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25/06/2021 | FRANCE | N°19MA03393

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 25 juin 2021, 19MA03393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Mayer a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 15 décembre 2016 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime et lui a enjoint de démolir tous les ouvrages faisant l'objet de la demande en cause et de remettre les lieux dans leur état naturel.

Par un jugement n° 1702301 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 juillet 2019 et le 30 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Mayer a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 15 décembre 2016 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime et lui a enjoint de démolir tous les ouvrages faisant l'objet de la demande en cause et de remettre les lieux dans leur état naturel.

Par un jugement n° 1702301 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 juillet 2019 et le 30 octobre 2019, la SCI Mayer, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle entend reprendre l'ensemble des conclusions et moyens développés devant le tribunal ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision querellée a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est irrégulière dès lors que l'administration a exigé, dans le cadre de l'instruction de la demande, le paiement de sommes qu'elle savait ne pas être dues ;

- la décision querellée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne prend pas en compte les conséquences environnementales de la démolition exigée, ni les incidences de cette démolition sur la faune marine, ni encore le risque de voir cette démolition fragiliser la stabilité de l'infrastructure portuaire que constitue la digue ;

- elle n'est pas à l'origine de la construction des ouvrages en cause et n'en assure pas la garde ;

- elle n'en a pas l'usage exclusif ;

- il appartenait au préfet d'ordonner la remise des lieux en l'état initial au précédent bénéficiaire de l'autorisation d'occupation temporaire de ces lieux ainsi que le permettait les dispositions de cette autorisation ;

- elle n'a elle-même pas été l'objet d'une procédure de contravention de grande voirie à raison de cette occupation des lieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2021, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête.

Elles font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI Mayer.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Mayer a acquis, en date du 17 septembre 2007, une villa dénommée " Anciada " sur la commune d'Eze-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes. Elle a sollicité le 17 mai 2016 auprès des services du préfet une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour une superficie totale de 101,85 m², composée, d'une part, d'une plate-forme en béton dallée d'une emprise de 98,53 m² sur laquelle sont implantés trois bollards et un plongeoir, d'autre part, d'une rampe double d'escaliers aménagée en bordure de plate-forme, d'une emprise de 3,32 m², ces installations étant situées au droit de la villa, en contrebas au niveau de la mer. Par décision du 15 décembre 2016, le préfet a rejeté cette demande et a enjoint à la Sci Mayer de démolir tous les ouvrages faisant l'objet de la demande en cause et de remettre les lieux dans leur état naturel. La société relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que, pour demander l'annulation de la décision du 15 décembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes, la SCI Mayer a notamment relevé, au soutien de son moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée, que celle-ci faisait état de ce que " plusieurs services de l'Etat " auraient examiné le dossier de demande et qu'il en serait " ressorti un avis défavorable ", sans que le contenu de cet avis ni son origine ne soient indiqués, ni même que l'existence de cet avis soit établi, et a soutenu en conséquence que cette décision était illégale dès lors qu'elle procédait d'une motivation par référence. Toutefois, il ressort des énonciations de cet acte que le préfet a expressément indiqué les considérations de droit et de fait qui fondent le refus qu'il a opposé à la demande présentée par la société et n'a fait que mentionner les consultations internes qu'il a effectuées pour éclairer sa décision. A cet égard, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne faisait obligation au préfet de faire état, dans la décision querellée, de la nature et du résultat de ces consultations. Le moyen tiré de ce que la décision du 15 décembre 2016 comportait une motivation par référence était donc inopérant et le tribunal n'était pas tenu d'y répondre. En s'abstenant de le faire, les premiers juges n'ont donc pas entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 15 décembre 2016 en tant qu'elle porte refus d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime :

