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08/07/2021 | FRANCE | N°17MA00505

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 juillet 2021, 17MA00505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'ordonner une expertise et de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 197 037,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010.

Par un jugement n° 1400353 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser la somme de 21 400 euros à M. B....

Procédure devant la cou

r :

Par un arrêt avant dire droit n° 17MA00505 du 17 janvier 2019, la cour, statuant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'ordonner une expertise et de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 197 037,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010.

Par un jugement n° 1400353 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser la somme de 21 400 euros à M. B....

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant dire droit n° 17MA00505 du 17 janvier 2019, la cour, statuant sur l'appel formé par M. B... tendant à la réformation de ce jugement du 1er décembre 2016 en ce qu'il fixe à la somme de 21 400 euros le montant de l'indemnité allouée par le tribunal administratif de Bastia, a ordonné une expertise en vue, d'une part, de déterminer si l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier de Bastia le 15 mars 2010 était indiquée et si elle a été à l'origine d'une lésion résultant d'une faute au cours du geste chirurgical, d'autre part, si M. B... a bénéficié d'une information portant sur les risques de cette intervention et si les séquelles de la victime trouvent leur origine dans un aléa thérapeutique, et, enfin, d'évaluer son déficit fonctionnel permanent et les préjudices qu'il conserve de sa prise en charge médicale au centre hospitalier de Bastia.

Le rapport d'expertise a été déposé le 7 avril 2021 au greffe de la cour.

Par des mémoires enregistrés les 14 avril et 31 mai 2021, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité allouée en réparation de ses préjudices à la somme de 21 400 euros, et de porter ce montant à la somme de 1 328 644,41 euros ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ressort clairement du rapport d'expertise du docteur Alliez qu'au moins deux erreurs techniques ont été commises au cours de l'intervention du 15 mars 2010, et qui ne sont pas à l'origine d'une simple perte de chance mais de l'ensemble de ses séquelles ;

- à titre subsidiaire, le manquement des médecins à leur devoir d'information lui a fait perdre une chance de se soustraire au geste chirurgical et à la paralysie qu'il en a conservée ;

- les frais d'assistance par un médecin-conseil, qui s'élèvent à la somme totale de 3 300 euros, devront lui être intégralement remboursés ;

- il est en droit de prétendre à une somme de 17 310 euros au titre de l'assistance par une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne ;

- il subit une perte de gains professionnels qu'il y a lieu d'évaluer, avant la consolidation de son état de santé, à la somme de 6 654,55 euros ;

- il devra exposer, à l'avenir, une somme de 3 494,88 euros pour bénéficier de séances de podologie ;

- il est fondé à demander, après capitalisation, la somme de 28 762,86 euros au titre des frais qu'il exposera pour conduire un véhicule adapté à son état de santé ;

- il y a lieu de porter le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance future par une tierce personne, une fois capitalisée, à 1 394,95 euros ;

- ses pertes de gains professionnels s'élèvent, après déduction des indemnités journalières de sécurité sociale, à 281 796,94 euros pour la période courant de la consolidation de son état de santé à l'année 2021 ;

- il y a lieu de capitaliser la rente qu'il est fondé à percevoir au titre de ses pertes de gains professionnels à compter de l'année 2022, et de lui allouer en conséquence la somme de 749 154,02 euros ;

- il sera fait une juste réparation de son incidence professionnelle en lui allouant la somme de 50 000 euros ;

- il subira une diminution de ses droits à pension de retraite, qui doit être évaluée à la somme de 75 780,42 euros ;

- il est fondé à demander la somme de 3 425 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- ses souffrances, évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 par l'expert, devront être indemnisées à hauteur de 15 000 euros ;

- il subit un préjudice esthétique temporaire qu'il y a lieu d'évaluer à 3 500 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent, évalué à 36 %, lui ouvre droit au versement d'une somme de 126 000 euros ;

- il y a lieu de lui verser des sommes de 10 000 euros en réparation de ses préjudices esthétique permanent, sexuel et d'agrément ;

- il a subi un préjudice moral résultant de ce qu'il n'a pu, faute d'avoir reçu une information complète sur les risques associés à l'intervention chirurgicale subie, se préparer à l'échec de cette chirurgie, au titre duquel il est fondé à percevoir la somme de 10 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 17 mai et 9 juin 2021, le centre hospitalier de Bastia et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- l'expertise du docteur Alliez est irrégulière en ce que ses dires à expert n'ont pas été reproduits dans le rapport ;

- l'expert, qui n'a pas expressément relevé de manquement au cours du geste chirurgical, s'est borné à constater l'existence d'une paralysie pour en déduire l'existence d'une faute ;

- à titre subsidiaire, seule une perte de chance pourrait être imputée à une éventuelle faute médicale commise au cours de l'intervention du 15 mars 2010 ;

- les préjudices invoqués ne sont pas établis ou bien sont surévalués.

