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24/06/2021 | FRANCE | N°19MA02339

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 juin 2021, 19MA02339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a délivré un permis de construire à M. E....

Par un jugement n° 1701965 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 mai et 7 novembre 2019, la commune de Théoule-sur-Mer, représentée par G..

., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a délivré un permis de construire à M. E....

Par un jugement n° 1701965 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 mai et 7 novembre 2019, la commune de Théoule-sur-Mer, représentée par G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2019 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet des Alpes-Maritimes présenté devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire de prononcer une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de de 3 000 euros.

La commune soutient que :

- la requête du préfet était tardive en application de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme ;

- le dépassement de la surface de plancher, en méconnaissance de l'article UT 1 du règlement du plan d'occupation des sols, devait faire l'objet d'une annulation partielle ;

- le raccordement au réseau public d'assainissement était envisageable en application de l'article UT 4 du règlement du plan d'occupation des sols ;

- c'est par erreur que les premiers juges ont estimé que le projet ne s'insérait pas dans le paysage environnant.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 septembre 2019 et 25 février 2020, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions d'appel de M. E... sont tardives ;

- son déféré n'était pas tardif ;

- le projet porte atteinte au site inscrit de la Bande Côtière de Nice à Théoule ;

- la surface de plancher du projet méconnait les dispositions de la zone UT 1 du règlement du plan d'occupation des sols ;

- le SPANC n'a pas donné d'avis favorable sur le projet qui ne respecte pas les dispositions de l'article UT 4 du règlement du plan d'occupation des sols.

Par un mémoire en intervention enregistré le 17 janvier 2020, M. D... E..., représenté par Me A..., conclut à l'annulation du jugement du 20 mars 2019, au rejet du déféré du préfet et à ce que soit prononcé à titre subsidiaire une annulation partielle du permis de construire.

Il soutient que :

- le déféré n'a pas été notifié en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le déféré était tardif en application de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme ;

- le projet respecte les dispositions des articles UT 1 et UT 2 du plan d'occupation des sols ;

- le projet respecte les dispositions de l'article UT 4 du plan d'occupation des sols ;

- le projet respecte les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Le 20 mai 2021 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire en demande de M. E... qui avait qualité pour faire appel.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites pour le préfet des Alpes-Maritimes les 26 mai et 1et juin 2021, et pour M. E... le 28 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. F... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique,

- et les observations de Me G... représentant la commune de Théoule-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a acquis, le 29 décembre 1999, un terrain situé sur le territoire de la commune de Théoule-sur-Mer sur lequel était édifiée une maison d'habitation d'une surface hors oeuvre nette de 92,50 mètres carrés. Reconnu coupable d'avoir exécuté des travaux non autorisés sur cette construction, notamment la démolition totale de la construction existante ainsi que la réalisation d'une construction, sur deux niveaux, d'une emprise au sol de 340 mètres carrés, d'une surface habitable de 511 mètres carrés et d'une hauteur de 5,90 mètres, mesurée à l'égout du toit, M. E... a été condamné, par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 20 mai 2008, devenu définitif, à une amende de 75 000 euros ainsi qu'à la démolition de la construction litigieuse dans un délai de huit mois, et ce sous astreinte de 75 euros par jour de retard. L'intéressé, qui n'a pas procédé à cette démolition, a sollicité à plusieurs reprises la délivrance d'un permis de construire de régularisation. Le maire de la commune de Théoule-sur-Mer lui a, par un arrêté du 7 décembre 2016, accordé un permis de construire en vue de la réalisation d'une villa d'une surface de plancher de 416,51 mètres carrés, dont 212,78 mètres carrés devant être consacrés à un hébergement hôtelier. Saisi par un déféré du préfet des Alpes-Maritimes, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 29 mars 2019, annulé ledit arrêté. La commune de La commune de Théoule-sur-Mer relève appel de ce jugement.

Sur l'intervention de M. E... :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ". D'autre part, lorsqu'un tiers saisit un tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation d'une autorisation administrative individuelle, le tribunal doit appeler dans l'instance la personne qui a délivré l'autorisation attaquée ainsi que le bénéficiaire de celle-ci, la communication de la demande conférant à ces personnes, conformément aux dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, la qualité de parties en défense qui les rend recevables à faire appel du jugement annulant l'autorisation, alors même qu'elles n'auraient produit aucune défense en première instance.

