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20/05/2021 | FRANCE | N°20MA01746

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 20 mai 2021, 20MA01746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... D... et M. J... G... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à leur verser en leur qualité d'ayants-droit de M. C... G... la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de M. G... et, à titre subsidiaire, de condamner cet établissement de soins à ver

ser à Mme A... D..., en son nom propre, la somme de 16 500 euros et, en sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... D... et M. J... G... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à leur verser en leur qualité d'ayants-droit de M. C... G... la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de M. G... et, à titre subsidiaire, de condamner cet établissement de soins à verser à Mme A... D..., en son nom propre, la somme de 16 500 euros et, en sa qualité d'ayant-droit de M. C... G..., la somme de 30 670,19 euros, et à M. J... G..., en son nom propre, la somme de 9 500 euros et, en sa qualité d'ayant-droit de M. C... G..., la somme de 92 101,57 euros, et d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer de communiquer le dossier médical de M. G... sous astreinte.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser les sommes de 246 918,71 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1704816 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à verser les sommes de 2 407,50 euros à Mme A... D..., de 7 222,50 euros à M. J... G... en leur qualité d'ayants-droit de M. C... G... et de 106 548,36 euros et 1 066 euros à la CPAM du Var au titre, d'une part, des débours et, d'autre part, de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2020 et le 30 septembre 2020, Mme A... D... et M. G..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité aux sommes de 2 407,50 euros et de 7 222,50 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer en réparation des préjudices subis par Mme A... D... et M. J... G... ;

2°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une expertise complémentaire, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à leur verser une provision de 10 000 euros et d'enjoindre audit centre hospitalier de communiquer le dossier médical de M. C... G... sous astreinte de cinquante euros par jours de retard ;

3°) à titre subsidiaire, de porter le montant des indemnités dues à Mme A... D..., en son nom propre, à la somme de 16 500 euros et, en sa qualité d'ayant-droit de M. C... G..., à la somme de 30 670,19 euros et à M. J... G..., en son nom propre, à la somme de 9 500 euros et, en sa qualité d'ayant-droit de M. C... G..., à la somme de 92 101,57 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- une expertise médicale complémentaire est nécessaire ;

- le dossier médical communiqué n'est pas complet ;

- la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer est engagée du fait d'un retard de diagnostic ;

- le taux de perte de chance a été justement fixé à 50%, mais l'ensemble des préjudices a été sous-évalué.

Par un mémoire, enregistré le 27 août 2020, la CPAM du Var, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise complémentaire ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement a condamné le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser les sommes de 106 548,36 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant des débours exposés pour le compte de son assuré social s'élève à 246 918,71 euros ;

- le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer a procédé au règlement des condamnations prononcées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'expertise demandée ne présente pas d'utilité ;

- le dossier médical a été communiqué dans son intégralité ;

- le versement d'une provision est sans objet dans le cadre d'un règlement au fond du litige ;

- le taux de perte de chance a été justement fixé à 50% ;

- les dépenses de santé actuelles et les frais d'aménagement du domicile doivent être rejetés ;

- la victime n'a pas subi de perte de gains professionnels actuels ni d'incidence professionnelle ;

- il n'y a pas lieu à indemnisation des préjudices d'agrément, sexuel et d'établissement qui ne sont pas établis, ni à celui du préjudice moral des victimes indirectes ;

- les autres préjudices ont été suffisamment évalués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à verser à Mme A... D... la somme de 2 407,50 euros, à M. J... G... la somme de 7 222,50 euros en leur qualité d'ayants-droit de M. C... G... et, à la CPAM du Var, les sommes de 106 548,36 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Mme A... D... et M. J... G... relèvent appel de ce jugement en sollicitant, à titre principal, une mesure d'expertise médicale complémentaire, le versement d'une provision de 10 000 euros et la communication sous astreinte de l'intégralité du dossier médical de M. G... et, à titre subsidiaire, une meilleure indemnisation de leurs préjudices tant à titre personnel qu'en leur qualité d'ayants-droit de M. C... G..., leur fils et frère. La CPAM du Var demande, à titre principal, que ses droits soient réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise complémentaire et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement attaqué en ce qui la concerne. Le centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne-sur-Mer conclut au rejet de la requête.

