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01/07/2021 | FRANCE | N°20MA00415

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 01 juillet 2021, 20MA00415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1800385 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2020, et des mémoires complémen

taires enregistrés les 30 juin 2020, 13 octobre 2020 et 13 novembre 2020, M. H..., représenté par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1800385 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2020, et des mémoires complémentaires enregistrés les 30 juin 2020, 13 octobre 2020 et 13 novembre 2020, M. H..., représenté par la Selas C'M'I... agissant par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 35-I 1° du code général des impôts ; à cet égard, le tribunal confond, ou du moins ne distingue pas, l'activité commerciale de marchand de biens immobiliers de celle de promotion immobilière ; il conclut à l'existence d'une opération de promotion immobilière sans pour autant viser les dispositions de l'article 35-I, 1° bis du code précité ;

- contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, l'administration a imposé à tort la quote-part du résultat fiscal de 1'exercice clos le 1er juillet 2015 lui revenant en sa qualité d'associé, correspondant à la plus-value réalisée par la société civile immobilière (SCI) La Lègue lors de la cession du 31 mars 2015 des parcelles de terrains en litige, alors que cette opération n'entre pas dans le champ de cet article, faute en particulier de remplir la condition d'habitude ; en effet, cette dernière a été mal caractérisée par le tribunal dès lors qu'elle s'apprécie en fonction du nombre, de la nature, de la fréquence et de l'importance des opérations ;

- à titre accessoire, le tribunal a dénaturé les faits en indiquant que la SCI La Lègue aurait acheté les deux terrains à bâtir le 13 juillet 1978 et le 12 juin 1981 " en prenant l'engagement de les viabiliser " alors qu'elle a seulement pris l'engagement d'y construire des villas dans un délai de quatre ans ;

- le tribunal administratif aurait dû relever d'office le moyen d'ordre public selon lequel les associés ne pouvaient pas être personnellement imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2015 à raison de la quote-part de leur participation au capital de cette SCI assujettie à l'impôt sur les sociétés ; en effet, son raisonnement l'ayant conduit à considérer que la SCI La Lègue se livrait au cours de l'exercice clos le 1er juillet 2015 à des opérations visées à l'article 35 du code général des impôts alors qu'il relevait par ailleurs que cette SCI avait un objet social commercial de lotisseur duquel il se déduisait que la société n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 239 ter de ce code, il aurait nécessairement dû en conclure que la SCI précitée était soumise à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions du 2 de l'article 206 du même code ; cette position est confirmée par la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10 n° 10, du 12 septembre 2012 ;

- la Cour statuant à nouveau sur les moyens présentés en première instance par voie d'évocation ou par l'effet dévolutif de l'appel, il entend se référer à ses observations produites devant le tribunal administratif, en apportant les précisions suivantes ;

- premièrement, la condition d'habitude à laquelle est subordonnée l'application de l'article 35-I 1° du code général des impôts n'est pas remplie ;

- deuxièmement, la SCI La Lègue ne peut pas davantage être regardée comme s'étant livrée à une activité de promotion immobilière ou de lotissement ;

- troisièmement, la circonstance que la SCI La Lègue a souscrit des déclarations de résultats selon le formulaire n° 2031 propre aux personnes soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n'a aucune incidence sur la nature de l'activité effectivement exercée par cette société ;

- quatrièmement, la SCI La Lègue ne s'étant jamais livrée à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du code général des impôts, la plus-value réalisée en 2015 lors de la revente des terrains à bâtir était soumise au régime des plus-values immobilières des particuliers conformément à l'article 150 U, I de ce code ; en outre, les terrains à bâtir ayant été détenus pendant plus de trente ans au moment de leur revente en 2015, la quote-part de plus-value revenant à M. H... était exonérée par l'effet de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150 VC du même code ;

- enfin, la substitution de base légale sollicitée par l'administration n'est pas fondée dès lors en particulier que la société La Lègue est en cours de liquidation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin 2020, 25 septembre 2020 et 14 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de M. H....

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, si la Cour retenait l'imposition de la SCI La Lègue à l'impôt sur les sociétés, il sollicite une substitution de base légale, les impositions supplémentaires en litige pouvant être maintenues, au titre des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des articles 109-1 et 161 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me C... pour M. H... et celles de M. D..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) La Lègue a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 1er juillet 2015, en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée. A la suite de ce contrôle, l'administration a estimé que la revente, le 31 mars 2015, de deux terrains à bâtir, acquis le 13 juillet 1978 et le 12 juin 1981, constituait une opération commerciale assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Concomitamment, les revenus déclarés des associés de la SCI La Lègue ont fait l'objet d'un contrôle à l'issue duquel l'administration a remis en cause l'absence de déclaration de la quote-part des bénéfices industriels et commerciaux de la SCI, tels qu'ils ressortaient de la déclaration déposée par cette société au titre de l'exercice clos le 1er juillet 2015, et assujetti en conséquence chacun des associés à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu. M. H..., associé de la SCI La Lègue, relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2015.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. Aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. (...) ".

