Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 mars 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 2001653 du 29 mai 2020 le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juin 2020 et le 22 juillet 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2020 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen, de procéder à un réexamen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, et, durant cet examen, de lui délivrer un récépissé de sa demande l'autorisant à de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la violation d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative qui inclut le droit de saisir le juge compétent pour assurer la défense de ses droits ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le requérant ne pouvait exciper de l'illégalité d'une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que le préfet a pu légalement prendre l'arrêté attaqué sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a également commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'assurait pas l'entretien et l'éducation de l'enfant de sa compagne ;
- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit en se substituant à l'administration pour étayer la motivation de sa décision ;
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation à avoir estimé qu'il ne pouvait être regardé comme ayant établi en France le centre de ses intérêts privés et qu'ainsi l'arrêté attaqué n'avait pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la même erreur d'appréciation peut être soulevée à l'encontre du jugement attaqué au regard de la décision d'interdiction de retour d'une durée de deux ans ;
- enfin, les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une lettre du 5 mars 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a été mis en demeure, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de présenter ses observations sur la requête de M. B..., à laquelle il a répondu par la production de pièces de procédure.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le requérant soutient que le jugement attaqué n'a pas expressément répondu au moyen tiré de la méconnaissance de son droit à un recours effectif, l'arrêté attaqué ayant été pris alors qu'un recours, dirigé à l'encontre de la décision par laquelle sa demande de titre de séjour présentée le 23 octobre 2018 avait été implicitement rejetée par le préfet des Alpes-Maritimes, était pendant devant le tribunal administratif de Nice.
3. Il ressort des termes de l'arrêté du 31 mars 2020 que l'obligation de quitter le territoire français dont M. B... fait l'objet a été prise, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il s'était maintenu en situation irrégulière sur le territoire français, et non par suite de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée le 23 octobre 2018. Le recours contre cette décision implicite n'ayant pas d'effet suspensif contre l'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2020, le moyen ainsi formulé était inopérant. Par suite, en ne répondant pas explicitement à ce moyen, le premier juge, qui a examiné l'ensemble des éléments soumis à son appréciation au regard des décisions en litige, n'a pas entaché son jugement d'une irrégularité.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit ou d'appréciation que le premier juge aurait commises.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ".
6. En premier lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le premier juge, qui a restitué avec exactitude les motifs de l'arrêté attaqué, celui-ci mentionne les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement, au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et qui, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, tiennent au maintien en situation irrégulière de M. B... sur le territoire français.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2014, en possession d'un récépissé de renouvellement de son titre de séjour italien. Par arrêté du 8 septembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à une première demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Alors que l'intéressé ne conteste pas n'avoir pas exécuté cette première obligation de quitter le territoire français, il a déposé une deuxième demande de titre de séjour, qui a été rejetée par une décision implicite du 23 février 2019. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, la circonstance qu'à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, à la suite de l'interpellation de M. B... pour des faits de violences conjugales, un recours dirigé contre cette décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, était pendant devant la tribunal administratif de Nice, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet prenne à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. D'autre part, l'annulation de cette décision du 23 février 2019, pour un motif de légalité externe, par jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2021, qui n'a, par ailleurs, prononcé aucune injonction, n'a pas pour effet de priver de base légale la décision attaquée, pour les motifs exposés au point 3. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que l'intéressé s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire français après avoir fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français qu'il n'avait pas exécutée, et d'une erreur de droit en estimant que l'intéressé ne pouvait exciper de l'illégalité de cette décision implicite pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2020.
8. En troisième lieu, le requérant soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis 2014 et est marié depuis 2017 avec une ressortissante française, que son père et l'un de ses frères résident régulièrement en France et qu'il élève la fille que son épouse a eu d'une précédente union. D'une part, il n'est pas établi que la présence de M. B... auprès de la fille de son épouse, dont il n'est pas le père, serait indispensable à l'éducation et aux soins nécessaires à l'enfant. D'autre part, si le père et l'un des frères de l'intéressé résident régulièrement en France, ce dernier n'est entré sur le territoire français qu'à l'âge de 28 ans et d'autres membres de sa fratrie résident dans son pays d'origine. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... s'était livré à des violences sur son épouse, en présence de la fille de celle-ci, pour lesquelles, au demeurant, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis par jugement du tribunal correctionnel de Nice du 9 septembre 2020. Enfin, son épouse indiquait alors vouloir mettre fin à sa vie commune avec le requérant. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. S'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la décision attaquée, l'épouse de M. B... attestait, le 7 juillet 2020, avoir repris une vie commune avec son époux, que le couple était hébergé, avec la fille de l'épouse de l'intéressé, chez le frère de celui-ci, et qu'il était engagé dans une thérapie familiale aux mois de juillet et août 2020, ces circonstances sont seulement de nature, le cas échéant et tant que perdure cette situation, à faire obstacle à l'exécution de la décision d'éloignement, mais sont sans influence sur la légalité de cette décision.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans a été prise au motif que M. B... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et constituait une menace pour l'ordre public, ce qui est établi par les pièces du dossier. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne justifiait pas, à la date de la décision attaquée, d'une durée de présence sur le territoire français et de liens familiaux stables. Dans ces conditions, la décision du préfet des Alpes-Maritimes de lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2020 du préfet des Alpes-Maritimes. Les conclusions présentées en outre aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, où siégeaient :
' M. d'Izarn de Villefort, président,
' M. Ury, premier conseiller,
' Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.
N° 20MA01984 7