Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier (CH) de Martigues à lui verser la somme de 137 054 euros en réparation des préjudices qu'elle impute aux manquements commis lors de sa prise en charge par cet établissement de soins du 17 au 23 octobre 2013.
La caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal de condamner le CH de Martigues à lui verser la somme de 17 727,28 euros au titre des débours ainsi que les intérêts de droit à compter du 14 janvier 2019 et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1803097 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné le CH de Martigues à verser à Mme D... la somme de 17 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2018, eux-mêmes capitalisés par année à compter du 17 avril 2019, et à la CPCAM des Bouches-du-Rhône les sommes de 17 727,28 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019 au titre des débours et de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais de l'expertise à la charge définitive de l'établissement de soins et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 20 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 17 400 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CH de Martigues en réparation des préjudices qu'elle a subis ;
2°) de porter à la somme de 137 054 euros le montant de l'indemnité due, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2018 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge du CH de Martigues la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'établissement de soins est engagée en raison de la réalisation d'un geste opératoire non conforme aux règles de l'art et d'un retard de diagnostic et de traitement ;
- le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et le déficit fonctionnel permanent ont été insuffisamment évalués ;
- il y a lieu d'indemniser la perte de revenus actuels et futurs, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément ;
- l'allocation aux adultes handicapés ne doit pas venir en déduction de la perte de gains professionnels ou de l'incidence professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2020, le CH de Martigues, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et le déficit fonctionnel permanent ont été suffisamment évalués ;
- il n'y a pas lieu d'indemniser la perte de gains professionnels actuels et futurs, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes, agissant pour le compte de la CPCAM des Bouches-du-Rhône, et qui n'a pas produit de mémoire.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... relève appel du jugement du 20 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a limité à la somme de 17 400 euros le montant de l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CH de Martigues en réparation des préjudices consécutifs à sa prise en charge par cet établissement du 17 au 23 octobre 2013. Elle sollicite une meilleure indemnisation.
Sur la responsabilité :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 8 juin 2016, qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'absence de greffe inter somatique lors de l'arthrodèse des territoires L4 L5 S1 pratiquée le 17 octobre 2013 et l'erreur technique ayant abouti au mauvais positionnement de la vis S1 gauche ont été constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité du CH de Martigues, tout comme le retard de diagnostic et de traitement intervenu dans la période post-opératoire, en lien avec les séquelles que Mme D... a conservées tenant à une neuropathie périphérique par compression radiculaire.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
3. La somme de 1 460 euros mise à la charge du CH de Martigues en remboursement des frais du médecin-conseil n'est contestée ni par la requérante ni par l'établissement de soins.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations d'emploi valant bulletins de salaire établies par le centre national du chèque emploi service universel (CESU), que Mme D... a exercé une activité professionnelle d'aide à domicile chez des particuliers du 16 juillet au 16 octobre 2013 et n'a pas été placée en arrêt de travail depuis le 20 septembre 2012 contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport d'expertise. Il résulte par ailleurs des avis d'imposition des années 2011 et 2012 produits par l'intéressée qu'elle percevait de cette activité un revenu annuel moyen s'élevant à 6 843 euros. La requérante, qui a cessé son activité postérieurement à l'intervention, a perçu pour la période du 3 novembre 2013 au 24 octobre 2015, date de consolidation de son état de santé, la somme de 954 euros. Elle a ainsi subi une perte de revenus actuels de 12 161,75 euros. Toutefois, Mme D... est bénéficiaire depuis le 1er mars 2014 de l'allocation aux adultes handicapés qu'il y a lieu de déduire de la perte de ses revenus, contrairement à ce qu'elle soutient, dès lors qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale, cette allocation doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et qu'aucune disposition ne permet à l'organisme qui a versé ces prestations d'en réclamer au bénéficiaire le remboursement si celui-ci revient à meilleure fortune. Le montant cumulé de cette aide perçue étant de 14 650,47 euros, soit un montant supérieur aux pertes de gains professionnels actuels subis par Mme D..., c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il n'y avait pas lieu de l'indemniser à ce titre.
5. Il résulte par ailleurs également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les arrêts de travail postérieurs à la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... sont en lien avec son état antérieur, et plus particulièrement avec sa pathologie lombaire évoluant pour son propre compte, et non pas avec la neuropathie périphérique par compression radiculaire résultant de la faute médicale et du retard de diagnostic et de traitement. La requérante ne produit aucun document médical de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert sur ce point. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande présentée au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 17 octobre au 14 décembre 2013, et partiel à hauteur de 15% du 15 décembre 2013 au 24 décembre 2014 et de 10% du 25 décembre 2014 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé. Toutefois, en l'absence de faute, l'intervention chirurgicale pratiquée imposait une période de déficit fonctionnel de 100% pendant quinze jours soit jusqu'au 2 novembre 2013 qu'il y a lieu de prendre en compte. Les premiers juges ont procédé à une évaluation suffisante du préjudice subi à ce titre en en fixant la réparation à 1 740 euros.
7. Les souffrances endurées ont été estimées par l'expert à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7 avant la date de consolidation de l'état de santé de la requérante. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante évaluation de ce préjudice en le réparant par l'allocation de la somme de 5 400 euros.
8. Les premiers juges ont également fait une appréciation suffisante du préjudice esthétique temporaire, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7, en allouant à l'intéressée la somme de 1 800 euros.
9. L'expert a fixé à 6% le déficit fonctionnel permanent que conserve Mme D.... Eu égard à l'âge de la requérante à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges ont procédé à une estimation suffisante de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 7 000 euros.
10. Il résulte de l'instruction que l'arrêt des activités de loisirs n'est pas en lien avec la neuropathie périphérique par compression radiculaire mais avec l'aggravation de la pathologie lombaire de l'intéressée évoluant pour son propre compte. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par la requérante au titre du préjudice d'agrément qui n'a d'ailleurs pas été retenu par l'expert judiciaire.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander une meilleure indemnisation que celle qui lui a été accordée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 janvier 2020. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Me A..., au centre hospitalier de Martigues et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Hautes-Alpes agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021 où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E..., première conseillère,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.
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N° 20MA01078