Par un mémoire enregistré le 25 mai 2021, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des accidents iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me F..., conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir qu'au regard des conclusions de l'expert désigné par la cour, la réparation des préjudices de M. B... ne saurait être mise à la charge de la solidarité nationale.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels, de ses pertes de droits à pension de retraite, de son préjudice esthétique temporaire et de son préjudice moral, en ce qu'elles excèdent le montant de l'indemnité demandée en première instance, dès lors que ces chefs de préjudice, invoqués pour la première fois en appel, ne se sont pas aggravés ou révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement attaqué.

Une réponse à cette mesure d'information, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 10 juin 2021.

Vu :

- les ordonnances de la présidente de la cour des 7 février 2019 et 20 mai 2020 désignant, respectivement, le docteur Alliez en qualité d'expert et le docteur Filippi en qualité de sapiteur ;

- l'ordonnance de la présidente de la cour du 2 juin 2021, taxant et liquidant aux sommes de 2 280 euros et 600 euros les frais de l'expertise ;

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me G..., pour le centre hospitalier de Bastia et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... demande à la cour de réformer le jugement du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il limite le montant de l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Bastia, en réparation des préjudices ayant résulté d'une intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010, à la somme de 21 400 euros, et de porter cette indemnité à la somme de 1 328 644,41 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'examen scanographique du 16 mars 2010, dont le docteur Paquis n'a d'ailleurs fait état que dans les commémoratifs de son rapport, est demeuré sans influence sur la réponse aux questions qui lui ont été posées par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia qui l'a désigné en qualité d'expert.

4. En second lieu, en vertu du 2ème alinéa de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport de l'expert.

5. Le médecin-conseil de M. B... ayant adressé ses observations au docteur Paquis par courriers des 10 juin et 13 décembre 2013, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise le 5 mars 2013, M. B... ne peut utilement soutenir que l'expertise serait irrégulière faute pour l'expert d'avoir consigné ces observations en application des dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est irrégulier pour être fondé sur un rapport d'expertise établi de manière irrégulière.

Sur la régularité des opérations d'expertise devant la cour :

7. Le rapport d'expertise du docteur Alliez fait mention, notamment, du dire établi le 18 mars 2021 par le médecin-conseil du centre hospitalier de Bastia en réponse au pré-rapport. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, ni les dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, ni aucun autre texte ou principe général du droit n'imposaient à l'expert de répondre aux observations que lui avaient adressées les parties sur ce pré-rapport. Par suite, le centre hospitalier de Bastia n'est pas fondé à soutenir que les opérations d'expertise seraient irrégulières.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute médicale :

8. Aux termes du 2ème alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. "

9. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Alliez, que si l'arthrodèse L4/L5 pratiquée le 15 mars 2010 sur M. B... était justifiée, le choix de procéder au préalable à un démontage de l'arthrodèse L5/S1 déjà installée exposait M. B... au risque, qui s'est d'ailleurs réalisé, d'une déstabilisation et d'une compression de la racine S1. En outre, alors que M. B... présentait plusieurs fibroses et ossifications du rachis en raison des nombreux gestes chirurgicaux dont il avait déjà bénéficié sur le même foyer opératoire, les chirurgiens n'ont pas veillé à s'assurer une visibilité sur la racine L5 gauche au cours de l'intervention afin de vérifier qu'elle ne serait exposée à aucune lésion. Ces manquements aux règles de l'art, qui sont à l'origine des lésions nerveuses dont découle la paralysie complète des nerfs sciatiques poplité interne et externe gauche que M. B... présente depuis cette intervention, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Bastia.

