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20/07/2021 | FRANCE | N°20MA01102

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 20 juillet 2021, 20MA01102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois, et lui a imposé de se présenter à la préfecture tous les mardis entre 14 et 16 heures.

Par un jugement n° 1905013 du 31 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif

de Montpellier a rejeté la requête de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois, et lui a imposé de se présenter à la préfecture tous les mardis entre 14 et 16 heures.

Par un jugement n° 1905013 du 31 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 2 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le premier juge d'avoir statué sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant sur le délai de départ du territoire français de trente jours ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur le délai de départ de trente jours :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle aurait dû bénéficier d'un délai de départ supérieur à trente jours :

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne porte ni sur la justification de la mesure, ni sur sa proportionnalité ;

- cette mesure est disproportionnée ;

Sur la décision portant obligation de présentation hebdomadaire à la préfecture :

- la décision porte atteinte à son droit au recours effectif de 15 jours.

Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Une ordonnance du 9 juin 2021 fixe la clôture de l'instruction au 25 juin 2021 à 12 heures.

Une décision du 13 décembre 2019 a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois, et lui a imposé de se présenter à la préfecture tous les mardis entre 14 et 16 heures.

Sur la régularité du jugement :

2. Le point 6 du jugement attaqué indique que la décision d'accorder à l'étranger un délai volontaire de trente jours pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, ne saurait, eu égard à son objet et à ses effets, être regardée comme ayant le caractère d'une décision défavorable, que dans l'hypothèse où l'étranger avait saisi le préfet d'une demande tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, ou fait état de circonstances tenant à sa situation personnelle de nature à justifier que lui soit accordé un tel délai, à titre exceptionnel. Le magistrat désigné poursuit en indiquant que la décision d'accorder un délai de départ volontaire de trente jours n'a, dès lors, pas à être motivée si l'étranger ne s'est pas manifesté préalablement sur ce délai. Il a alors relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la requérante avait formulé une demande visant à lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours ou fait état de circonstances particulières tenant à sa situation personnelle qui auraient justifié que lui soit accordé un délai de départ d'une durée supérieure. Dans ces conditions, le jugement attaqué, qui n'a pas omis de répondre au moyen tiré du défaut de la motivation de la décision attaquée, n'est pas irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. La décision contestée comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de la requérante au regard des stipulations et dispositions législatives et réglementaires applicables. Plus particulièrement, la décision contestée mentionne la situation familiale et personnelle de l'intéressée, les conditions de son séjour en France et comporte l'appréciation de l'administration sur celles-ci. A cet égard, la requérante ne saurait faire grief au préfet de ne pas avoir indiqué qu'elle a donné naissance le 2 avril 2019 à un enfant, dès lors qu'elle a déclaré lors de l'enregistrement de sa demande d'asile qu'elle était célibataire et sans charge de famille et qu'elle n'avait pas informé les autorités françaises de cette naissance ou de ce qu'elle était enceinte au moment où elle a déposé sa demande d'asile le 25 février 2019. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'arrêté attaqué mentionne son recours contre la décision du 20 juillet 2019 de l'Office français de protection des Réfugiés et apatrides (OFPRA) de rejet de sa demande d'asile. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.

4. En vertu de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ".

5. Mme D..., dont la demande d'asile a été rejetée dans le cadre de la procédure accélérée de l'article L. 723-2-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la Géorgie est un pays considéré comme sûr, n'établit par aucun document les violences conjugales alléguées subies de la part de son ex-mari dans ce pays. Ensuite, elle ne se prévaut d'aucune attache sur le territoire français ni ne justifie d'aucune insertion sociale, personnelle ou familiale en France, alors qu'elle ne démontre pas être dépourvue de toute attache familiale en Géorgie. Par suite, l'intéressée n'établit pas les risques allégués de violences domestiques de la part de son ex-mari en cas de retour dans son pays d'origine, ni de risques particuliers pour elle et son enfant né en France.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

6. D'une part, pour le motif énoncé au point 2, cette décision est suffisamment motivée.

7. D'autre part, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait cette décision au regard des risques de violence auxquels seraient confrontées Mme D... et son enfant, doit être écarté pour les motifs exposés au point 5.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'intéressée de justifier de sa situation personnelle pour obtenir un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Mme D... n'ayant fait valoir aucun élément de nature à justifier un délai plus long, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de départ volontaire à trente jours, le préfet n'aurait pas tenu compte de sa situation personnelle et familiale pour envisager de lui accorder un délai plus long dont elle devait nécessairement bénéficier, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.(...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 20 juillet 2019 rejetant la demande d'asile de Mme D... lui a été notifiée le 5 août suivant. Il est constant que sa présence ne représente aucune menace pour l'ordre public et qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement avant que le préfet n'assortisse l'obligation de quitter le territoire du 2 septembre 2019 d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée de présence de la requérante sur le territoire français, l'intéressée ayant déclaré être arrivée en France le 5 février 2019, et en dépit de l'absence d'attache familiale ou affective en France, en prononçant cette interdiction de retour, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de présentation hebdomadaire en préfecture :

11. Aux termes de l'article L.513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L.511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative (...) pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. ".

12. L'obligation de présentation hebdomadaire auprès des services de la préfecture de l'Hérault imposée à M. D... pendant la période de départ volontaire pour parer à tout risque de fuite et/ou pour s'assurer qu'elle effectue les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui a été fixé n'a, par elle-même, pas pour effet de l'empêcher d'exercer un recours avec effet suspensif contre l'arrêté litigieux du 8 septembre 2019 dans le délai de rigueur de 15 jours à compter de sa notification à l'intéressée. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois prononcée à son encontre par le préfet de l'Hérault.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui se borne à prononcer l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois prononcée par le préfet, n'implique aucune mesure d'exécution. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B....

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 octobre 2019, en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français, et cette décision sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me B... une somme de 2 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, où siégeaient :

' M. d'Izarn de Villefort, président,

' M. A..., premier conseiller,

' Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.

N° 20MA01102 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01102
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-20;20ma01102 ?
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