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11/05/2021 | FRANCE | N°19MA03487

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mai 2021, 19MA03487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lucie Fruits et Légumes a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701731 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, la SARL Lucie Fruits et Légume

s, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lucie Fruits et Légumes a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701731 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, la SARL Lucie Fruits et Légumes, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 mai 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de taxation d'office est irrégulière dès lors qu'elle justifie avoir déposé dans le délai légal la déclaration des résultats de l'exercice clos en 2014 ;

- concernant le report de la provision de 60 557 euros, elle est fondée à bénéficier du régime de faveur prévu par l'article 151 octies du code général des impôts s'agissant de l'apport par Mme A... du fonds de commerce à la société, qui n'est pas une cession à titre onéreux ;

- la dotation aux provisions pour un montant de 51 830 euros a été régulièrement comptabilisée et déclarée dans le délai légal et la provision sur clients douteux est justifiée ;

- concernant le compte d'attente non soldé, il s'agit pour l'essentiel de fournisseurs et de dépenses liées à l'activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Lucie Fruits et Légumes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Lucie Fruits et Légumes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les déclarations relatives à l'impôt sur les sociétés des exercices clos au 30 septembre 2013 et 30 septembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration lui a notifié des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre de ces exercices. La SARL Lucie Fruits et Légumes relève appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires ainsi mises à sa charge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont taxés d'office : (...) / 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

3. La SARL Lucie Fruits et Légumes reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en faisant valoir qu'elle a déposé, dans le délai légal, la déclaration de résultats de l'exercice clos en 2014. Par suite, il y a lieu de l'écarter paradoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 4 de son jugement.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le report de la provision de 60 557 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013 :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...). Les provisions qui, en tout ou en partie, (...) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux redressements nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet. Dans ce cas, les provisions sont, s'il y a lieu, rapportées aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification ". Aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 201 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise (...) dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en règle générale, en cas de cession d'une entreprise individuelle, les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges que des événements en cours rendaient probables doivent être rapportées aux résultats d'exploitation en vue de l'imposition immédiate des bénéfices réalisés dans cette entreprise qui n'ont pas encore été imposés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le risque en considération duquel les provisions ont été passées n'aurait pas disparu à la date de cession de l'entreprise. Il ne saurait, en conséquence, être constitué aucune provision nouvelle dans le bilan de clôture établi avant la cession ou l'apport de l'entreprise. La seule exception permettant de déroger à cette obligation est constituée par le régime de faveur de l'article 151 octies du même code, qui n'exclut pas la possibilité de maintenir des provisions dont l'imposition serait différée, à condition que ces provisions soient reprises dans les mêmes conditions que celles de leur constitution par le bénéficiaire de l'apport.

5. L'article 151 octies du code général des impôts prévoit le bénéfice du report d'imposition des plus-values : " réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'apport d'une entreprise individuelle doit comprendre, en principe, l'ensemble des éléments d'actif et de passif y afférents, y compris les éléments de l'actif circulant, les dettes ou les emprunts bancaires. Les apports réalisés à titre onéreux, notamment lorsque la société bénéficiaire prend en charge tout ou partie du passif personnel de l'apporteur, ou crédite son droit de créance dans un compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société doivent s'analyser comme de véritables ventes qui n'entrent pas dans les prévisions des dispositions de l'article 151 octies du code précité.

6. La SARL Lucie Fruits et Légumes, qui a repris le fonds de commerce exploité précédemment par Mme A..., a inscrit une provision sur compte " clients " au passif du bilan du premier exercice. Selon les termes du contrat, l'apport du fonds de commerce a été rémunéré par des parts sociales. Toutefois, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les autres éléments d'actif et de passif, constituant l'ensemble de l'entreprise, ont été rémunérés par inscription de la somme 130 891 euros en compte courant d'associé. La somme portée au crédit du compte courant ouvert au nom de l'apporteur dans les écritures de la société bénéficiaire des apports en application des termes de l'acte d'apport, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle était inscrite au passif du bilan de l'entreprise individuelle, ne peut pas être regardée, en l'absence de toute justification ou précision dans les écritures de la requérante qui se borne à faire valoir que l'apport ne peut être regardé comme une cession à titre onéreux, comme constituant un passif professionnel ou une dette d'exploitation de l'entreprise. Dans ces circonstances, l'apport en litige doit être considéré comme étant réalisé à titre onéreux et ne peut bénéficier du régime de report d'imposition prévu à l'article 151 octies du code général des impôts. Par suite, l'administration était fondée à remettre en cause le report de la provision de 60 557 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013.