3. M. E..., pétitionnaire, ayant été régulièrement appelé dans l'instance par le tribunal administratif, avait la qualité de partie en première instance et avait donc qualité pour faire appel du jugement en litige. Dans ces conditions, d'une part, ses conclusions en intervention en demande au soutien de la requête d'appel de la commune de Théoule-sur-Mer sont irrecevables. D'autre part, le mémoire qu'il a produit le 17 janvier 2020 ne peut être considéré comme une requête d'appel recevable dès lors qu'il a été enregistré au greffe de la cour après expiration du délai d'appel. L'intervention en appel de M. E... ne peut donc pas être admise.

Sur les conclusions d'appel présentées par la commune de Théoule-sur-Mer :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée au déféré du préfet des Alpes-Maritimes :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Aucune action en vue de l'annulation du permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai d'un an à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement. Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1 ".

5. La commune de Théoule-sur-Mer soutient que le déféré introduit devant le tribunal administratif de Nice par le préfet des Alpes-Maritimes était tardif dès lors que la construction était achevée depuis plus d'un an. Toutefois, il est constant que les dispositions précitées ne trouvent à s'appliquer que lorsqu'une construction régulièrement autorisée est achevée depuis plus d'un an. Dans le cas d'un permis de régularisation d'une construction déjà réalisée, il appartient au pétitionnaire, une fois l'autorisation d'urbanisme obtenue pour régulariser la construction, de déposer une déclaration d'achèvement, laquelle fera courir le délai prévu par les dispositions précitées. Au surplus et en tout état de cause, la commune ne produit aucune déclaration d'achèvement ni aucun autre élément de nature à démontrer que la construction à régulariser était achevée depuis plus d'un an au sens des dispositions précitées. La fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée de la tardiveté du déféré préfectoral ne peut dès lors qu'être écartée.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

6. Le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le maire de Théoule-sur-Mer a délivré un permis de construire à M. E... aux motifs que le projet méconnaissait les dispositions des articles UT 1, UT 4 et UT 11 du règlement du plan d'occupation des sols.

7. En premier lieu, aux termes de l'article UT 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Théoule-sur-Mer : " Les constructions doivent présenter un aspect compatible avec le caractère ou l'intérêt des constructions avoisinantes, des sites, des paysages naturels ainsi qu'avec la conservation des perspectives monumentales. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé dans le site inscrit de la Bande Côtière de Nice à Théoule-sur-Mer, dans un secteur naturel, largement boisé et à proximité de la mer. Ce secteur présente, malgré l'existence d'un complexe touristique à proximité, une très grande qualité et un intérêt qu'il convient de préserver. Or, le projet en litige, qui présente un volume important et un aspect banal, affecte la qualité de vue sur le site protégé et ne s'insère pas dans le paysage environnant. L'architecte des bâtiments de France a d'ailleurs émis un avis défavorable sur le projet. Dans ces conditions, le maire de Théoule-sur-Mer a méconnu les dispositions précitées en délivrant le permis de construire en litige.

9. En deuxième lieu, la commune de Théoule-sur-Mer, qui se borne à soutenir que les vices retenus par le tribunal et tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UT 1 et UT 4 du règlement du plan d'occupation des sols pouvaient être régularisés, ne conteste pas en appel le bien-fondé de ces motifs d'annulation.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

11. Si le vice tiré de la méconnaissance de l'article UT 1 du règlement du plan d'occupation des sols porte sur un élément divisible du projet et pourrait être facilement régularisé, c'est sans erreur d'appréciation ni erreur de droit que les premiers juges ont pu ne pas faire application des dispositions précitées, en raison de la combinaison des vices affectant le permis de construire en litige qui concerne la régularisation d'un projet réalisé sans autorisation, et notamment en raison de l'impossibilité de régulariser le vice tiré de l'absence de réseau public d'assainissement sur le fondement de l'article UT 4 du règlement du plan d'occupation des sols.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Théoule-sur-Mer n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel son maire a délivré un permis de construire à M. E....

En ce qui concerne les conclusions présentées par la commune sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, en raison de la combinaison des vices affectant le permis de construire en litige qui concerne la régularisation d'un projet réalisé sans autorisation, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par la commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

Sur les frais exposés dans l'instance :

14. L'État n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Théoule-sur-Mer présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de M. E... n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune de Théoule-sur-Mer est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Théoule-sur-Mer et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée pour information à M. D... E... et au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 où siégeaient :

- M. F..., président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

2

N° 19MA02339

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02339
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-24;19ma02339 ?
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