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27/05/2021 | FRANCE | N°20MA02387

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 27 mai 2021, 20MA02387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant malade ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908398 du 6 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 15 juillet 2020, Mme E... épouse G..., représentée par Me H..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant malade ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908398 du 6 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2020, Mme E... épouse G..., représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant malade ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa qualité de parent d'enfant malade.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme E... épouse G... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. D... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me H... représentant Mme E... épouse G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... épouse G... relève appel du jugement du 6 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant malade ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

3. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet des Bouches-du-Rhône pour apprécier la situation médicale des filles de la requérante, Hidayat Allah qui, née le 23 juin 2001, souffre d'une arthrite juvénile oligo-articulaire tendue et persistante et d'un retard mental modéré, et F... qui, née le 10 août 2012, souffre d'un syndrome d'Angelman, maladie génétique responsable d'un lourd retard psychomoteur et de crises d'épilepsie, a, dans ses avis émis le 20 janvier 2019, conclu que leurs états de santé nécessitaient une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que ces enfants pouvaient bénéficier de traitements appropriés dans leur pays d'origine. Toutefois, il ressort des certificats médicaux produits par la requérante que l'état de santé de Hidayat n'était pas traité efficacement en Algérie, entrainant un handicap physique important, et que le traitement suivi actuellement, consistant essentiellement en un suivi multidisciplinaire complexe par orthophoniste, kinésithérapeute, orthoptiste, éducateur, rhumatologue et pédiatre, est essentiel pour éviter de nouvelles poussées inflammatoires, une aggravation de son pronostic fonctionnel et des douleurs insomniantes et permanentes. En outre, il ressort des pièces du dossier que la maladie génétique de F... n'a pu être diagnostiquée qu'en France et qu'elle n'a pu bénéficier qu'en France d'un traitement et d'un suivi adapté à sa maladie. La jeune F... a besoin d'un suivi pluridisciplinaire et médicosocial ainsi que d'un suivi médical et neurologique et le Dr Roussel, neuropédiatre, atteste de ce que les soins pluridisciplinaires n'ont pas d'équivalents en Algérie. Par suite et dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme E... épouse G... est fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'une autorisation de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme E... épouse G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, et à demander l'annulation du jugement ainsi que de l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de séjour du 7 mai 2019 assortie d'une obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement, eu égard aux motifs du présent arrêt, et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressé, la délivrance à l'intéressée du certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme E... épouse G... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. L'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". La demande d'aide juridictionnelle de Mme E... épouse G... ayant été rejetée, celle-ci peut seulement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Mme E... épouse G... en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à Mme E... épouse G... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délivrance à Mme E... épouse G... d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme E... épouse G... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse G... et au ministre de l'intérieur.

Copies-en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 où siégeaient :

- M. D..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

2

N° 20MA02387

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02387
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CAPDEFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-27;20ma02387 ?
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