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01/06/2021 | FRANCE | N°19MA03468

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 01 juin 2021, 19MA03468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours.

Par une ordonnance n° 1901828 du 25 juin 2019 prise sur le fondement de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
>Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, Mme B..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours.

Par une ordonnance n° 1901828 du 25 juin 2019 prise sur le fondement de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, Mme B..., représentée par l'AARPI d'avocats Marolleau et D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 25 juin 2019 du président du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans le délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 500 euros, qui sera versée à Me D... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le premier juge s'est fondé à tort sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, au lieu de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien relative à la vie privée et familiale ;

- elle établit son implication dans la vie catholique locale ;

- elle établit être la seule à pouvoir s'occuper de sa tante pour accomplir les actes de la vie quotidienne ;

- elle entretient des liens réels et intenses avec l'intégralité de sa famille de nationalité française au sens de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- ce refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception, cette décision est dépourvue de base légale ;

- elle ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle doit bénéficier d'un titre de plein droit sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie personnelle.

Sur le délai de départ volontaire :

- par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision est dépourvue de base légale ;

- elle justifie de circonstances propres de nature à justifier un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours au sens du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été transmise au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme B... a été rejetée par décision du 25 octobre 2019, confirmée par décision du 16 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité algérienne, a demandé le 9 janvier 2019 un certificat de résidence d'un an sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par l'arrêté en litige du 29 avril 2019, le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours. La requérante relève appel de l'ordonnance du 25 juin 2019 prise sur le fondement de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " . Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. La requérante est entrée pour la dernière fois en France le 30 janvier 2018 sous couvert d'un visa de 90 jours, valable du 6 mars 2017 au 5 mars 2018, ne l'autorisant pas à séjourner durablement en France. Elle est célibataire sans charge de famille. Si elle soutient que l'ensemble de sa proche famille, à savoir son père, sa mère et sa soeur de nationalité française, ainsi que son frère de nationalité algérienne, vit régulièrement en France et qu'elle entretient avec elle des liens anciens et stables, elle n'est nécessairement pas dépourvue de liens dans son pays d'origine où elle a vécu selon ses dires jusqu'à l'âge de 36 ans. Sa seule implication dans des associations religieuses locales, à l'exclusion de toute autre activité, ne suffit pas à établir son intégration socio-professionnelle en France. Si elle soutient aussi être la seule à pouvoir assister sa tante de nationalité française, invalide à 80 %, pour accomplir les actes de la vie quotidienne, elle ne l'établit pas par la production d'un certificat médical du médecin traitant de sa tante du 31 juillet 2019 attestant que l'état de santé de cette dernière "nécessite la présence d'une tierce personne 24 h/24", alors qu'au demeurant sa tante bénéficie de prestations de service à la personne par une association, soit 17 heures par semaine dont il n'est pas établi qu'elles ne pourraient pas être augmentées et que sa tante a deux enfants en France. Dans ces conditions et alors même que la requérante n'a pas troublé l'ordre public, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le premier juge, qui a examiné son droit au séjour sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, a pu à bon droit estimer que le refus de titre de séjour en litige ne méconnaissait ni les stipulations de cet accord, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

4. En second lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Si la requérante se prévaut de la nécessité de sa présence aux côtés de sa tante, de l'absence de liens conservés dans son pays d'origine et de son intégration socio-professionnelle en France, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ou un motif exceptionnel de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de régularisation d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 qu'en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour et d'admission exceptionnelle au séjour, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

6. Dès lors que la requérante ne peut se prévaloir de la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi qu'il a été dit au point 3, elle pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

7. En l'absence d'argumentation spécifique invoquée par Mme B... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien et de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en prenant la mesure d'éloignement en litige par les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5, 6 et 7 qu'en l'absence d'illégalité de la mesure d'éloignement, la décision portant délai de départ volontaire n'est pas dépourvue de base légale.

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ". En se bornant à demander qu'un temps plus long lui soit accordé pour organiser son retour en Algérie et pour trouver une aide régulière pour sa tante invalide, la requérante n'invoque pas de circonstances propres au sens du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours lui soit accordé. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me D... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A... D....

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme C..., première conseillère;

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 1er juin 2021.

6

N° 19MA03468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03468
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : TAUPENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-01;19ma03468 ?
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