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22/06/2021 | FRANCE | N°19MA03312

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 juin 2021, 19MA03312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le préfet à son recours gracieux du 28 décembre 2018, d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiante " ou "

vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le préfet à son recours gracieux du 28 décembre 2018, d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiante " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et subsidiairement d'ordonner le réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1806412 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019, Mme B... E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault de son recours gracieux du 28 décembre 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou la mention " vie privée et familiale ", et subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- le signataire de la décision attaquée ne justifie pas d'une délégation de signature suffisante pour se faire ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation caractérisée par une très bonne insertion professionnelle et personnelle en France ;

- l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle ;

- l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- l'obligation de quitter le territoire national est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors que la Guinée est un pays en tension ;

Sur la décision implicite de rejet de son recours gracieux :

- elle est bien fondée à demander l'application des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation caractérisée par une très bonne insertion professionnelle et personnelle en France ;

- l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.

Par un mémoire enregistré le 25 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requérante sont infondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme E... contre la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault de son recours gracieux du 28 décembre 2018 en ce qu'elles sont présentées pour la première fois en appel.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2021, Mme E... fait valoir que sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault de son recours gracieux du 28 décembre 2018, n'est pas nouvelle en appel.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mai 2019, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la circulaire du ministre de l'intérieur NOR INTK1229185 C du 28 novembre 2012 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante guinéenne née le 19 mai 1992, est entrée en France en septembre 2011 au moyen d'un visa étudiant valant titre de séjour, renouvelé régulièrement. Elle a sollicité, le 24 septembre 2018, le renouvellement de son dernier titre de séjour en qualité d'étudiante. Elle relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête contre l'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de l'Hérault, en tant qu'il a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine, ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet à son recours gracieux formé le 28 décembre 2018.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté du 24 octobre 2018 :

S'agissant du refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Pascal D..., secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel a reçu délégation par un arrêté préfectoral du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer " tous actes, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) / A ce titre, cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers (...) ". Cette délégation habilitait dès lors M. D... à signer la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, la décision contestée comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de la requérante au regard des stipulations et dispositions législatives et réglementaires applicables. Plus particulièrement, la décision contestée mentionne la situation familiale et personnelle de l'intéressée, les conditions de son séjour en France, et comporte l'appréciation de l'administration sur celles-ci. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.

4. En troisième lieu, il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté litigieux ni des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la demande de Mme E....

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir débuté des études universitaires en 2011, Mme E... a obtenu une licence d'architecture au titre de l'année 2015-2016. Elle ne conteste pas son ajournement en Master I en architecture au titre des deux années 2016-2017 et 2017-2018, formation pour laquelle elle n'a validé aucune unité d'enseignement. Elle s'est ensuite inscrite à l'université de Montpellier, au titre de l'année universitaire 2018-2019, en deuxième année de licence Histoire de l'Art - Archéologie. Dans ces conditions, dès lors qu'après sept années d'études, l'intéressée n'a obtenu qu'une licence et qu'elle s'est réorientée dans une formation délivrant elle-même une licence, diplôme qu'elle a déjà obtenu dans une autre filière, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que Mme E... ne justifiait pas, après ses échecs en Master I, du caractère réel et sérieux de ses études. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant.

7. En cinquième lieu, dès lors que Mme E... a uniquement sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante, elle ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision attaquée, de son activité professionnelle en qualité de serveuse, pas plus que d'une promesse d'embauche, ni des relations amicales qu'elle a nouées en France.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Mme E..., âgée de 26 ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans enfants. L'intéressée qui a régulièrement résidé en France sous le statut d'étudiant, ne démontre pas avoir établi de manière stable et durable en France, le centre de ses intérêts privés et familiaux, ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

10. La décision contestée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, cette motivation, qui ne révèle pas de défaut d'examen sérieux et complet de la situation de la requérante, doit être regardée comme suffisante.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'examen de la décision attaquée qui comporte de nombreuses précisions sur sa situation personnelle, familiale et administrative, que le préfet de l'Hérault n'aurait pas fait un examen complet et sérieux de la situation de Mme E....

12. La requérante soutient que cette décision méconnaît l'article 8 de la convention précitée. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si Mme E... soutient qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des risques, elle ne produit aucune pièce permettant d'établir la réalité des risques auxquels elle serait directement ou personnellement exposée en cas de retour en Guinée. Par conséquent, le préfet a légalement pu prévoir que l'intéressée pourrait être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant la Guinée comme pays de destination.

S'agissant de la décision de rejet implicite du préfet de l'Hérault du recours gracieux réceptionné le 28 décembre 2018 :

17. A l'appui de son recours gracieux formulé par écrit, Mme E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012.

18. Premièrement, pour les raisons visées au point 6 du présent arrêt, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault à méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a uniquement fondé sa demande de titre de séjour sur l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le préfet n'a pas examiné celle-ci sur les fondements cités au point 17, hormis l'article 8 de la convention susmentionnée. Il en résulte qu'elle ne peut utilement invoquer les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, à l'encontre du refus opposé à sa demande de renouvellement du séjour en France en qualité d'étudiant étranger.

20. Enfin, à supposer le moyen soulevé, il ne résulte d'aucune circonstance invoquée par l'intéressée qu'en ne régularisant pas sa situation par la délivrance du titre de séjour sollicité, l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de la requérante d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens que Mme E... aurait exposés si elle n'avait pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2021.

N° 19MA03312 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03312
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-22;19ma03312 ?
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