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11/05/2021 | FRANCE | N°19MA01135-21MA00687

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mai 2021, 19MA01135-21MA00687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, et des pénalités dont elles ont été assorties.

Par un jugement n° 1701007 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12

mars 2019, le 2 décembre 2019, le 15 avril 2020 et le 15 mars 2021, M. H..., représenté par Me B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, et des pénalités dont elles ont été assorties.

Par un jugement n° 1701007 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mars 2019, le 2 décembre 2019, le 15 avril 2020 et le 15 mars 2021, M. H..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 29 septembre 2014 est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que l'administration a imposé les revenus issus de la société civile immobilière (SCI) de Barbicaja, dont il est l'unique associé, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux alors qu'ils relèvent de la catégorie des revenus fonciers, compte tenu du caractère purement civil de la nouvelle activité exercée par la SCI depuis 2009, consistant en la location d'immeubles d'habitation non meublés ;

- l'administration n'est pas fondée à motiver les rehaussements en litige en s'appuyant sur les dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts ;

- le rehaussement du bénéfice de la SCI de Barbicaja au titre de l'année 2011 opéré par l'administration constitue un supplément d'apport au crédit du compte courant d'associé sur la SCI qui devait venir en déduction du bénéfice imposable de la société par diminution de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ;

- compte tenu du caractère exceptionnel, en raison de leur montant, des revenus retenus par l'administration, il est fondé à bénéficier du mécanisme du quotient prévu par les articles 163-0 A et 223 sexies du code général des impôts ;

- la somme de 163 714,26 euros, qui constitue le report à nouveau d'une dette provenant d'un exercice antérieur au 1er janvier 2004, doit être extournée du passif injustifié en application du principe du " droit à l'oubli " issu du 2ème alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

- il est fondé à demander l'application du mécanisme de quotient sur la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, prévu au II de l'article 223 sexies du code général des impôts ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour considèrerait que les dispositions de l'article 239 ter du code précité demeurent applicables à la SCI de Barbicaja, et, en application des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il ressort de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-20 n° 90, publiée le 8 octobre 2012, que dans le cas d'une société exerçant conjointement une ou plusieurs activités purement civiles du point de vue fiscal, les résultats afférents à chacune de ces activités conjointes doivent être déterminés selon les modalités qui leur sont propres.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juillet et 17 décembre 2019, et un mémoire non communiqué enregistré le 13 avril 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- faisant droit aux demandes présentées pour la première fois en appel par M. H..., il a procédé à un dégrèvement d'impôt sur le revenu en application du 2ème alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, ainsi qu'un dégrèvement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus en application du mécanisme de quotient prévu au II de l'article 223 sexies du même code ;

- pour le surplus, les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février et le 19 mars 2021, M. H... représenté par Me F..., demande au juge des référés de la Cour de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative le recouvrement des impositions en litige, dans l'attente de la décision sur le fond de la requête n° 19MA01135.

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen de nature à créer un doute sérieux quant au bien-fondé des impositions en litige :

- le régime des sociétés civiles de construction-vente prévu par les dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts cesse de s'appliquer aux sociétés civiles qui se livrent à d'autres opérations que celles qui se rapportent à la construction d'immeubles en vue de la vente ;

- à titre subsidiaire et dans dans le cas où la Cour considérerait que les dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts demeurent applicables à la SCI de Barbicaja, il ressort de la documentation administrative que dans le cas d'une société exerçant conjointement une ou plusieurs activités purement civiles du point de vue fiscal, les résultats afférents à chacune de ces activités conjointes doivent être déterminés selon les modalités qui leur sont propres ;

- l'administration n'établit en aucune manière qu'un profit ait pu être dégagé par la SCI de Barbicaja au cours de l'exercice 2011 ;

- la somme de 163 714,26 euros, qui constitue le report d'une dette provenant d'un exercice antérieur au 1er janvier 2004, doit être extournée du passif injustifié en application du principe du " droit à l'oubli " issu du 2ème alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

En ce qui concerne la situation d'urgence :

- le recouvrement des créances concernées serait de nature à entraîner pour lui la dépossession de son patrimoine immobilier et, par suite, des conséquences graves, immédiates et difficilement réparables, justifiant ainsi une situation d'urgence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, et un mémoire enregistré le 30 mars 2021 non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et que celle tenant au doute sérieux quant au bien-fondé des rectifications fait défaut.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme C...,