3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée doit être écartée par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, particulièrement de l'annexe du procès-verbal de transfert à la commune d'Eze des installations du port de plaisance dans le cadre de l'opération de mise à disposition par l'Etat du domaine public maritime et du plan de délimitation de ces installations, que le périmètre administratif de ce port n'inclut que la digue située à l'ouest ainsi que les enrochements qui la borde. La plateforme en cause, qui se trouve au-delà de cette limite et qui ne constitue pas, en tout état de cause, un soutien nécessaire à cette digue ni une extension fonctionnelle, ne saurait dès lors être regardée comme un ouvrage intégré aux installations portuaires. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que seul le maire de la commune d'Eze, en sa qualité de gestionnaire de ces installations, était compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime présenté par la SCI Mayer.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'un agent de la direction départementale des territoires et de la mer a établi, en date du 5 octobre 2012, un constat d'occupation irrégulière du domaine public maritime situé au droit de la villa " Anciada " correspondant aux installations en cause dans le présent litige. La SCI Mayer, qui avait déposé en date du 25 avril 2012 une première demande d'autorisation d'occupation temporaire concernant ces espaces, ne soutient, ni même n'allègue, qu'elle justifiait d'un titre l'autorisant à les occuper au cours des années 2013, 2014 et 2015. L'administration était dès lors fondée à réclamer à la société le paiement d'indemnités pour l'occupation irrégulière des lieux au titre de ces trois années. Par conséquent, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait entendu subordonner la délivrance de l'autorisation d'occupation temporaire sollicitée par cette dernière en date du 17 mai 2016 à ce que celle-ci s'acquitte du paiement desdites indemnités, le moyen tiré de ce que la procédure d'instruction de cette demande d'autorisation serait irrégulière au motif que l'administration aurait exigé, dans le cadre de cette instruction, le paiement de sommes qu'elle savait ne pas être dues ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 15 décembre 2016 en tant qu'elle porte mise en demeure de remise des lieux en leur état initial :

6. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que la cession à la SCI Mayer de la villa " Anciada " par la SARL CGP a été réalisée par acte notarié du 17 septembre 2007, cette dernière a sollicité auprès du préfet des Alpes-Maritimes, en date du 4 septembre 2007 soit seulement treize jours avant le transfert effectif de propriété, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime concernant les ouvrages en cause. En s'abstenant, lorsqu'elle est devenue propriétaire de cette villa, de solliciter la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire à son propre bénéfice alors qu'eu égard aux circonstances dans lesquelles la SARL CGP a déposé sa demande, elle ne pouvait ignorer que ces ouvrages se situaient sur le domaine public maritime et nécessitaient la délivrance d'une telle autorisation, puis en présentant une première fois, en août 2012, une demande expresse à cette fin et en acceptant de s'acquitter du paiement des indemnités pour occupation du domaine public maritime sans droit ni titre au cours des années 2013 à 2015, enfin en déposant, le 17 mai 2016, un dossier de demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime faisant suite à la lettre du 26 janvier 2016 aux termes de laquelle la direction départementale des territoires et de la mer l'a invitée soit à déposer une telle demande, soit à démolir les ouvrages en cause dans le délai de quatre mois et l'a informée qu'à défaut d'agir dans un sens ou dans l'autre, une contravention de grande voirie serait dressée à son encontre, la SCI Mayer doit être regardée comme étant, à l'égard de cette plateforme bétonnée, gardienne des choses.

7. Par ailleurs, si la société requérante soutient qu'elle n'a pas l'usage exclusif de cette plateforme dès lors qu'elle serait accessible au public à partir de la digue du port de plaisance, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par la société que des panneaux interdisant l'accès aux piétons sont apposés à proximité du cheminement permettant de rejoindre l'ouvrage en provenance de la digue. La circonstance selon laquelle des tiers enfreindraient l'interdiction ainsi faite et accéderaient ponctuellement à ces installations ne saurait, au vu des pièces du dossier, lui retirer la qualité de gardienne des choses.

8. Si la SCI Mayer soutient que la plateforme est utile pour le public dès lors qu'elle permet l'amarrage des bateaux, elle n'établit, ni même n'allègue, que la capacité du port de plaisance situé à proximité immédiate serait insuffisante ni que des tiers feraient un usage effectif de la plateforme en cause à cette fin.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pris en compte ni les conséquences environnementales de la démolition exigée, ni les incidences de cette démolition sur la faune marine, ni encore le risque de voir cette démolition fragiliser la stabilité de l'infrastructure portuaire que constitue la digue.

En ce qui concerne les autres conclusions et demandes soulevées par la SCI Mayer devant le tribunal administratif de Nice :

10. En se bornant à indiquer reprendre les autres " conclusions et demandes " qu'elle avait soulevées en première instance, sans les énoncer ni joindre à sa requête une copie de ses écritures de première instance, la SCI Mayer n'apporte pas les précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bienfondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Mayer n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI Mayer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Mayer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mayer et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

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N° 19MA03393

nl


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-02 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Protection contre les occupations irrégulières.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LAVAUD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 25/06/2021
Date de l'import : 06/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03393
Numéro NOR : CETATEXT000043713987 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-25;19ma03393 ?
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