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03/06/2021 | FRANCE | N°20MA00645

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 juin 2021, 20MA00645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 62 180 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge lors de son accouchement le 27 août 2010.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 1 415,40 euros au titre des débours et la somme de 471,80 eur

os au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 18026...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 62 180 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge lors de son accouchement le 27 août 2010.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 1 415,40 euros au titre des débours et la somme de 471,80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1802611 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme D... et les conclusions de la CPAM des Alpes-de-Haute-Provence et mis à la charge définitive de la requérante les frais de l'expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février 2020 et 9 décembre 2020, Mme D..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Tartanson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 décembre 2019 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser, à titre principal, la somme 92 180 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 79 744 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Manosque la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'établissement de soins est engagée en raison d'une faute dans l'organisation du service ;

- la responsabilité du centre hospitalier de Manosque est également engagée à raison d'un défaut d'information, qui l'a privée d'une chance de se soustraire aux risques liés aux efforts expulsifs d'un accouchement déclenché ;

- la rapidité du travail à la suite de l'application de gel de prostaglandine et l'absence d'anesthésie péridurale sont à l'origine de la détérioration périnéale et de l'incontinence urinaire ;

- elle n'a pas bénéficié de soins appropriés ;

- la maladie de Crohn est sans lien avec les préjudices ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de son entier préjudice à hauteur de 62 180 euros ou, à défaut, à raison de la perte de chance de 80 % de ne pas avoir été installée en salle de travail, à hauteur de 49 744 euros, ainsi que du préjudice d'impréparation à hauteur de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, le centre hospitalier de Manosque, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune faute ne peut lui être imputée dans la prise en charge de la patiente ;

- le fait de ne pas l'avoir laissée en salle de travail après la pose du gel de prostaglandine n'est pas à l'origine directe, certaine et exclusive des préjudices ;

- la patiente était exposée aux complications habituelles dans les suites d'un accouchement - incontinence urinaire et fragilité du périnée - du fait qu'elle était multigeste et multipare ;

- les antécédents de la patiente sont à l'origine des dommages ;

- aucun taux de perte de chance ne peut être retenu ;

- l'établissement n'a pas manqué au devoir d'information ;

- les demandes indemnitaires doivent être ramenées à de plus justes proportions.

La requête a été communiquée aux CPAM des Hautes-Alpes, et des Alpes-de-Haute-Provence qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier de Manosque.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 16 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 62 180 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge lors de son accouchement le 27 août 2010, en portant ses prétentions aux sommes de 92 180 euros à titre principal et de 79 744 euros à titre subsidiaire.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Manosque pour fautes :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise, que la détérioration anatomique du périnée, l'incontinence urinaire d'effort et la dyspareunie dont souffre Mme D... depuis le mois d'octobre 2011 ont une origine multifactorielle tenant, d'une part, à la dégradation anatomique périnéale due à des conditions de fragilité constitutionnelle du périnée et, d'autre part, à la naissance de trois gros enfants, ainsi que le révèle d'ailleurs sa prise en charge avant son quatrième accouchement pour des troubles de plancher pelvien et d'incontinence urinaire. Il résulte de plus de ce rapport que l'accouchement de la requérante dans un lit d'hospitalisation, s'il révèle une faute dans l'organisation du service dès lors qu'elle aurait dû être maintenue en salle de travail dès la mise en place du gel inducteur des contractions utérines et jusqu'à la phase d'expulsion de l'enfant, est sans lien avec les dommages qu'elle invoque, qui se seraient manifestés de la même façon, ainsi que l'a considéré à juste titre le tribunal.

4. Enfin, il résulte du rapport d'expertise que Mme D... a bénéficié de soins appropriés et que les traitements qui lui ont été administrés étaient adaptés à son état. Contrairement à ce qu'elle soutient, il ne résulte pas de l'instruction qu'une anesthésie péridurale aurait diminué les conséquences dommageables qu'elle impute aux efforts expulsifs réflexes.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Manosque pour défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

6. Ainsi qu'indiqué aux points 3 et 4, les troubles dont se plaint Mme D... sont sans lien avec les risques inhérents au déclenchement d'un accouchement pour diabète gestationnel. Il suit de là qu'elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Manosque pour défaut d'information tant en ce qui concerne une éventuelle perte de chance qu'au titre d'un éventuel préjudice d'impréparation.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions tendant à la majoration en appel de ses demandes indemnitaires, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

8. Mme D... reste en appel la partie perdante. Il suit de là qu'il y a lieu de laisser les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 547,20 euros par l'ordonnance du 3 novembre 2017 de la présidente du tribunal administratif de Marseille, ainsi que l'a fait ce tribunal, à la charge de Mme D....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Manosque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme D... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au centre hospitalier de Manosque et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

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N° 20MA00645

kp


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS TARTANSON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 03/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA00645
Numéro NOR : CETATEXT000043629456 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-03;20ma00645 ?
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