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03/06/2021 | FRANCE | N°20MA02839

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 juin 2021, 20MA02839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et d'une assignation à résidence.

Par un jugement n° 202428 en date du 29 juin 2020, le magistrat désigné par le président d

u tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et d'une assignation à résidence.

Par un jugement n° 202428 en date du 29 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de se prononcer sur son droit au séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une attestation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait et de contradiction de motifs révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il remplit les critères d'admission exceptionnelle au séjour énoncés par la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle est opposable sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... par une décision du 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 22 avril 1981, de nationalité albanaise, déclare être entré sur le territoire français le 17 juillet 2012. Il a présenté une demande l'asile le 23 juillet 2013 qui a été rejetée par une décision du 25 novembre 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le recours formé par M. A... contre ce refus a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 19 juin 2014. Par arrêté du 3 septembre 2014, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit en cas de non-respect du délai imparti pour s'acquitter de son obligation de départ. Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté au motif de l'absence de preuve de la notification de la décision de la CNDA avant l'adoption de l'arrêté. Sur recours du préfet des Alpes-Maritimes, par un arrêt du 18 juin 2015, la Cour a annulé ce jugement. Par arrêté du 24 juin 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a de nouveau pris à l'encontre de M. A... un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire, sans délai, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et d'une assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de la décision contestée, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle et familiale de M. A.... Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet des Alpes-Maritimes a bien mentionné que son épouse avait sollicité un titre de séjour. En revanche, s'il indique que l'intéressé n'a lui-même jamais sollicité de titre de séjour, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir le contraire. Par ailleurs, si M. A... s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour durant l'examen de sa demande d'asile, cette circonstance n'est pas en contradiction avec les éléments de la situation personnelle de l'intéressé retenus par le préfet. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Le moyen doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ", et aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en juillet 2012, rejoint par son épouse en septembre 2014 qui a donné naissance à leur enfant à Nice le 29 décembre 2014. A supposer même qu'il se soit maintenu continûment sur le territoire depuis cette date, il n'établit pas, par les pièces éparses qu'il verse aux débats, ses conditions de vie et de subsistance durant son séjour sur le territoire national. Si son enfant est scolarisé en France, M. A..., qui n'allègue pas être dépourvu de liens familiaux en Albanie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans, n'établit pas qu'il ne pourrait reconstituer sa cellule familiale en Albanie, pays dont son épouse a également la nationalité, ni que son enfant ne pourrait y poursuivre sa scolarité. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui tiré de la méconnaissance de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 de ce même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. ".

6. Contrairement à ce que soutient le requérant, la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été publiée dans les conditions prévues au point précédent. Si elle a fait l'objet d'une mise en ligne sur le site Légifrance le 1er avril 2019, elle ne figure toutefois pas parmi la liste des documents opposables. Sa publication ne comporte ainsi aucune date de déclaration d'opposabilité. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. A... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire, qui ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B... et Mme D..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

5

N° 20MA02839

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02839
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : LE GARS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-03;20ma02839 ?
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