement. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B..., qui était placée en congé de grave maladie depuis le 23 avril 2014 et avait été déclarée inapte à toute fonction à compter du 26 octobre 2016, a été empêchée du fait de l'administration de bénéficier de ses congés annuels en 2017, année au cours de laquelle est intervenu son licenciement. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice en raison du défaut de versement de cette indemnité, dont, au demeurant, elle n'établit pas avoir fait la demande.

10. Il résulte de ce qui précède que les demandes de Mme B... ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés aux litiges :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge d'une quelconque partie une somme à verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 1701220, 1800416 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les demandes de Mme B... tendant à ce que la commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices résultant, d'une part, du calcul d'indemnités journalières sur la base d'un temps de travail à temps partiel à 80 %, et, d'autre part, du défaut de versement d'une indemnité compensatrice de congés payés.

Article 2 : Les demandes mentionnées à l'article 1er présentées par Mme B... devant le tribunal administratif ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Zonza présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Zonza et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 19 octobre 2021.

2

N° 19MA03322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03322
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres - Inaptitude physique.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL PERES PIERRE-ANTOINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-19;19ma03322 ?
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