Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2000370 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Zoleko, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) à défaut d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen de sa demande après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou à défaut, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Zoleko au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu l'autorité attachée à l'arrêt de la cour du 15 mars 2018 ;
- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'application par le préfet de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 19 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-sénégalais ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mahmouti a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité sénégalaise, a déposé des demandes d'admission au séjour les 13 avril et 13 mai 2016. Par une décision du 24 août 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire. Par un arrêt du 15 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé cette dernière décision, a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois. Par un arrêté du 17 décembre 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a de nouveau refusé de délivrer le titre de séjour sollicité, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelait l'article L. 111-2 de ce même code alors applicable " sous réserve des conventions internationales ".
3. D'une part, l'article 3 du paragraphe 32 alinéa 321 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant signé le 25 février 2008, stipule que : " La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. / Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée déterminée, la durée de la carte de séjour est équivalente à celle du contrat. / Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée indéterminée, la carte de séjour portant la mention " salarié " devient, selon les modalités prévues par la législation française, une carte de résident d'une durée de dix ans renouvelable. / Les ressortissants sénégalais peuvent travailler dans tous les secteurs d'activité s'ils bénéficient d'un contrat de travail (...) ". Ces stipulations, qui prévoient les conditions de l'admission au séjour, en qualité de salarié, des ressortissants sénégalais titulaires d'un contrat de travail, font dès lors obstacle à ce que soient appliquées aux ressortissants sénégalais les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, relatives à la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article R. 5221-11 du code du travail, qui ont le même objet.
4. D'autre part, aux termes de l'article 4 paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail. / Soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-3. ". Les stipulations de l'article 4 précité renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité le 13 avril 2016 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a présenté le 16 mai suivant une autre demande d'admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires. La cour a annulé l'arrêté du 24 août 2016 par lequel avait été refusée la délivrance à M. A... d'un titre de séjour aux motifs, d'une part, que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 13 avril 2016 compte-tenu de la présence en France de l'intéressé depuis plus de 10 ans et, d'autre part, qu'il s'était mépris sur la nature de la demande dont il avait été saisi le 16 mai 2016, qui n'était pas présentée sur le fondement du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais, mais sur celui du paragraphe 321 de l'article 3 de cet accord.
6. Si, conformément à l'injonction de la cour du 15 mars 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a saisi la commission du titre de séjour, qui a rendu le 21 novembre 2019 un avis défavorable, et a procédé au réexamen de la situation de l'intéressé, il ressort de la décision contestée que ce réexamen a été effectué à nouveau au regard des seules dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans toutefois examiner la situation de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais modifié. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir qu'en n'examinant pas sa demande au regard des stipulations en cause de l'accord franco-sénégalais, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé au regard, d'une part, des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais modifié et, d'autre part, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit en revanche besoin, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, supportés par M. A....
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2020 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 décembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen des deux demandes de titre de séjour de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.
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N° 20MA03971