En ce qui concerne le manquement au devoir d'information :

10. Il résulte des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération.

11. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait été informé, avant l'intervention chirurgicale subie le 15 mars 2010, des risques liés au geste opératoire et en particulier de celui d'une lésion des racines nerveuses spinales, les experts mentionnant d'ailleurs qu'aucune trace d'un consentement éclairé n'a pu être retrouvée dans le dossier médical du patient. Toutefois, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait conservé d'autres séquelles que sa paralysie de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2010, et alors que les manquements relevés au point 7 engagent la responsabilité du centre hospitalier de Bastia à indemniser la victime de ses entiers préjudices en lien avec cette paralysie, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur l'existence et l'ampleur de la perte de chance de M. B... de se soustraire aux risques associés au geste chirurgical.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'outre la somme de 600 euros exposée au cours des opérations d'expertise antérieures au jugement attaqué, M. B... a exposé la somme de 2 700 euros pour se faire assister lors des opérations d'expertise qui se sont déroulées devant la cour. Il convient dès lors de porter le montant de l'indemnité de 600 euros allouée à ce titre par les premiers juges à 3 300 euros.

13. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... sera contraint d'exposer des frais pour bénéficier des soins en podologie mentionnés dans le rapport d'expertise, eu égard notamment à la circonstance qu'ils résultent d'une affection de longue durée entièrement prise en charge par la sécurité sociale.

14. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, compte tenu de son handicap, M. B... ne peut conduire son véhicule sans un aménagement spécifique dont le coût est justifié à hauteur de 5 650 euros par des devis du 4 mai 2021. Le requérant étant âgé de 52 ans à cette date, il y a lieu de retenir un coefficient de capitalisation de 29,143, par référence aux tables de mortalité 2020 publiées dans la gazette du palais, ainsi qu'une base de renouvellement septennale de cet équipement, et d'allouer à M. B... la somme de 23 522,48 euros.

15. En quatrième lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'entre le 30 mars 2010, date de sa sortie du centre hospitalier de Bastia, et le 31 mai 2010, M. B... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie courante à hauteur de deux heures et trente minutes par jour, puis d'une heure et trente minutes par jour jusqu'au 14 octobre 2011, veille de la consolidation de son état de santé. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une assistance adaptée à l'état de santé de M. B... consécutif à l'accident médical non fautif s'élèverait à un coût supérieur à celui résultant de l'application d'un taux horaire de 13 euros, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de ces périodes, augmenté des charges sociales, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 31331 du code du travail. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne non spécialisée doivent ainsi être évalués à la somme de 13 338,64 euros, qui doit lui être intégralement allouée dès lors que, par l'attestation suffisamment précise qu'il a produite, l'intéressé doit être regardé comme apportant la preuve qu'il n'a perçu aucune prestation de compensation du handicap qui serait susceptible de venir en déduction des indemnités couvrant les frais d'assistance par tierce personne au cours de ces périodes.

17. L'expert a estimé à une heure par semaine le quantum de l'assistance par une tierce personne à compter de la consolidation de son état de santé, afin d'accompagner l'intéressé dans ses déplacements de longue durée et de l'assister dans ses démarches administratives. Toutefois, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il ne serait pas en mesure d'accomplir seul de telles démarches, il n'y a lieu d'indemniser le requérant d'une assistance par tierce personne qu'à hauteur d'une demi-heure par semaine, ainsi d'ailleurs que cela est mentionné dans les conclusions du rapport. En retenant un taux horaire de 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017, puis de 14 euros jusqu'au 31 décembre 2020, puis de 15 euros à compter de cette date, il sera fait une exacte indemnisation du préjudice de M. B... jusqu'à la date du présent arrêt en lui allouant la somme de 4 265,45 euros.

18. A compter de cette date, le montant annuel des frais d'assistance par une tierce personne s'élèvera à la somme de 441,43 euros. Il y a lieu de capitaliser cette somme par application du coefficient de 29,143, issu des tables de mortalité 2020 publiées à la gazette du palais, correspondant à la rente versée à un homme de 52 ans, soit l'âge de M. B... à la date du présent arrêt. Dès lors, le préjudice subi par M. B... à ce titre à compter de la date de lecture du présent arrêt s'élève à la somme de 12 864,59 euros.

19. En cinquième lieu, il appartient à la cour de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par M. B... en raison des fautes commises par le centre hospitalier de Bastia a entraîné des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement de prestations de sécurité sociale. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices sont réparés par ces prestations, il y a lieu de regarder ce versement comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au montant des prestations.