3. L'activité de marchand de biens, regardée comme une activité commerciale en application de ces dispositions, est subordonnée à la double condition que les opérations d'achat en vue de la revente procèdent d'une intention spéculative et qu'elles présentent un caractère habituel.

4. D'une part, la condition d'intention spéculative doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus, et non à la date de leur cession.

5. Il résulte de l'instruction que la SCI La Lègue a pour objet social, aux termes de l'article 2 de ses statuts : " l'acquisition d'un terrain sis à CARPENTRAS, la division de ce terrain en parcelles viabilisées en vue d'effectuer un lotissement, la vente en totalité ou par lots des parcelles ainsi viabilisées, accessoirement la location d'immeubles ou fractions d'immeubles, et généralement toutes opérations mobilières, immobilières et financières se rattachant directement ou indirectement à l'objet social pourvu qu'elles ne modifient en rien le caractère civil de la société ". La société précitée a procédé à l'acquisition de deux terrains à bâtir le 13 juillet 1978 et le 12 juin 1981 en prenant l'engagement de les viabiliser et d'y construire des villas dans un délai de quatre ans. Par la suite, ses décisions de gestion, consistant à inscrire comptablement les terrains en stocks, à porter la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les actes d'acquisition, à vendre le 3 août 2004 la parcelle cadastrée section CD n° 444 pour un montant de 140 000 euros inscrit dans les produits du compte de résultat au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2004, à louer une autre partie du terrain puis à solliciter un permis d'aménagement obtenu le 26 janvier 2012, confirment que la société avait entendu valoriser les terrains avant de les revendre. Ainsi, l'intention spéculative des associés est établie à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et n'est pas remise en cause par les circonstances que la revente des parcelles est intervenue après plus de trente ans de détention dans le cadre d'une vente à un acheteur unique et que cette vente procèderait d'un désaccord entre associés pour réaliser le programme de constructions de villas initialement envisagé.

6. D'autre part, et en revanche, la condition d'habitude à laquelle est subordonnée l'application des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts, s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. Elle doit également être réputée remplie lorsque les associés qui jouent un rôle prépondérant ou bénéficient principalement des activités de la société sont des personnes qui se livrent elles-mêmes, de façon habituelle, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles, la société étant l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts.

7. En l'espèce, si par acte notarié du 3 août 2004, la SCI La Lègue, a vendu, après l'avoir louée d'octobre 2002 à décembre 2003, la parcelle cadastrée section CD n° 444 comprenant une maison d'habitation, à la SCI Les Sablières pour un montant de 140 000 euros, une telle transaction est demeurée isolée. Si le ministre se prévaut ensuite de la qualité de certains des actionnaires de la SCI La Lègue, dont M. F... H..., détenant 50 % des parts en usufruit, qui est dirigeant ou associé de sociétés de construction-vente, M. B... H..., titulaire de 25 % des parts en nue-propriété, qui est promoteur immobilier et M. A... H..., disposant de 25 % des parts en nue-propriété, et dirigeant la société de construction-vente bénéficiaire de la vente litigieuse et ayant pour projet de réaliser 88 lots d'habitation pour les revendre, il ne résulte pas de l'instruction que ces associés se seraient livrés à titre habituel, que ce soit au travers des sociétés précitées ou personnellement, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles, visées aux dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, et caractérisant l'activité de marchand de biens. Enfin, la double circonstance que l'objet social de la SCI La Lègue figurant dans ses statuts ait un caractère commercial et qu'elle ait régulièrement souscrit, au titre de son activité, des déclarations de résultat professionnel annuelles selon le régime du réel normal, en dernier lieu d'un montant de 2 857 099 euros au titre de la période relative à la cession des terrains à bâtir, ne suffit pas à caractériser cette condition d'habitude. Par suite, la condition d'habitude posée par les dispositions précitées au point 2 ne peut être réputée remplie et la vente des terrains à bâtir, réalisée le 31 mars 2015, ne peut être regardée comme une opération commerciale de marchand de biens au sens des dispositions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts. Il s'ensuit que M. H... est fondé à soutenir que les bénéfices en résultant n'étaient pas imposables entre ses mains à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ou les autres moyens de la requête, ni de statuer sur la substitution de base légale sollicitée par le ministre dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'imposition de bénéfices industriels et commerciaux de la SCI La Lègue à l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est pas en l'espèce le cas, que M. H... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il est, par suite, fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. H... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800385 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : M. H... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Article 3 : L'Etat versera à M. H... la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme G..., présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2021.

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N° 20MA00415

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00415
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-01;20ma00415 ?
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