En ce qui concerne la provision de 51 830 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2013 :

7. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges, qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Seules peuvent être prises en compte pour la détermination du bénéfice net d'un exercice les opérations faites par le contribuable avant la clôture de l'exercice. Si le contribuable a la faculté de prendre, après la date de clôture de l'exercice et jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, des décisions d'ordre purement interne relatives à des écritures telles que les provisions, il lui appartient d'apporter la preuve que l'écriture correspondante a bien été passée avant la fin dudit délai de déclaration.

8. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 223 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la déclaration du bénéfice ou du déficit est faite dans les trois mois de la clôture de l'exercice. Si l'exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, la déclaration est à déposer jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai (...) ". Aux termes de l'article 1649 quater B du même code : " I. - Les déclarations d'impôt sur les sociétés et leurs annexes relatives à un exercice sont souscrites par voie électronique. (...) ". Aux termes de l'article 344 I ter de l'annexe III au même code : " I. - Pour l'application des articles 1649 quater B bis et 1649 quater B quater du code général des impôts, les déclarations professionnelles, leurs annexes et tout document les accompagnant sont transmis par voie électronique à la direction générale des impôts, soit par l'intermédiaire d'un organisme relais, partenaire de la direction générale des impôts pour les échanges de données informatisées, dénommé " partenaire EDI " et choisi par les contribuables, soit par les contribuables eux-mêmes s'ils ont acquis cette qualité. Le " partenaire EDI " est habilité à agir pour le compte des contribuables dans les conditions fixées soit par le contrat d'adhésion qui lie l'administration et le contribuable, lorsque la transmission par voie électronique est facultative, soit par arrêté du ministre chargé du budget, lorsque la transmission par voie électronique est obligatoire en application de l'article 1649 quater B quater du code précité. ".

9. L'administration a réintégré la provision de 51 830 euros aux résultats de l'exercice clos en 2013 au motif que la société requérante n'avait pas déposé sa déclaration de résultats avant l'expiration du délai légal de déclaration. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions de la proposition de rectification, que la SARL Lucie Fruits et Légumes a déposé sa déclaration des résultats de l'exercice clos au 30 septembre 2013 le 2 avril 2014, soit après l'expiration du délai prévu au 1 de l'article 223 du code général des impôts. La société soutient avoir procédé, avant l'expiration du délai, au dépôt de la déclaration de résultats par une télédéclaration et produit un document de déclaration mode Transfert des Données Fiscales et Comptables intitulé (TDFC) " Aperçu " ainsi qu'un bilan de retour de déclaration qui porte la mention " accepté par le destinataire " à la date du 17 décembre 2013. Toutefois, il résulte des précisions, non contredites, apportées par l'administration que l'émetteur, mentionné sur le document justificatif, est l'entreprise Eureka, sise 54 chemin des Moulins à Cheval Blanc, ayant pour activité le conseil en entreprise, qui ne figure pas sur la liste des " partenaires EDI " agréés par l'administration fiscale. En outre, l'administration fait valoir sans être contredite que la consultation du compte professionnel de l'entreprise permet de constater l'absence de déclaration déposée par voie électronique au titre de l'exercice en cause. De plus, l'examen des documents fournis met en évidence plusieurs anomalies. Ainsi, au paragraphe " Dossier ", l'adresse et le n° siret de la SARL Lucie Fruits et Légumes ne correspondent pas à l'adresse de l'entreprise à la date de clôture de l'exercice 2013. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a souscrit sa déclaration de résultats avant l'expiration du délai légal. Par ailleurs, par la seule production des mentions figurant sur une copie du grand livre général, édité le 30 septembre 2014, elle ne peut être regardée comme rapportant la preuve que la provision en litige était inscrite en comptabilité avant l'expiration du délai de déclaration se rapportant à l'exercice 2013. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la provision de 51 830 euros.

En ce qui concerne le compte d'attente non soldé de 5 531 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2013 :

10. La SARL Lucie Fruits et Légumes reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que c'est à tort que l'administration a réintégré la somme de 5 531 euros à son bénéfice. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 11 de son jugement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Lucie Fruits et Légumes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Lucie Fruits et Légumes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Lucie Fruits et Légumes et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.

4

N° 19MA03487

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03487
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MARINO-PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-11;19ma03487 ?
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