Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Peller Construction a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses conclusions, à titre principal, de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Gap, à titre subsidiaire, d'annuler l'avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 31 août 2015 afin de lui réclamer le paiement de droits de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du mois de juillet 2013, pour un montant, après dégrèvement accordé le 16 mai 2017, de 178 429 euros, et d'ordonner la mainlevée des actes de poursuite subséquents.
Par un jugement n° 1605193 en date du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2019 et le 3 juin 2019, la SAS Peller Construction, la SCP Gillibert et associés, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Peller Construction et Me D..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société, représentés par la SCP Alpazur Avocats, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) à titre principal, de constater l'incompétence des juridictions administratives au profit du tribunal de commerce de Gap et renvoyer l'examen de cette affaire devant cette juridiction ;
3°) à titre subsidiaire, de dire que la contestation de la SAS Peller Construction ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution mais de celle des juridictions administratives ;
4°) à titre subsidiaire, de prendre acte du dégrèvement d'office pour 359 266 euros ;
5°) à titre subsidiaire, d'annuler l'avis de mise en recouvrement émis le 31 août 2015 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de juillet 2013 pour un montant de 178 429 euros ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros à la SAS Peller Construction au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal aurait dû se déclarer incompétent pour se prononcer sur l'application des dispositions de l'article L. 622-17 du code de commerce au profit du tribunal de commerce de Gap ;
- si la Cour retenait la compétence des juridictions administratives, elle devrait constater qu'en application des articles L. 622-7, L. 622-21, L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, la créance de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ne peut faire l'objet d'aucun recouvrement, puisque son fait générateur est antérieur à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde, et que le comptable devait déclarer la créance en litige, ce qu'il n'a fait qu'à hauteur de 86 723 euros, ou encore demander un relevé de forclusion ;
- dans l'hypothèse où la créance impayée en litige serait considérée comme postérieure à la procédure de sauvegarde, faute de déclaration de créance de l'administration au mandataire avant le 25 juillet 2015, en application de l'article L. 622-17 du code de commerce, elle est atteinte de forclusion ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que les situations de travaux datées du 31 juillet 2013 rentraient dans le champ d'application des dispositions de l'article 269-1 a bis) du code général des impôts en application d'une documentation de base ;
- il convient d'appliquer un prorata de 20/23ème aux factures datées du 31 juillet 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
- la juridiction de l'ordre administratif est compétente pour trancher un litige portant sur l'annulation d'un avis de mise en recouvrement et des mesures d'exécution rattachées ;
- l'avis de mise en recouvrement émis le 31 août 2015 relatif à une créance de taxe sur la valeur ajoutée maintenue à hauteur de 178 429 euros est fondé puisque résultant d'une déclaration rédigée par la plaignante en personne ;
- les autres moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.
La SAS Peller Construction et autres ont produit un mémoire, enregistré après la clôture de l'instruction, le 30 avril 2021, et qui n'a pas été communiqué.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal administratif de Marseille s'est déclaré à tort incompétent.
Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2021, la SAS Peller Construction et autres ont présenté des observations en réponse à la mesure d'information effectuée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, lesquelles ont été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les observations de Me B... de la SCP Alpazur Avocats pour la SAS Peller Construction et autres,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Peller Construction, spécialisée dans le bâtiment, a été placée, le 26 juillet 2013, en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Gap. En septembre 2013, elle a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre du mois de juillet 2013 d'un montant de 86 723 euros. La SAS ayant déposé, le 4 août 2015, une déclaration rectificative de la TVA pour la période du mois de juillet 2013 faisant état d'une TVA due de 537 695 euros, en l'absence de paiement spontané de cette somme par la SAS Peller Construction, l'administration a émis, le 31 août 2015, un avis de mise en recouvrement mettant cette somme à sa charge. Cette créance n'ayant pas été réglée par la SAS, une mise en demeure de payer lui a été adressée le 30 septembre 2015, suivie d'une mise en demeure valant commandement de payer le 15 octobre suivant et d'un avis de compensation de créances le 26 octobre suivant. Par courrier du 28 octobre 2015, la SAS Peller Construction a formé devant l'administration fiscale une réclamation dirigée contre l'avis de mise en recouvrement du 31 août 2015, rejeté implicitement par l'administration. La SAS a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande d'annulation de cet avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 31 août 2015, ainsi que des mesures de recouvrement forcées exécutées sur le fondement de cet avis. Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal, après avoir requalifié les conclusions de la société requérante comme tendant à la décharge, sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure valant commandement de payer du 30 septembre 2015, les droits de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du mois de juillet 2013 pour un montant, après dégrèvement à hauteur de 359 266 euros prononcé le 16 mai 2017, de 178 429 euros, s'est déclaré partiellement incompétent pour statuer sur certains moyens soulevés. La SAS Peller Construction, la SCP Gillibert et associés, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Peller Construction et Me D..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société, relèvent appel de ce jugement sans contester la requalification de ces conclusions ainsi opérée par le tribunal.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ". Il résulte de ces dispositions que la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impositions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 199 du même livre lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette, l'exigibilité de la somme réclamée ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Le tribunal de la procédure collective demeure quant à lui compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective, quelle que soit la nature des créances concernées.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce : " I.- Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. (...) ". Aux termes de l'article L. 622-21 de ce code : " I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. ". Aux termes de l'article L. 622-24 du même code : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. ". Enfin, aux termes de l'article L. 622-26 dudit code : " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. / Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. / L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance. ".
4. A l'appui de sa demande, la SAS Peller Construction et autres se prévalent de ce que l'administration ne pouvait recouvrer la créance de TVA née antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde sans méconnaître l'obligation de déclaration et l'interdiction du paiement de telles créances posée par l'article L. 622-7 du code de commerce. Cette contestation qui concerne le caractère exigible de la créance de l'administration à l'encontre de la société du fait de l'existence de la procédure de sauvegarde judiciaire, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, dès lors qu'elle a trait à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure de sauvegarde, fondées sur les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives.
5. Les requérants soutiennent également qu'en l'absence de déclaration de créances effectuée par le comptable public dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation prévu au IV de l'article L. 622-17 du code de commerce, l'administration fiscale ne pouvait émettre d'actes de poursuite pour recouvrer des impositions émises postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde. Cette contestation qui, contrairement à ce que le tribunal administratif a retenu, concerne, non la régularité de l'acte de poursuite, mais la prescription de l'action en recouvrement de la créance, ne relève pas davantage de la compétence de la juridiction administrative, dès lors qu'elle se rattache au déroulement de la procédure collective ressortissant à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.
6. Enfin, les contestations relatives au recouvrement des impôts ne peuvent porter sur un motif remettant en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Or, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 269-1 a bis) du code général des impôts ou de l'interprétation administrative de ces dispositions remet en cause l'assiette de l'impôt dont le paiement est réclamé à la SAS Peller Construction. Il s'ensuit qu'un tel moyen n'est pas recevable à l'appui de la contestation du recouvrement formée dans les conditions prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales à laquelle la société requérante a expressément borné les conclusions de sa demande devant le tribunal administratif et ses conclusions en appel.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Peller Construction et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement de payer du 30 septembre 2015.
Sur les conclusions à fin de renvoi au tribunal de commerce de Gap :
8. Le présent arrêt se bornant à constater l'incompétence matérielle de la juridiction administrative pour connaître de certains moyens soulevés, les conclusions à fin de renvoi de l'affaire au tribunal de commerce de Gap ne peuvent qu'en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Peller Construction demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la SAS Peller Construction, la SCP Gillibert et associés, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Peller Construction et Me D..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Peller Construction, à la société civile professionnelle Gillibert et associés, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Peller Construction, à Me D..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :
- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A... et Mme C..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
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N° 19MA00760
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