- et les observations de M. A... pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 19MA01135, 21MA00687 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. M. H..., a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration fiscale lui a adressé le 29 septembre 2014 une proposition de rectification, selon la procédure contradictoire, tirant notamment les conséquences de la vérification de comptabilité de la SCI de Barbicaja dont il est le gérant et dont il détient 90 % des parts en pleine propriété et 10 % des parts en usufruit. Cette rectification a donné lieu à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 et à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, mises en recouvrement le 31 décembre 2016, pour un montant total de 1 781 258 euros. M. H... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces compléments d'impositions, ainsi que des pénalités correspondantes. Il demande également la suspension du recouvrement de ces impositions en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 19MA01135 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

3. Par une décision du 29 mai 2019, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé un dégrèvement à hauteur de 152 202 euros correspondant, d'une part, au dégrèvement d'impôt sur le revenu en application du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, d'autre part, à l'application du mécanisme de quotient prévu au II de l'article 223 sexies du même code pour le calcul de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de l'année 2011. Les conclusions de la requête de M. H..., sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

En ce qui concerne le surplus des conclusions aux fins de décharge des impositions :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R*57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 29 septembre 2014 mentionne, conformément aux exigences posées par les dispositions précitées des articles L. 57 et R.*57-1 du livre des procédures fiscales, l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition retenue, et qu'elle énonce les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les redressements envisagés en matière de bénéfices industriels et commerciaux, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. Par ailleurs, elle renvoie à celle, du même jour, adressée à la SCI de Barbicaja concernant la rectification en matière de bénéfices industriels et commerciaux, que M. H... ne conteste pas avoir reçue en qualité de gérant, et qui énonce, de manière détaillée, les raisons pour lesquelles l'administration a regardé certaines sommes inscrites au passif du bilan de cette société comme injustifiées. Il en résulte que le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 29 septembre 2014 doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1 Des membres des sociétés civiles (...) qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes du 2 de l'article 206 du code général des impôts, relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes du I de l'article 35 de ce code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières (...). / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) ". Le I de l'article 239 ter du même code prévoit que : " Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés. ".

7. D'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une société civile exerçant l'une des activités visées à l'article 35 du code général des impôts est en principe assujettie à l'impôt sur les sociétés, sauf à ce que, sous les conditions prévues à l'article 239 ter de ce code, elle ait pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente. Ce régime dérogatoire s'applique aux sociétés civiles qui, tout en remplissant les conditions exigées par ces dispositions, ne se livrent pas effectivement, en plus des opérations de construction-vente et réserve faite, le cas échéant, des opérations accessoires à cette activité, à d'autres opérations qui, si elles étaient effectuées isolément, auraient pour conséquence la soumission de ces sociétés à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions combinées des articles 206 et 35 du code général des impôts.

8. D'autre part, le régime d'imposition prévu par ces dispositions cesse de s'appliquer aux sociétés civiles qui, tout en remplissant, par leur objet statutaire et par leur forme, les conditions exigées par ces dispositions, se livrent à d'autres opérations que celles qui se rapportent à la construction d'immeubles en vue de la vente, à moins qu'il n'apparaisse que la réalisation de ces autres opérations, telles, en particulier, que la location accessoire et préalable à leur cession, des immeubles construits, n'a constitué qu'une des modalités par lesquelles la société a mené à bien, conformément à son objet social, la vente de ces immeubles. Il en résulte que, si les produits tirés de locations d'immeubles, accessoires à l'activité principale de construction-vente, sont normalement imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il n'en est pas de même lorsque ces opérations ne sont pas l'accessoire et le préalable aux cessions de ces immeubles.

9. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SCI de Barbicaja, l'administration a relevé l'existence d'un passif injustifié à hauteur de 2 111 393,97 euros inscrit au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2011. Ce passif ayant contribué à minorer l'actif de l'entreprise, l'administration a été conduite à rehausser le bénéfice de la SCI, et à l'imposer entre les mains de M. H... en sa qualité d'associé unique de la SCI au titre de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sur le fondement de l'article 239 ter précité du code général des impôts.

