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12/05/2021 | FRANCE | N°19MA01942

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 12 mai 2021, 19MA01942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le maire d'Eyguières a retiré le permis de construire accordé le 7 avril 2017, pour la démolition d'un abri de 6 m² et la reconstruction d'une maison de 64 m² sur une parcelle cadastrée section BM n° 219 située route de Sénas, lieudit les Cadenières ;

Par un jugement n° 1706005 du 18 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 avril 2019 et le 8 juillet 2020, M. I....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le maire d'Eyguières a retiré le permis de construire accordé le 7 avril 2017, pour la démolition d'un abri de 6 m² et la reconstruction d'une maison de 64 m² sur une parcelle cadastrée section BM n° 219 située route de Sénas, lieudit les Cadenières ;

Par un jugement n° 1706005 du 18 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 avril 2019 et le 8 juillet 2020, M. I..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Eyguières la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a refusé d'admettre qu'il avait obtenu un permis tacite le 8 janvier 2017 ; le retrait de ce permis tacite intervenu le 27 juin 2017 est tardif au regard de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- il justifie que la construction existante a été édifiée avant 1943 et peut ainsi bénéficier des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme sur la reconstruction à l'identique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2020, la commune d'Eyguières, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. I... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. G... F..., en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique,

- et les observations de Me H... représentant M. I... et de Me E..., substituant Me C..., représentant la commune d'Eyguières.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire d'Eyguières a, par arrêté du 27 juin 2017 retiré le permis de construire qu'il avait accordé le 7 avril 2017 à M. I... pour la démolition d'un abri de 6 m² et la reconstruction d'une maison de 64 m² sur une parcelle cadastrée section BM n° 219 située route de Sénas, lieudit les Cadenières, classée en zone " Nr " du plan local d'urbanisme, qui interdit la construction d'une nouvelle habitation. Celui-ci relève appel du jugement du 18 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 juin 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. ". L'article R. 423-19 du même code précise que " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " et l'article R. 423-22 du même code que : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Enfin, l'article R. 423-38 du même code dispose que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ".

3. Et en vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme le permis de construire ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. I... a déposé le 8 novembre 2016 une demande de permis de construire, qui lui a été accordé par une décision explicite du 7 avril 2017. M. I... soutient toutefois qu'il aurait obtenu un permis tacite le 8 janvier 2017. Néanmoins il est constant que le projet prévoyait la réalisation d'un assainissement non-collectif. Et la commune justifie avoir adressé par pli recommandé avec accusé de réception, non retiré par le pétitionnaire, le 24 novembre 2016, soit dans le délai d'un mois imparti par l'article R. 423-38 précité du code de l'urbanisme, une demande de pièces complémentaires, listant plusieurs pièces manquantes, parmi lesquelles l'attestation de conformité du projet d'installation d'assainissement non collectif prévu à l'article R. 431-16 c) du code de l'urbanisme et informant le pétitionnaire qu'il disposait d'un délai de trois mois pour produire ces pièces et que le délai d'instruction commencerait à courir à compter de la réception en mairie de ces pièces. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que le dossier était complet dès le 11 janvier 2017 alors qu'il ressort des pièces du dossier que c'est seulement le 8 mars 2017 qu'a été obtenue l'attestation de conformité de l'assainissement non collectif. Il ressort d'ailleurs de l'autorisation accordée le 7 avril 2017 que le dossier a été complété le 8 mars 2017. En application de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme précité, le délai d'instruction n'a donc pas pu commencer à courir avant la date à laquelle le dossier était regardé comme complet, soit avant le 8 mars 2017. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'un permis tacite serait né le 8 janvier 2017, dans le délai de deux mois suivant le dépôt de sa demande d'autorisation. Le moyen selon lequel la décision de retrait du 27 juin 2017 serait intervenu au-delà du délai de retrait prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dès lors qu'un permis tacite serait né le 8 janvier 2017 ne peut, par suite, qu'être écarté.

5. En second lieu, la décision de retrait attaquée se fonde sur le fait que la construction existante sur la parcelle d'assiette du projet n'a pas d'existence légale et ne peut par conséquent bénéficier des dispositions permettant la reconstruction à l'identique.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'un bâtiment a été régulièrement construit, seules des dispositions expresses de la réglementation locale d'urbanisme prévoyant l'interdiction de la reconstruction à l'identique de bâtiments détruits par sinistre ou démolis peuvent faire légalement obstacle à sa reconstruction. En l'espèce il ne ressort pas du plan local d'urbanisme communal qu'une disposition exclut le droit de reconstruction à l'identique.

7. D'autre part, il résulte tant des termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, anciennement codifié à l'article L. 111-3 du même code, que des travaux parlementaires qui ont présidé à son adoption que le législateur, dans un souci d'équité et de sécurité juridique, a entendu reconnaître au propriétaire d'un bâtiment détruit par un sinistre le droit de procéder à la reconstruction à l'identique de celui-ci dès lors qu'il avait été régulièrement édifié, ce qui est notamment le cas lorsqu'il avait été autorisé par un permis de construire. Et il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

8. En l'espèce d'une part si M. I... soutient que la construction présente sur son terrain aurait été édifiée avant le 15 juin 1943, date de l'instauration de la législation sur les permis de construire, et qu'elle doit être dès lors regardée comme ayant été régulièrement édifiée, il n'apporte pas d'éléments suffisamment probants au soutien de son allégation en se bornant à se prévaloir d'un plan cadastral extrait du site " remonter le temps " pour l'année 1930 qui ne permet pas de déterminer si les traits visibles représenteraient la construction en cause. Si le plan cadastral extrait du même site pour l'année 1947 permet de distinguer une construction, cette seule pièce n'est pas suffisante pour démontrer que la construction serait antérieure à 1943. En outre, il ressort du document Cerfa modèle " H1 " enregistré au centre départemental des impôts fonciers de Tarascon le 8 juillet 1999, joint dans la demande d'autorisation elle-même, qu'est mentionnée une " année de construction 1950 ". D'autre part, il est constant que la construction existante n'a pas fait l'objet d'une autorisation de construire. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour retirer l'autorisation qui lui avait été accordée, le maire d'Eyguières s'est fondé sur l'absence d'existence légale de la construction présente sur le terrain d'assiette du projet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. I... dirigées contre la commune d'Eyguières qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... la somme que demande la commune d'Eyguières en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Eyguières formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... I... et à la commune d'Eyguières.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- M. F..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2021.

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N° 19MA01942

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01942
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite - Existence ou absence d'un permis tacite - Absence.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : BOULISSET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-12;19ma01942 ?
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