Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de Montfrin a délivré à la SARL Statim Provence et à la SARL VDCL un permis d'aménager en vue de la réalisation de 19 lots à bâtir sur un terrain situé lieu-dit Costebelle sur le territoire communal, ensemble la décision du 15 mars 2018 du maire portant rejet de son recours gracieux.
Par jugement n° 1800967 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2019 et par deux mémoires complémentaires enregistrés les 18 février et 17 juillet 2020, M. B..., représenté par la SCP d'avocats Tertian-Bagnoli-Langlois-Matinez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 du maire de Montfrin, ensemble la décision du 15 mars 2018 du maire portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montfrin la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a notifié sa requête d'appel conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- il a qualité lui donnant intérêt pour agir en sa qualité de voisin immédiat du projet de lotissement au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le plan erroné de composition du lotissement joint à la demande de permis d'aménager a induit le service instructeur en erreur ;
- la décision en litige méconnaît les règles de distance entre les futures habitations et les bâtiments agricoles prévues par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, applicables par l'effet de réciprocité ;
- certains lots projetés sont implantés à une distance inférieure à celle de 50 m exigée par l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Gard ;
- il établit que l'extension de son hangar destiné à l'hébergement de brebis a été dûment autorisée par arrêté définitif du maire le 28 octobre 2016 et qu'elle a permis l'exercice de son activité d'élevage ovin, effective et existante à la date du permis d'aménager litigieux délivré le 23 octobre 2017 ;
- le maire était ainsi en compétence liée pour refuser le permis d'aménager en litige ;
- la décision en litige, qui porte atteinte à la salubrité publique, méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2019, les sociétés Statim Provence et VDCL Aménagement, représentées par Me Lucas, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 500 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- il n'est pas établi que le requérant a notifié sa requête d'appel conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le requérant n'établit pas que le projet serait susceptible d'affecter les conditions d'utilisation et d'occupation de son bien au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2020, la commune de Montfrin, représentée par la SCP d'avocats Territoire Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le requérant ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Martinez représentant M. B..., Me Lucas représentant la société à responsabilité limitée Statim Provence et la société à responsabilité limitée VDCL Aménagement et Me Teles représentant la commune de Montfrin.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté en litige du 23 octobre 2017, le maire de la commune de Montfrin a délivré à la SARL Statim Provence et à la SARL VDCL Aménagement un permis d'aménager pour la réalisation de 19 lots à bâtir sur un terrain cadastré section W n° 220, 221, 335, 336, 337, 41, 42, 45, 46 et 47 situé lieu-dit Costebelle sur le territoire communal. M. B..., voisin immédiat du projet, a demandé au maire de retirer ce permis d'aménager. Par décision du 15 mars 2018, le maire a rejeté ce recours gracieux. Par le jugement dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 du maire, ensemble la décision du 15 mars 2018 de rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu et d'une part, l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. (...). ". Aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Gard : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : (...) les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme.(...) A l'exception des établissements d'élevage de volailles ou de lapins renfermant moins de 500 animaux, l'implantation des bâtiments d'élevage ou d'engraissement, dans la partie agglomérée des communes urbaines, est interdite. ". L'article 153-1 de ce règlement sanitaire prévoit que: " Toute création ou extension d'un bâtiment d'élevage ou d'engraissement, à l'exception des bâtiments d'élevage de volailles et de lapins comprenant moins de 50 animaux de plus de trente jours et des bâtiments consacrés à un élevage de type familial, doit faire l'objet de la part du demandeur , de l'établissement d'un dossier comportant les informations suivantes : a) plan de masse (...), b) un plan détaillé de l'installation d'élevage (échelle 1/100) précisant notamment l'emplacement des stockages de déjections et des installations de traitement (...) c) une note explicative précisant la capacité maximale instantanée de l'établissement d'élevage, les volumes de stockage des déjections, les moyens utilisés pour réduire les odeurs (...) " et que ce dossier sera adressé notamment pour avis au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, ainsi qu'au maire de la commune (un exemplaire avec demande de permis de construire). Les règles de distance instaurées par ces dispositions et qui s'imposent tant aux bâtiments d'élevage qu'aux constructions alentours, en application du principe de réciprocité, ne s'appliquent qu'en présence de bâtiments agricoles régulièrement édifiés et exploités.
