Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1906868 en date du 28 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2020, Mme E... épouse A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation en lui délivrant un récépissé sous quarante-huit heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en subordonnant la délivrance du titre de séjour à la production du visa long séjour prévu par l'article 4 de la convention franco-gabonaise et l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault s'est cru en situation de compétence liée ;
- il viole l'article 215 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse A..., de nationalité gabonaise, née le 16 août 1970, est entrée en France le 5 juillet 2015 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour valable jusqu'au 5 août 2015. Le 30 juillet 2019, l'intéressée a demandé au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée familiale ". Elle relève appel du jugement du 28 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2019 du préfet de l'Hérault lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants français à l'entrée sur le territoire gabonais et les ressortissants gabonais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis, outre des pièces mentionnées à l'article 1er ci-dessus et notamment du visa de long séjour, des justificatifs prévus aux articles 5 à 8 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Selon l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 3111. (...) ".
3. Comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, le préfet de l'Hérault, après avoir constaté que l'intéressée ne disposait pas du visa de long séjour requis par les stipulations et dispositions citées au point précédent pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire et qu'elle ne pouvait pas non plus bénéficier d'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, a recherché s'il y avait lieu, eu égard aux éléments en sa possession, de régulariser sa situation et a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour délivrer à Mme E... un titre de séjour. Ainsi, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault se serait senti lié par l'absence de visa long séjour pour rejeter la demande de l'intéressée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée régulièrement en France le 5 juillet 2015 et qu'elle a épousé le 3 novembre 2018 un ressortissant turc titulaire d'une carte de résident depuis 1997 et valable jusqu'au 15 avril 2027. Si la requérante soutient résider en France de façon continue depuis 2015, elle ne démontre pas, par les pièces disparates qu'elle produit, essentiellement constituées de correspondance d'organismes sociaux et de documents médicaux, qu'elle aurait établi sa résidence habituelle en France depuis cette date. La circonstance qu'elle dispose avec son époux d'un domicile conforme aux dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, pour lequel elle produit certaines factures d'électricité, n'est pas une condition suffisante pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit. Par ailleurs, son mariage récent ne saurait suffire à démontrer que la requérante est bien intégrée en France, ni qu'elle y a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans et que y résident notamment ses six enfants dont certains mineurs. Mme E... ne justifie ainsi pas suffisamment avoir durablement fixé sur le territoire français le centre de sa vie personnelle et familiale ni l'existence de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, les moyens invoqués tirés de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des dispositions de l'article L. 313 11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
6. Si le premier alinéa de l'article 215 du code civil prévoit que : " Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ", ces dispositions ne créent d'obligations qu'entre les époux et sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 29 novembre 2019. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée dans les conditions de l'aide juridictionnelle au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente de chambre,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.
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N° 20MA03948
mtr