10. Le requérant soutient que les revenus de la SCI devaient être imposés, non pas dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, mais dans celle des revenus fonciers, dès lors que la SCI de Barbicaja avait cessé toute activité de commercialisation depuis 2008 et exerçait depuis lors une activité purement civile de location d'immeubles d'habitation non meublés. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'objet social de la SCI de Barbicaja qui n'a pas été modifié depuis sa création est, aux termes de ses statuts, " la construction en vue de la vente par totalité ou par fraction d'ensemble immobilier devant être affecté pour les 3/4 au moins de la superficie totale à l'habitation ". Si le 4ème alinéa de l'article 2 des statuts de la SCI prévoit également que " les parties de l'immeuble social qui ne seraient pas vendues lors de l'achèvement pourront être louées en attendant leur aliénation ", cette activité de location est présentée comme purement accessoire et liée à la réalisation de son objet social principal. Au cours des années 2009 à 2012, l'activité de la SCI a consisté, en la vente de plusieurs lots du même programme immobilier " Les villas de Barbicaja ", en particulier deux garages en 2009, deux garages en 2010, un appartement et un garage en 2011, ainsi qu'un autre garage en 2012. Au 1er janvier 2011, la SCI de Barbicaja disposait ainsi, dans son stock, d'immeubles issus du programme de construction non encore vendus et pour certains, loués à cette date. Si, au titre de l'exercice 2011, en plus des opérations de promotion immobilière effectivement réalisées, la SCI s'est également livrée à des opérations de location d'immeubles d'habitation non meublés, celles-ci n'ont représenté que 22,31 % du chiffrage d'affaires, le solde provenant de l'activité effective de construction-vente. Par ailleurs, le requérant a spontanément déclaré ses résultats au titre de l'exercice 2011, ainsi qu'il l'a fait depuis la création de la SCI, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux dans le cadre du régime dérogatoire prévu à l'article 239 ter du code général des impôts, et par lettre du 22 décembre 2011, il n'a opté pour le régime des revenus fonciers qu'à compter de l'année suivante en précisant que le programme immobilier serait terminé à cette date. Dans ces conditions, la SCI doit être regardée comme n'ayant pas perdu sa qualité de société de construction-vente au cours de l'année d'imposition en litige, de sorte que les loyers et autres revenus des immeubles inscrits à l'actif de la SCI doivent être compris dans les bénéfices de l'entreprise au même titre que les autres revenus réalisés par la SCI pour la détermination du résultat imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Par suite, l'administration fiscale a pu estimer à bon droit que la SCI relevait du régime dérogatoire de l'article 239 ter du code général des impôts et que son associé unique devait être assujetti, pour les bénéfices tirés de son activité, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

12. Le bulletin officiel des impôts référencé BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-20 n° 40 à 90 du 8 octobre 2012, dont le requérant doit être regardé comme se prévalant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, prévoit, aux termes de son paragraphe 6, que : " Dans le cas de sociétés exerçant conjointement une ou plusieurs activités purement civiles du point de vue fiscal, les résultats afférents à chacune de ces activités conjointes doivent être déterminés selon les modalités qui leur sont propres. Les règles de détermination des BIC ne s'appliquent alors qu'aux résultats des seules opérations de construction et de vente d'immeubles sous réserve de l'application des dispositions de l'article 155 du CGI. (...) ". Le paragraphe 11 précise en outre : " En conséquence, sauf dans les cas visés ci-dessus § 60 et 70, le produit de la location partielle des constructions sociales est imposé dans les conditions de droit commun applicables aux revenus fonciers. ". Si le requérant en conclut que la réintégration dans le résultat de l'exercice 2011 d'une somme de 471 052 euros, qui correspond à 22,31 % du résultat social, est infondée, cependant, le paragraphe 100 de la même instruction dispose que : " Les bénéfices réalisés sont taxés à l'impôt sur le revenu, catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ou, le cas échéant, à l'impôt sur les sociétés, au nom des associés, chacun pour la part correspondant à ses droits sociaux. Ce régime s'applique aussi bien aux bénéfices résultant des opérations accessoires de location -qui perdent le caractère de revenus fonciers dès lors qu'ils se rapportent à des immeubles compris dans l'actif commercial de la société- qu'aux plus-values qui proviendraient de la cession des parts de la société immobilière transparente. ". Par suite, le requérant ne peut se prévaloir de l'application de cette doctrine qui exclut expressément l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers des recettes accessoires tirées de la location des immeubles compris dans l'actif commercial de la société, ce qui correspondait, ainsi qu'il a été exposé au point 10 du présent arrêt, à la situation de la SCI de Barbicaja au titre de l'exercice 2011.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au contribuable de justifier du montant des dettes inscrites au passif de son bilan, notamment des écritures portées sur un compte de tiers, y compris lorsque cette dette a été portée en comptabilité au cours d'un exercice prescrit.