20. En ce qui concerne les pertes de gains professionnels actuels, il résulte de l'instruction qu'au cours des deux mois qui ont précédé son intervention chirurgicale, M. B... était placé en arrêt de travail et qu'il n'aurait pu, même en l'absence de faute, reprendre son activité de paysagiste immédiatement après son hospitalisation. Eu égard aux pièces versées à l'instruction, il y a lieu d'estimer le revenu mensuel net auquel il aurait pu prétendre, en l'absence de faute, à la somme de 3 253,50 euros, soit 52 056 euros avant la date de consolidation de son état de santé intervenue le 15 octobre 2015. Il convient toutefois de déduire de ce montant global celui de indemnités journalières de sécurité sociale perçues sur la même période, soit 49 596,75 euros. Dans ces conditions, les pertes de gains professionnels actuelles de M. B... se sont élevées à la somme de 2 459,25 euros.

21. En ce qui concerne les pertes de gains professionnels futurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... peut exercer une activité professionnelle rémunérée au SMIC sous réserve d'occuper un poste adapté à son état de santé. Il y a lieu, dès lors, d'évaluer son préjudice financier jusqu'au mois de mai 2014, à compter duquel se sont définitivement avérées vaines ses tentatives de reprendre son activité de paysagiste, sans déduire de revenu de remplacement mais uniquement les indemnités journalières de sécurité sociale perçues par le requérant au cours de cette période, et en retenant un salaire mensuel net de 3 253,50 euros jusqu'en 2013, de 3 346,20 euros à compter du mois de janvier 2014, puis de 4 542,32 euros à compter du mois d'avril 2014, soit un préjudice de 8 375,53 euros. Pour déterminer le montant de son préjudice financier subi ensuite jusqu'à la date du présent arrêt, il y a lieu, cette fois, en l'absence de preuve des recherches que M. B... auraient effectuées afin de retrouver un emploi adapté à son état de santé, de déduire des revenus qu'il aurait pu percevoir de son activité de paysagiste, non seulement les indemnités journalières de sécurité sociale perçues puis la rente d'invalidité servie par la Mutualité sociale agricole (MSA) Corse, mais également le montant du SMIC net, qui s'est élevé aux sommes de 1 128 euros, 1 136 euros, 1 141 euros, 1 151 euros et 1 173 euros, respectivement pour les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, puis, à compter du mois d'octobre de cette année, le montant des revenus de remplacement qu'il a tirés d'une activité salariée à temps partiel rémunérée 404,22 euros par mois, soit un préjudice financier de 197 695,44 euros. Il en résulte que les pertes de gains professionnels futurs de M. B... jusqu'à la date de lecture du présent arrêt s'élèvent à la somme totale de 206 070,97 euros.

22. Enfin, à compter de la date du présent arrêt, le montant annuel des pertes de gains professionnels futurs de M. B... s'élèvera à la différence entre, d'une part, le salaire mensuel net qu'il aurait pu percevoir, soit 4 542,32 euros, et, d'autre part, son revenu de remplacement mensuel, soit 404,22 euros, et de la rente d'invalidité qu'il perçoit, d'un montant mensuel de 597,30 euros, soit un préjudice annuel de 42 370,14 euros. Il y a lieu de capitaliser cette somme sur une durée de 14 années, qui séparent M. B..., à la date du présent arrêt, de la date à compter de laquelle il pourra prétendre à une retraite à taux plein. Dès lors, le préjudice subi par M. B... à ce titre à compter de la date de lecture du présent arrêt s'élève à la somme de 593 181,96 euros.

23. En sixième lieu, il résulte encore de l'instruction que compte tenu de sa paralysie, M. B..., âgé de quarante-trois ans à la date de consolidation de son état de santé, n'est plus en mesure d'occuper l'emploi de paysagiste qu'il exerçait avant l'intervention chirurgicale du 15 mars 2010 et devra restreindre ses recherches à des emplois adaptés à son état de santé. Il subira, en outre, une pénibilité du travail accrue. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer son préjudice d'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros.

