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13/07/2021 | FRANCE | N°19MA02393

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 juillet 2021, 19MA02393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans l'instance n° 1700994, d'annuler le certificat d'urbanisme du 22 août 2016 par lequel le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, a déclaré non réalisable l'opération envisagée consistant en l'édification d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section AN n° 286, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

M. B... a également demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans l'instance

n° 1700995, d'annuler le certificat d'urbanisme du 22 août 2016 par lequel le mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans l'instance n° 1700994, d'annuler le certificat d'urbanisme du 22 août 2016 par lequel le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, a déclaré non réalisable l'opération envisagée consistant en l'édification d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section AN n° 286, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

M. B... a également demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans l'instance n° 1700995, d'annuler le certificat d'urbanisme du 22 août 2016 par lequel le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, a déclaré non réalisable l'opération envisagée consistant en l'édification d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section AN n° 287, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement nos 1700994, 1700995 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 mai 2019, le 29 août 2019 et le 2 avril 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2019 ;

2°) d'annuler les deux certificats d'urbanisme négatifs qui lui ont été délivrés le 22 août 2016 par le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux formés à leur encontre ;

3°) d'enjoindre au maire de Douzens de lui délivrer les deux certificats d'urbanisme positifs sollicités dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder à une nouvelle instruction de ses deux demandes de certificat d'urbanisme déposées le 11 juillet 2016, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Douzens la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'il formule des conclusions tendant à l'annulation du jugement contesté et invoque des moyens d'appel ;

- l'instruction de ses demandes de certificat d'urbanisme a été viciée dès lors que le service instructeur a été induit en erreur par le maire de Douzens, lequel s'est sciemment référé, de manière fallacieuse, à une alimentation en eau potable des projets à partir d'un tuyau qui serait présent sur la parcelle cadastrée section AN n° 18, laquelle n'est pas desservie en eau, alors qu'il n'a jamais sollicité un tel raccordement ;

- les certificats d'urbanisme positifs qui lui ont été délivrés en 2007 et 2010 ne sont pas sans incidence sur la légalité des certificats d'urbanisme négatif en litige ;

- il est disposé à prendre en charge le coût du branchement à la canalisation d'eau potable implantée à l'entrée du chemin de Régazel, depuis l'avenue des Corbières ;

- le motif fondant le caractère négatif des certificats d'urbanisme en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les opérations envisagées ne rendent pas nécessaire une extension du réseau public de distribution d'eau potable, ni des travaux de renforcement de la capacité de ce réseau ;

- le maire de Douzens, qui a détourné et abusé sciemment de ses pouvoirs, n'a pas agi au nom de l'Etat.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête et demande à la cour de procéder à la suppression de certains passages des écritures de M. B... en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte pas de conclusions d'appel ;

- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés ;

- les certificats d'urbanisme négatifs en litige auraient pu, pour des raisons de salubrité publique, être légalement fondés sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déposé, le 11 juillet 2016, deux demandes de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de l'édification d'une maison d'habitation respectivement sur les parcelles cadastrées section AN nos 286 et 287 situées chemin du Régazel à Douzens, commune dont le territoire est couvert par une carte communale approuvée en 2006. Le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, a, le 22 août 2016, délivré à l'intéressé deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisables les opérations ainsi envisagées. M. B... relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux certificats d'urbanisme négatifs, ainsi que des décisions implicites rejetant ses recours gracieux formés à leur encontre.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre :

2. La requête de M. B... doit, ainsi que l'intéressé l'a d'ailleurs confirmé dans son dernier mémoire, être regardée comme tendant notamment à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2019. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales doit être écartée.

Sur la légalité des certificats d'urbanisme négatifs en litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ". Il appartient à l'autorité compétente pour délivrer le certificat d'urbanisme d'apprécier si les équipements publics existants ou prévus susceptibles de desservir le terrain concerné permettent ou non la construction sur ce terrain. Si elle estime que tel n'est pas le cas, cette autorité peut, sous le contrôle du juge, déclarer que le terrain est inconstructible ou non utilisable pour cette opération, alors même qu'aucune règle d'urbanisme n'imposerait le refus de toute construction ou autorisation.

4. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau (...) sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ". L'article R. 111-8 du même code prévoit notamment que l'" alimentation en eau potable " doit être assurée " dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ". L'article R. 111-9 de ce code dispose que : " Lorsque le projet prévoit des bâtiments à usage d'habitation, ceux-ci doivent être desservis par un réseau de distribution d'eau potable sous pression raccordé aux réseaux publics ".

5. Pour délivrer les certificats d'urbanisme négatifs en litige sur le fondement des dispositions citées ci-dessus des articles L. 111-11 et R. 111-8 du code de l'urbanisme, le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, a estimé que les parcelles d'assiette des opérations envisagées par M. B... n'étaient pas desservies par un réseau d'eau potable de capacité suffisante et qu'un renforcement du réseau était nécessaire, avant de préciser que la commune n'avait pas l'intention d'effectuer les travaux de renforcement du réseau en cause dans un avenir proche.

6. Il n'est pas contesté que la desserte des deux maisons d'habitation envisagées par M. B... peut être assurée, à partir du réseau public de distribution d'eau potable situé au niveau de l'avenue des Corbières, au moyen d'une canalisation traversant des terrains privés grevés d'une servitude de passage instituée par voie judiciaire, sur le chemin du Régazel, au profit de l'intéressé. Si les certificats d'urbanisme constatent que ce réseau d'eau potable n'est pas d'une capacité suffisante et que la commune n'a pas l'intention d'effectuer le renforcement de ce réseau dans un avenir proche, la ministre intimée, à qui il appartient d'apporter la preuve du bien-fondé de ces mentions, ne fait état d'aucun élément technique probant de nature à établir que la canalisation existante présenterait, en raison notamment de son diamètre, une capacité insuffisante pour alimenter en eau potable deux logements supplémentaires par rapport à la cave coopérative, à la maison des ouvriers saisonniers et aux jardins potagers familiaux déjà desservis, alors, au surplus, que M. B... a, pour sa part, produit divers éléments dont une étude réalisée par un cabinet d'ingénierie témoignant que cette canalisation offre un diamètre d'au moins 40 mm et qu'elle peut alimenter jusqu'à huit maisons. Dans ces conditions, ni les mentions des précédents certificats d'urbanisme, relatifs au même tènement, délivrés à M. B... en 2007 et en 2010, ni la circonstance que la commune de Douzens aurait indiqué au service de l'Etat en charge de l'instruction des demandes évoquées au point 1 qu'elle n'avait pas l'intention d'effectuer des travaux de renforcement de la capacité du réseau d'eau potable, ne permettent de démontrer que les constructions dont M. B... envisage l'édification ne pourraient pas être alimentées en eau potable par le biais d'un simple branchement au réseau existant. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le maire de Douzens ne pouvait légalement lui opposer le motif énoncé au point précédent.

7. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité (...) publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

9. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales soutient, en se prévalant de ces dernières dispositions, que, compte tenu du risque élevé d'inondation identifié dans le secteur en cause par le plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Douzens, une modification de la capacité du réseau de distribution d'eau potable n'est pas souhaitable pour des raisons de salubrité publique. Il ne résulte pas de l'instruction, alors que la nécessité d'une telle modification n'est nullement établie ainsi qu'il a été dit précédemment, que les certificats d'urbanisme négatifs en litige auraient pu légalement être fondés sur un tel motif.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

11. Pour l'application de l'article L. 60041 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation des décisions attaquées.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

13. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment du rejet de la demande de substitution de motifs présentée par la ministre intimée, qu'un motif de droit ou une circonstance de fait pourrait faire obstacle à la délivrance des certificats d'urbanisme opérationnels sollicités le 11 juillet 2016 par M. B.... Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, de délivrer ces deux certificats d'urbanisme positifs dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

14. Les termes figurant dans les écritures de M. B... dont la suppression est demandée par la ministre intimée, pour regrettables qu'ils soient, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Douzens qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance relative à des décisions prises par son maire au nom de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2019 est annulé.

Article 2 : Les deux certificats d'urbanisme négatifs délivrés à M. B... le 22 août 2016 par le maire de Douzens, agissant au nom de l'Etat, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux de M. B..., sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Douzens de délivrer les certificats d'urbanisme positifs sollicités par M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aude et à la commune de Douzens.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Simon, présidente assesseure,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

2

N° 19MA02393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02393
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Règlement national d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : TREVES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-13;19ma02393 ?
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