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28/05/2021 | FRANCE | N°20MA00238

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 28 mai 2021, 20MA00238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902459 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 janvier 2020, le 8 décembre 2020 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902459 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 janvier 2020, le 8 décembre 2020 et le 10 mai 2021, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, durant cet examen, un récépissé lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ou, à défaut, ou en cas d'absence ou de retrait de bénéfice d'aide juridictionnelle, à verser à son profit.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne se prononce pas sur l'un des moyens qu'il a soulevés ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que, pour demander l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019, M. C... a notamment soutenu que le préfet n'avait pas procédé à un examen approfondi de sa situation. Le tribunal a rejeté la demande de M. C... sans répondre à ce moyen, qu'il n'a d'ailleurs pas visé, et qui n'était pas inopérant. L'intéressé est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est, par ce motif, entaché d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice.

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent et est donc suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait fait état, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour ou à l'occasion de ses demandes de renouvellement de récépissés, de la situation des membres de sa famille en France, particulièrement du fait que son père est français, que sa mère est titulaire d'une carte de résident et que, s'agissant des membres de sa fratrie, soit ils ont la nationalité française, soit ils sont titulaires d'une carte de résident. Il n'appartenait aucunement au préfet de solliciter de la part de M. C... des informations complémentaires concernant sa situation. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en se bornant à ne prendre en considération que le pacte civil de solidarité avec une ressortissante française dont il se prévalait au soutien de sa demande de titre de séjour, le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et approfondi de cette demande.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

7. Si M. C... allègue résider en France de manière continue depuis l'année 2008 en indiquant qu'il y a rejoint les membres de sa famille, il n'établit toutefois, par les pièces qu'il a produites dans l'instance, ni la réalité de cette allégation, ni l'existence de liens suffisamment intenses, anciens et stables sur le territoire français. S'il se prévaut du pacte civil de solidarité qu'il a conclu en 2016 avec une ressortissante française, il ne fournit aucune pièce justifiant de la communauté de vie avec sa compagne. Enfin, s'il fait valoir qu'il exerce une activité salariée lui permettant de subvenir à ses propres besoins sans demeurer une charge pour l'Etat français, il ne produit que quelques contrats de travail et des bulletins de salaire pour des emplois ponctuels obtenus en contrat à durée déterminée dans le cadre d'un surcroît d'activité de l'employeur au titre des années 2011 et 2012. Dans ces conditions et compte tenu notamment de ses conditions de séjour en France et du fait qu'il a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de 25 ans, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cet arrêté ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 31311 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

9. La situation de M. C... ne relève pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'ils puissent révéler que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11, ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 du même code. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

11. A supposer même que M. C... ait entendu se prévaloir des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit pas, par les quelques pièces éparses qu'il a produites dans l'instance, sa présence continue sur le territoire français depuis 2008 et ne justifie ainsi pas y résider habituellement depuis plus de dix ans. En outre, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que l'intéressé n'entre pas dans les catégories lui permettant de prétendre à un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande doit être écarté.

12. M. C... n'est ainsi pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté. Il y a lieu, par conséquent, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées tant en appel qu'en première instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021.

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N° 20MA00238

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00238
Date de la décision : 28/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-28;20ma00238 ?
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