24. En dernier lieu, M. B... établit, sur la base de simulations de droits à la retraite suffisamment probantes, qu'il subira une diminution de ses droits à la retraite évaluée à 1 776 euros mensuels. Il y a lieu de capitaliser cette somme par application du coefficient de 17,275, issu des tables de mortalité 2020 publiées à la gazette du palais, correspondant à la rente versée à un homme de 67 ans, soit l'âge qu'aura atteint M. B... au moment de son départ à la retraite, soit 30 680,40 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

25. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total lorsqu'il était hospitalisé au centre hospitalier de Bastia, puis un déficit fonctionnel évalué à 75 % jusqu'au 31 mai 2010, puis à 50 % jusqu'au 15 octobre 2011. En tenant compte des périodes d'hospitalisation et convalescences que la victime aurait subies même en l'absence de faute, il sera fait une juste indemnisation de ce préjudice en allouant à la victime la somme de 4 500 euros.

26. En deuxième lieu, il sera fait une juste indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par le requérant, estimées à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7, en fixant le montant de leur réparation à la somme de 5 000 euros.

27. En troisième lieu, M. B... subit un préjudice esthétique, temporaire puis définitif, estimé, au vu du rapport d'expertise, à 1,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Il y a lieu de fixer l'indemnité allouée à ce titre à la somme de 1 500 euros.

28. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... présente depuis la date de consolidation de son état de santé, acquise alors qu'il était âgé de quarante-trois ans, un déficit fonctionnel permanent de 36 %. Il est fondé à demander le versement d'une somme de 65 000 euros en réparation de ce préjudice.

29. En cinquième lieu, si le docteur Paquis a indiqué dans son rapport que M. B... présentait de " discrets troubles érectiles ", aucun des autres avis médicaux, en particulier le rapport du docteur Alliez, ne mentionne de préjudice sexuel. Dans ces conditions, M. B... n'est fondé à obtenir aucune indemnité à ce titre.

30. En sixième lieu, il sera fait une juste indemnisation du préjudice d'agrément de M. B..., résultant de ce qu'il ne peut plus pratiquer les activités sportives de loisirs auxquelles il s'adonnait avant son accident, notamment le vélo et la course à pied, en lui allouant la somme de 5 000 euros.

31. En dernier lieu, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques encourus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

32. Il sera fait une juste réparation du préjudice d'impréparation de M. B... résultant de ce qu'il n'a pu se préparer psychologiquement au risque que surviennent les séquelles résultant de son accident médical en fixant le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme de 5 000 euros.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des indemnités auxquelles pourrait prétendre M. B... en réparation des divers préjudices ayant résulté de l'intervention qu'il a subie le 15 mars 2010 s'élève à la somme de 1 015 683,74 euros.

34. Toutefois, il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

35. Si les frais de médecin-conseil exposés au cours des opérations d'expertise en appel, les dépenses de santé futures et les frais d'adaptation du véhicule, mentionnés pour la première fois dans le rapport du docteur Alliez, et l'étendue réelle du déficit fonctionnel de M. B..., réévalué de 20 % à 36 % par cet expert, se sont révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement attaqué, il n'en va pas de même des pertes de gains professionnels, de la diminution des droits à pension, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice moral que M. B... invoque pour la première fois en appel. En ce qu'elles excèdent la somme demandée en première instance, soit 197 637,80 euros, ces conclusions sont donc irrecevables.

36. Dans ces conditions, le montant de la condamnation laissée à la charge du centre hospitalier de Bastia ne saurait excéder ce total de 197 637,80 euros, augmenté des indemnités allouées par le présent arrêt au titre des frais de médecin conseil, des frais d'adaptation du véhicule et du déficit fonctionnel permanent, en ce qu'elles excèdent le montant des sommes demandées en première instance à ce même titre, soit des sommes respectives de 2 700 euros, 23 522,48 euros et 15 000 euros. Il s'ensuit que M. B... est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnité allouée par le tribunal administratif de Bastia soit porté à la somme de 238 860,28 euros.

Sur les frais liés au litige :

38. En premier lieu, il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia les frais de l'expertise du docteur Alliez et de son sapiteur, le docteur Filippi, taxés et liquidés aux sommes de 2 280 euros et 600 euros par l'ordonnance susvisée de la présidente de la cour du 2 juin 2021.

39. En second lieu, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 21 400 euros que le centre hospitalier de Bastia a été condamné à verser à M. B... par le jugement n° 1400353 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Bastia est portée à 238 860,28 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1400353 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés à la somme de 2 880 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia.

Article 4 : Le centre hospitalier de Bastia versera à M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse, au centre hospitalier de Bastia, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie pour information sera adressée aux docteurs Alliez et Filippi.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. D..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

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N° 17MA00505

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