Sur la responsabilité et le taux de perte de chance :

2. Il résulte du rapport de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Provence-Alpes-Côte d'Azur, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'en ne diagnostiquant pas la septicémie responsable de la constitution d'une spondylodiscite dorsale dès la tomodensitométrie pratiquée le 3 juin 2014, le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

3. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment des factures de frais de copie éditées par le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, que ce dernier a communiqué, à deux reprises, le dossier médical de M. C... G... aux requérants. Par leurs seules affirmations, ces derniers n'établissent pas que ce dossier aurait été incomplet pour n'avoir pas comporté les clichés et le compte-rendu de la tomodensitométrie pratiquée sur le patient le 3 juin 2014, qui ont d'ailleurs été examinés et commentés par les médecins chargés de l'expertise ordonnée par la CRCI. D'autre part, en se bornant à procéder par des affirmations qui ne sont étayées par aucun élément de nature médicale susceptible d'établir que les médecins experts auraient sous-évalué l'état du patient et sous-estimé l'ampleur des responsabilités médicales en s'abstenant de tenir compte du caractère nosocomial de l'infection par staphylocoque doré responsable de la spondylodiscite, les requérants ne démontrent pas qu'une nouvelle expertise serait nécessaire, ni n'établissent que les experts de la CRCI auraient, en le fixant à 50%, insuffisamment évalué le taux de perte de chance de M. C... G... d'éviter la survenue d'une complication neurologique.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à bon droit que les premiers juges, au vu des conclusions de l'expertise ordonnée par la CRCI qui, comme il vient d'être dit, ne sont pas sérieusement critiquées, ont retenu que le retard fautif de diagnostic de la spondylodiscite dont il a été atteint a fait perdre à M. C... G... 50% de chances d'éviter la survenue de complications neurologiques.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de M. C... G... :

5. Les requérants n'établissent pas plus en appel qu'en première instance que des dépenses de santé, et notamment des frais de kinésithérapie, en lien avec le retard de diagnostic commis par le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, seraient restés à la charge du patient.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C... G... qui était, à la date de la faute médicale imputable à l'établissement de soins, en arrêt maladie en raison du cancer dont il souffrait, n'a subi aucune perte de gain professionnel actuel. Par ailleurs, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le patient a repris son activité professionnelle avant son décès le 19 avril 2017 alors que les médecins experts indiquent qu'il était apte à la reprise de cette activité dans les conditions antérieures, il ne peut prétendre à l'indemnisation de l'incidence professionnelle.

7. Il résulte du rapport d'expertise que l'état de santé de M. C... G..., qui est apte à réaliser de manière autonome les actes de la vie courante, ne nécessite pas d'aménagement particulier de son logement.

8. M. C... G... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 27 mai au 10 juin 2014 et du 14 juillet au 1er décembre 2014 et des périodes de déficit fonctionnel temporaire au taux de 50 % du 11 juin au 14 juillet 2014, de 25% du 2 décembre 2014 au 24 janvier 2015 et de 10% du 25 janvier 2015 au 3 mai 2016. Le tribunal administratif a fait une évaluation suffisante de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à la somme de 1 430 euros, après application du taux de perte de chance de 50%.

9. Les premiers juges n'ont pas non plus procédé à une évaluation insuffisante des souffrances endurées par le patient, fixé par les experts à 5 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant, compte-tenu du taux de perte de chance, une indemnité de 8 000 euros.

10. Les premiers juges, qui ont, à juste titre, tenu compte du décès de M. C... G..., le 19 avril 2017, moins d'un an après la consolidation de son état, ont fait une juste estimation de la réparation du déficit fonctionnel permanent de 5 % en allouant la somme de 100 euros après application du taux de perte de chance.

11. Compte-tenu de la durée effective de sa vie, après consolidation de son état, le tribunal n'a pas indemnisé de manière insuffisante le préjudice esthétique estimé par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7 par la somme de 100 euros compte-tenu du taux de perte de chance.

12. Les requérants n'établissent pas davantage en appel qu'en première instance la réalité du préjudice d'agrément de M. C... G... qu'ils invoquent. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire qu'ils présentent à ce titre.

13. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que M. C... G... aurait subi un préjudice sexuel et un préjudice d'établissement en lien avec le retard de diagnostic, lesquels n'ont par ailleurs pas été retenus par les experts.

En ce qui concerne les préjudices de Mme A... D... et M. J... G... :

14. Les premiers juges ont à juste titre considéré qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser le préjudice moral de Mme A... D... et de M. J... G... en l'absence de lien entre le décès du patient et la faute imputable au centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer.

En ce qui concerne les débours de la CPAM du Var :

15. Eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 4, il y a lieu de rejeter les conclusions par lesquelles la CPAM du Var demande, à titre principal, que ses droits soient réservés jusqu'au dépôt du rapport d'une expertise complémentaire. Il y a lieu de rejeter les conclusions, présentées à titre subsidiaire, par lesquelles elle se borne à demander la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il lui a alloué la somme de 106 548,36 euros au titre de ses débours définitifs, compte tenu du taux de perte de chance.

Sur la demande de provision :

16. Le présent arrêt statuant au fond sur les demandes indemnitaires de Mme A... D... et M. G..., leurs conclusions tendant au versement d'une provision sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... et M. G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n'a pas fait intégralement droit à leurs demandes. Par ailleurs, il y a lieu de rejeter les conclusions de la CPAM du Var.

18. Les conclusions présentées par Mme A... D... et M. G... et par la CPAM du Var au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... D... et M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CAPM du Var sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... A... D..., à M. J... G..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021.

2

N° 20MA01746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01746
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-20;20ma01746 ?
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