4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté par les parties que M. B... exerce une activité agricole depuis le 1er novembre 1991 concernant des cultures maraichères et des vignes. S'agissant de sa nouvelle activité d'éleveur ovin en litige, il ressort des pièces du dossier que le requérant a obtenu une décision de non opposition à déclaration préalable le 28 octobre 2016 d'étendre de 20 m² le hangar agricole d'une superficie de 122 m² dont la construction avait été autorisée sur la parcelle W48 par le permis de construire délivré le 11 juillet 1995 par le maire. Il ressort des pièces du dossier que cette extension du hangar est affectée à la " nursery " des brebis. Si l'article 2AU1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune approuvé par délibération du 29 juin 2006 et applicable à la date de la non-opposition à cette déclaration préalable du 28 octobre 2016, interdit les constructions et installations liées à l'activité agricole sauf les extensions des activités existantes, la nouvelle activité d'éleveur du requérant qui tend à étendre et diversifier son activité agricole et qui répond à la même destination agricole au sens des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, doit être regardée comme une extension de son activité existante d'agriculteur au sens de l'article 2AU1 du règlement et autorisée par ce règlement, alors même que M. B... n'a pas fait état de sa nouvelle activité d'élevage et de la création d'une bergerie dans ce bâtiment lors du dépôt de sa déclaration préalable. Par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'extension de ce bâtiment agricole destiné à accueillir l'élevage de brebis du requérant et autorisée le 28 octobre 2016 doit être regardée comme régulièrement édifiée et bénéficie d'une autorisation définitive à la date de la décision en litige.
5. S'agissant en revanche de la régularité de l'exploitation d'élevage d'ovins de M. B..., il ressort des pièces du dossier que la nouvelle activité de cet exploitant agricole, dont le cheptel a été enregistré à la chambre d'agriculture et qui a acheté 40 agnelles selon une facture du 28 octobre 2016, ne peut être regardée comme un élevage familial, dont la production est limitée aux besoins de consommation d'une famille ou d'un ménage au sens du règlement sanitaire départemental du Gard. Elle était donc soumise aux exigences de l'article 153-1 de ce règlement relatif aux règles d'implantation de bâtiments d'élevage, de gardiennage ou d'engraissement (création ou extension). Le requérant n'établit pas, ni même n'allègue avoir constitué le dossier prévu par l'article 153-1 de ce règlement, qui devait être adressé notamment au maire avec un exemplaire de la demande de permis de construire ou de déclaration préalable de travaux d'extension du hangar abritant les animaux, dès lors que l'élevage d'animaux dans une exploitation agricole existante exige le respect d'une réglementaire particulière pour assurer notamment la salubrité publique. Dans ces conditions, l'exploitation agricole de M. B... ne peut être regardée comme régulièrement exploitée à la date de la délivrance du permis d'aménager litigieux. Dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la règle de distance imposée par les dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 153-4 du règlement sanitaire départemental du Gard à l'appui de son moyen tiré de ce que les lots 3 à 5 du lotissement autorisé par le permis d'aménager du 23 octobre 2017 en litige sont entièrement situés à moins de cinquante mètres de la bergerie qu'il exploite sur son terrain cadastré W48.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.
7. Le requérant ne produit aucun élément précis et probant de nature à établir que, compte tenu des caractéristiques et de l'intensité des nuisances engendrées par son élevage d'ovins situé à proximité, le projet de lotissement serait susceptible de comporter un risque pour les occupants des constructions dont l'édification est envisagée par le permis d'aménager litigieux et, en conséquence, un risque pour la salubrité publique au sens des dispositions de l'article R. 111-2 précité.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non recevoir opposées par la commune et par les deux sociétés pétitionnaires, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montfrin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Montfrin et une autre somme de 1 000 euros à verser à la société Statim Provence et à la société VDCL Aménagement prises ensemble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Montfrin et une autre somme de 1 000 euros à la société Statim Provence et à la société VDCL Aménagement prises ensemble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Montfrin, à la SARL Statim Provence et à la SARL VDCL Aménagement.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
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N° 19MA01839