La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2021 | FRANCE | N°20MA02296

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 juin 2021, 20MA02296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1909626 en date du 20 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te, enregistrée le 16 juillet 2020, M. C..., représenté par Me Lê, demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1909626 en date du 20 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2020, M. C..., représenté par Me Lê, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une attestation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Lê sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'erreur de fait, révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la dernière fois en France en 2012 selon ses déclarations, M. C..., né le 28 septembre 1971 et de nationalité marocaine, a été interpellé le 25 octobre 2019 à Marseille et n'a pas été en mesure de présenter un document l'autorisant à séjourner en France. Le même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".

3. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. C... vise les textes dont il fait application, et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, ainsi que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et celui des relations entre le public et l'administration, et mentionne que l'intéressé n'est pas en possession des documents et visa exigés par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Elle mentionne par ailleurs les faits qui en constituent le fondement, à savoir, les circonstances de l'entrée et du séjour en France de M. C... ainsi que sa situation personnelle et familiale en faisant état de son statut de célibataire et de sa qualité de père d'un enfant mineur. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait porté à la connaissance du préfet la durée de sa présence en France, son droit de visite médiatisé dont il dispose depuis février 2019 auprès de son fils D... né le 14 novembre 2015, placé en maison d'enfants à caractère social à Aix-en-Provence, et le placement sous tutelle de la mère de cet enfant, dont au demeurant il n'apporte pas la preuve en l'absence de tout document produit à ce titre. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision litigieuse, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. C..., comporte une motivation suffisante sans erreur de fait. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de la décision contestée, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de M. C.... Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Le moyen doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui déclare être entré en France en 2012, a présenté une demande de titre de séjour le 1er juillet 2016 qui a été rejetée le 28 novembre 2017. Suite à une première interpellation par les services de police à Marseille le 16 juillet 2018, il a fait l'objet d'un arrêté de réadmission en Italie. En se bornant à produire une attestation d'hébergement depuis le 27 mars 2019 rédigée pour les circonstances par un ressortissant algérien titulaire d'une carte de résident alors qu'il a déclaré lors de son audition par les services de police le 16 juillet 2018 et le 25 octobre 2019 être sans domicile fixe, ainsi qu'une attestation de présence sur la période du 16 août 2019 au 8 novembre 2019 dans un dispensaire de soins dentaires à Marseille, il n'établit ni la date de son entrée sur le territoire français, ni l'ancienneté et la continuité de sa présence en France. S'il déclare vouloir désormais se consacrer à son fils D..., alors que son fils aîné Hassan, né le 24 octobre 2014, est décédé le 27 juin 2019 à la pouponnière de Bandol où il était placé, il ressort des pièces du dossier que son enfant D... est placé depuis l'âge de dix-huit mois auprès de l'aide sociale à l'enfance et que par jugement du 27 mai 2019, compte tenu de la grande précarité, des carences relationnelles et éducatives des parents constatées, le juge des enfants a maintenu le placement de l'enfant du requérant et ne lui a octroyé qu'une visite médiatisée par mois. Par ailleurs, M. C... ne travaille pas et ne fait état d'aucune insertion socioprofessionnelle particulière. Enfin, il n'apparaît pas dépourvu de toute attache privée ou familiale au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un an. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise, et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et des stipulations précitées doit dès lors être écarté.

7. En quatrième lieu, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 prévoient que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Il est constant que si M. C... est le père de deux enfants nés respectivement en 2014 et 2015, ainsi qu'il a été précédemment exposé, le premier est décédé le 27 juin 2019 tandis que, par jugement du 27 mai 2019, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Marseille a maintenu le placement du second auprès de l'aide sociale à l'enfance des Bouches-du-Rhône pour deux ans à compter du 30 juin 2019. Dans ces circonstances, le calendrier de ses entretiens mensuels médiatisés avec son fils depuis février 2019 ne peut suffire à justifier de la relation affective alléguée à la date de l'arrêté en litige le requérant ne prétendant pas même contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Lê et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B... et Mme E..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

6

N° 20MA02296

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02296
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) :

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-03;20ma02296 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award