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28/05/2021 | FRANCE | N°20MA01334

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 28 mai 2021, 20MA01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902050 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mar

s 2020, sous le n° 20MA01334, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902050 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, sous le n° 20MA01334, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de renouveler son titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir ou, à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil Me B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que son partenaire était en situation irrégulière sur le territoire français, son titre de séjour ayant expiré depuis le 29 octobre 2018 ;

- sa situation répond aux prescriptions de l'article 2, b) de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2014 ;

- l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît la directive 2004/38/CE du 29 avril 2014 ;

- le préfet a commis une erreur de droit et privé l'arrêté contesté de base légale en examinant sa demande sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- leur communauté de vie est établie.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 21 février 2020.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 15 février 1978, de nationalité géorgienne, est entrée en France le 16 décembre 2009. Elle est pacsée depuis le 15 février 2016 avec un ressortissant estonien. Le 20 mai 2016, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de membre de famille d'un ressortissant de l'union européenne. Par un arrêté du 25 novembre 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été annulé par un jugement n° 1700583 du 16 juin 2017 du tribunal administratif de Nice. En exécution de ce jugement, le préfet lui a délivré une carte de séjour d'une durée d'un an. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 5 juin 2018. Par un arrêté du 6 avril 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Mme D... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de droit en estimant que son partenaire était en situation irrégulière sur le territoire français, son titre de séjour ayant expiré depuis le 29 octobre 2018. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent ", ces dernières dispositions définissant le " membre de la famille " par : " a) le conjoint ; / b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un Etat membre, si, conformément à la législation de l'Etat membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'Etat membre d'accueil ; / (...) ". Par ailleurs, l'article 3, paragraphe 2, de la même directive prévoit que : " Sans préjudice d'un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l'intéressé, l'État membre d'accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l'entrée et le séjour des personnes suivantes : / a) tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n'est pas couvert par la définition figurant à l'article 2, point 2), si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l'Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal, ou lorsque, pour des raisons de santé graves, le citoyen de l'Union doit impérativement et personnellement s'occuper du membre de la famille concerné ; / b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. / L'État membre d'accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d'entrée ou de séjour visant ces personnes ".

4. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose ces dispositions : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / (...) 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3. ". L'article L. 121-3 du même code précise que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois ". Aux termes de l'article R. 121-2-1 de ce code : " Après un examen de sa situation personnelle, l'autorité administrative peut appliquer les dispositions des articles R. 121-1 et R. 121-2 à tout ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas des 4° et 5° de l'article L. 121-1 : / (...) 3° S'il atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un ressortissant mentionné aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 121-1 ". Il résulte de ces dispositions que les liens autres que matrimoniaux doivent faire l'objet d'un examen de la situation personnelle du demandeur du titre de séjour et ne permettent pas la délivrance automatique d'un tel titre.

5. D'autre part, aux termes de l'article 515-1 du code civil, issu de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : " Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ". Les articles L. 515-2 et suivants définissent le régime du pacte civil de solidarité, l'article 515-4 précisant que : " Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle. Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun " et l'article 515-5 que : " Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l'article 515-3, chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ". En vertu de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'obtention d'un titre de séjour. Il en résulte que la loi du 15 novembre 1999 crée une nouvelle forme d'union légale entre deux personnes physiques majeures distincte de l'institution du mariage et ne peut être interprétée comme assimilant de manière générale les partenaires liés par un pacte civil de solidarité aux personnes mariées.

6. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que le législateur a fait le choix de réserver le bénéfice du régime des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transposent le droit de séjourner librement sur le territoire des États membres prévu par la directive du 29 avril 2004, aux seuls conjoints, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité bénéficiant des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité qui favorisent leur droit au séjour, conformément aux objectifs fixés par l'article 3, paragraphe 2, de la directive. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a commis ni erreur de droit ni entaché l'arrêté contesté d'un défaut de base légale en examinant la demande de la requérante sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il ressort des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que le législateur a procédé à la transposition complète de la directive n° 2004/38/CE susvisée et que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent pas les objectifs fixés par cette directive. Mme D... ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance de cette directive par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 16 décembre 2009 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour. Le 15 février 2016, elle a conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité estonienne. Toutefois, les nouvelles pièces qu'elle produit devant la Cour consistant en des quittances de loyers et un bail de location d'un appartement ne présentent pas de valeur probante suffisante dès lors que ce sont les mêmes pièces que celles produites en première instance avec l'ajout manuscrit du nom de son partenaire. Ainsi, elle ne démontre pas l'effectivité d'une communauté de vie ancienne et stable. Par ailleurs, Mme D... n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions et alors même qu'elle bénéficie d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi de serveuse et effectue des missions d'intérim et nonobstant la présence de son frère en France, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 avril 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme D....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2021.

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N° 20MA01334

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01334
Date de la décision : 28/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ROSSLER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-28;20ma01334 ?
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