Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à la charge de la société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Maintenance Levage Méditerranéens au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et dont le paiement lui est réclamé en sa qualité de débiteur solidaire.
Par un jugement n° 1806824 en date du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, M. D... B... représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à la charge de la société à responsabilité limitée Groupe Maintenance Levage Méditerranéens au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et dont le paiement lui est réclamé en sa qualité de débiteur solidaire, à hauteur de 145 776 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener la dette à une somme de 119 614 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de rectification suivie à l'égard de la SARL Groupe Maintenance Levage Méditerranéens est irrégulière dès lors qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire avec les représentants de la société, ni avec le mandataire désigné par le tribunal de commerce après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;
- l'administration a effectué des traitements informatiques prévus à l'article L. 47 A.-II du livre des procédures fiscales sans lui accorder les garanties correspondantes ;
- il convient de déduire des montants qui lui sont réclamés au titre de la dette fiscale, la différence entre la somme de 100 000 euros que le gérant a réglée au liquidateur de la SARL en exécution d'une condamnation prononcée par un jugement du tribunal de commerce du 18 septembre 2012 et la somme de 11 044 euros finalement mise en recouvrement en application de ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Maintenance Levage Méditerranéens (GMLM) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 348 956 euros, en raison de discordances entre les opérations enregistrées en comptabilité et celles mentionnées sur les déclarations mensuelles qu'elle a déposées. Par un jugement du 2 mars 2009, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SARL GMLM et désigné Me F... en qualité de liquidateur. En exécution d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 février 2016, confirmé par la Cour de cassation le 28 juin 2017, déclarant M. D... B... et son père, M. E... B..., coupables de fraude fiscale et solidairement responsables, avec la société GMLM, du paiement des impôts et pénalités dus par cette dernière au titre de la période du 1er mai 2008 au 31 janvier 2009, M. D... B... a été mis en demeure, le 25 juillet 2017, d'acquitter une partie de ces impositions. M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 135 577 euros qui lui ont été réclamés en sa qualité de débiteur solidaire de la SARL GMLM. Par un jugement du 24 juin 2020, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...). ". Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Aux termes de l'article L. 47 de ce livre: " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Il résulte de ces dispositions que la première intervention de l'administration sur place aux fins de vérification de la comptabilité du contribuable ne peut avoir lieu qu'après que ce dernier a été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de notification, dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés, de l'engagement du contrôle, cette garantie étant de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur. Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la SARL GMLM, alors représentée par son gérant, M. D... B..., a été informée, par un avis notifié le 26 janvier 2009 de l'engagement d'une vérification de comptabilité et qu'elle avait la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix. Il ressort également des mentions de la proposition de rectification du 4 septembre 2009, d'une part, que les interventions du vérificateur se sont déroulées dans les locaux de l'entreprise où était détenue la comptabilité de la SARL et que la première intervention a eu lieu le 17 février 2009 en présence de M. E... B..., nouvellement désigné gérant de la SARL. D'autre part, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence ayant prononcé le 2 mars 2009 un jugement de liquidation judiciaire de la société, seul le liquidateur judiciaire était habilité à représenter la SARL GMLM lors de la poursuite des opérations de contrôle. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que M. B... n'ait pas été associé aux opérations de contrôle après le prononcé de la liquidation est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par ailleurs, il n'est pas établi que le mandataire liquidateur de la société, présumé être présent lors de la réunion de synthèse qui s'est tenu le 2 septembre 2009, aurait été absent ou empêché lors des opérations de contrôle. En tout état de cause, les règles de représentation de la société en cours de liquidation n'ayant été édictées que dans l'intérêt de la masse des créanciers, seul le liquidateur peut s'en prévaloir. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la SARL GMLM aurait été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. ". Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL GMLM, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, a, en application des dispositions du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, remis au vérificateur une copie des fichiers informatiques des écritures comptables sur une clé USB. L'administration soutient qu'elle s'est bornée à consulter par simple lecture et à analyser les documents comptables qui lui avaient été remis sous forme dématérialisée, sans procéder à des traitements informatiques au sens du II de l'article L. 47 A du même livre. Si le requérant fait valoir que le procès-verbal du 23 février 2009 constate un écart de cinq kilooctets entre la remise des fichiers comptables sur clé USB et leur restitution sur CD-rom par courrier du 22 septembre 2009, cette différence de taille minime ne suffit pas, à elle seule, à établir que le service vérificateur aurait procédé à des traitements informatiques sur ces fichiers, au sens du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Aussi, le requérant ne peut utilement faire valoir que le vérificateur ne l'a pas informé par écrit du sort réservé aux fichiers et de la matérialité des travaux. Par ailleurs, l'ensemble des copies des fichiers des écritures comptables a été restitué au contribuable avant la mise en recouvrement des droits, conformément aux dispositions du I de l'article L. 47 A précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de celles de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
6. En dernier lieu, le requérant soutient qu'en exécution du jugement du tribunal de commerce du 18 septembre 2012 qui a condamné M. E... B..., le gérant de la SARL GMLM, au paiement au profit du liquidateur d'une somme de 100 000 euros au titre du règlement du passif fiscal de la société GMLM, cette somme a été réglée au liquidateur de la société mais a été finalement mise en recouvrement par le trésor public qu'à hauteur de 11 044 euros, de sorte que le surplus encaissé par le liquidateur devrait venir en déduction du montant de la dette fiscale en litige. Toutefois, contrairement à ce qui est allégué, la somme de 100 000 euros mentionnée dans ce jugement n'a pas pour objet de procéder au règlement du passif fiscal de la société, mais au comblement partiel de son passif global à raison de la faute de gestion commise par M. E... B... pour n'avoir pas respecté, de manière répétée, ses obligations fiscales. Cette somme, payée au liquidateur, n'a donc pas été versée au Trésor en vue du règlement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL GMLM, de sorte qu'elle ne saurait donc être imputée sur les sommes réclamées à l'intéressé en sa qualité de débiteur solidaire de la société. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il n'est pas davantage fondé à solliciter la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :
- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C... et Mme G..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
7
N° 20MA03060
mtr