Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 5 juin 2015, notifiée à l'intéressé le 23 juin 2015, par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours dirigé contre la décision en date du 11 août 2014 portant retrait de commandement.
Par un jugement n° 1503218 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juin 2018 et le 20 mars 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 avril 2018 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 5 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre toute mesure afin de reconstituer sa carrière, dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise pour déterminer s'il est atteint de troubles psychiatriques entrainant son inaptitude au commandement ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que de nombreuses pièces ayant servi de support à la décision attaquée ne lui ont pas été communiquées ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'une restriction temporaire de certaines activités n'implique par une inaptitude au commandement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il s'agit d'une sanction disciplinaire déguisée, entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B....
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Thielé, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., capitaine de l'armée de terre exerçant les fonctions d'officier contrôleur aérien depuis le 1er août 2008 au 1er régiment d'hélicoptères de combat (RHC) dont il commandait l'escadrille des services d'aérodrome depuis le 8 avril 2013, a été relevé de son commandement à compter du 31 juillet 2014 par une décision du 11 août 2014 du commandant du 1er RHC, qu'il a contestée devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 5 juin 2015, le ministre de la défense a rejeté ce recours. M. B... relève appel du jugement du 9 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ".
3. En vertu de ces dispositions, un militaire faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Le droit à la communication du dossier prévu par cet article comporte la possibilité, pour le militaire intéressé de consulter librement ces pièces ainsi que d'en prendre copie, à moins que sa demande ne présente un caractère abusif.
4. La décision de retrait de commandement prise à l'encontre de M. B... étant une décision prise en considération de sa personne, le respect de la formalité prévue par les dispositions précitées constituait une garantie pour l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité, le 4 mai 2015, la communication du rapport sur sa manière de servir établi par le chef de corps et annexé à la correspondance que le médecin du centre médical des armées a adressé à son collègue psychiatre le 13 février 2014. Ce rapport ne lui a été communiqué, après avis de la CADA, que le 30 juin 2015. Si la ministre des armées soutient qu'à la date de la demande de communication de cette pièce, le recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la décision de retrait de commandement avait été implicitement rejeté, une décision explicite de rejet de ce recours, qui s'est substituée à la décision initiale, a été prise le 5 juin 2015, soit après la demande de ce document et antérieurement à la date de sa communication à l'intéressé. Dans ces conditions, l'absence de communication d'un élément du dossier dont il n'est pas établi qu'il n'a pas été tenu compte dans la prise de la décision du 5 juin 2015 contestée, constitue un vice de procédure ayant privé M. B... d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 juin 2015 par laquelle il a été relevé de son commandement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il ressort des pièces du dossier que si la décision litigieuse du 5 juin 2015 a confirmé la relève du commandement de M. B... à compter du 31 juillet 2014, son temps de commandement a exceptionnellement été validé par décision du 24 novembre 2014. La décision attaquée n'entrainait pas d'autres effets qu'une éventuelle perte de chance d'obtenir le grade supérieur et n'a pas eu en elle-même pour effet d'interrompre le déroulement de sa carrière au regard de ses droits statutaires. Par suite, son annulation n'implique pour l'administration aucune mesure d'exécution particulière. Les conclusions de M. B... à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n°1503218 du 9 avril 2018 et la décision du ministre de la défense du 5 juin 2015 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 22 juin 2021.
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N° 18MA02667