14. Le requérant soutient, en s'appuyant sur la décision de rejet de sa réclamation préalable formulée dans le cadre de son assujettissement à l'impôt sur la fortune au titre de l'année 2013, que le rehaussement du bénéfice de la SCI Barbicaja opéré par l'administration constitue un supplément d'apport au crédit de son compte courant d'associé que l'administration devait déduire du bénéfice imposable de la société. Toutefois, et d'une part, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une prise de position formelle sur sa situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui résulterait de la décision prise par l'administration dans le cadre de l'impôt sur la fortune au titre de l'année 2013, laquelle concerne une imposition et une période différentes. D'autre part, l'imposition dont M. H... fait l'objet résulte de l'application des dispositions, précitées au point 6, de l'article 8 du code général des impôts. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, dès lors que le bénéfice est réalisé par une société de personnes, à la clôture de l'exercice ou au terme d'une procédure de rectification, les associés sont personnellement imposables à l'impôt sur le revenu pour la part de ce bénéfice correspondant à leurs droits dans le capital social, sans qu'une décision de distribution ait à intervenir au niveau de la société et indépendamment du fait que la somme correspondante ait été, ou non, effectivement perçue. Ainsi, les dettes non justifiées inscrites au passif de la SCI, qui ont contribué à minorer l'actif net de l'entreprise pour l'exercice 2011 et par suite le bénéfice net imposable, avant reprise par l'administration, ne peuvent être regardées comme constitutives d'un supplément d'apport effectué par l'associé. Dès lors, c'est à juste titre que l'administration a motivé le rehaussement du bénéfice de la SCI sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts et soumis M. H... à l'impôt sur le revenu pour la totalité du bénéfice social, indépendamment de sa perception effective par l'exploitant.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts, il est désormais prévu que : " I. Lorsque, au cours d'une année, un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue (...) II. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a eu, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, la disposition d'un revenu correspondant, par la date normale de son échéance, à une ou plusieurs années antérieures, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant à ce revenu soit calculé en divisant son montant par un coefficient égal au nombre d'années civiles correspondant aux échéances normales de versement augmenté de un, en ajoutant à son revenu net global imposable le quotient ainsi déterminé, puis en multipliant par ce même coefficient la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. (...) ".

16. M. H... soutient que le revenu au titre duquel il a été imposé en 2011 revêt un caractère exceptionnel au sens des dispositions précitées du I de l'article 163-0 A du code général des impôts. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, les revenus taxés résultent, non pas de recettes tirées de la vente de lots immobiliers, donc de la réalisation de l'objet social de la SCI de Barbicaja, mais de la réintégration dans le bénéfice de cette dernière, à l'issue d'une vérification de comptabilité, d'un passif considéré comme injustifié. En conséquence, le revenu en litige ne peut être regardé comme exceptionnel au sens de ces dispositions, alors même que son montant dépasse le seuil prévu au I de l'article 163-0 A du code général des impôts et que, s'agissant d'une rectification des bases imposables, il n'est pas, en tant que tel, susceptible d'intervenir chaque année. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à sa nature, le revenu dont a disposé M. H..., doit être regardé comme un revenu différé au sens des dispositions précitées du II de l'article 163-0 A du code général des impôts, dès lors qu'il correspond au revenu que le contribuable aurait antérieurement perçu si la SCI de Barbicaja, dont il est le gérant, n'avait pas volontairement comptabilisé un passif injustifié. Cette réalisation différée ne résultant pas de circonstances indépendantes de sa volonté, M. H... ne peut, au titre des dispositions du II de l'article 163-0 A du code général des impôts, bénéficier du mécanisme du quotient.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. H... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur la requête n° 21MA00687 :

20. Par voie de conséquence du rejet de la requête au fond présentée par M. H..., ses conclusions tendant au sursis à exécution du recouvrement des impositions en litige, sont devenues sans objet.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. H... à concurrence de la somme dégrevée de 152 202 euros au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA00687 de M. H....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19MA01135 de M. H... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.

5

N° 19MA01135, 21MA00687

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01135-21MA00687
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-11;19ma01135.21ma00687 ?
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