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06/05/2021 | FRANCE | N°20MA00438

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 06 mai 2021, 20MA00438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 195 052,83 euros à verser à Mme D... et la somme de 7 500 euros à verser à M. B... en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de Mme D... par le centre hospitalier de Manosque.

Par un jugement n° 1803466 du 2 décembr

e 2019, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 195 052,83 euros à verser à Mme D... et la somme de 7 500 euros à verser à M. B... en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de Mme D... par le centre hospitalier de Manosque.

Par un jugement n° 1803466 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme D... d'une somme de 52 099 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 6 février 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 février 2020, le 27 novembre 2020, le 14 janvier 2021 et le 12 février 2021, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 2 décembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 52 099 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de porter à la somme de 245 732,07 euros le montant de l'indemnité due ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions d'appel incident de l'ONIAM sont irrecevables en l'absence de critique du jugement attaqué ;

- les conclusions d'appel incident de l'ONIAM tendant à la réformation de l'intégralité du jugement sont irrecevables dès lors qu'elles soulèvent un litige différent de celui résultant de l'appel principal, qui ne porte que sur la perte de gains professionnels actuels, les frais d'aménagement du véhicule, la perte des droits à la retraite et l'incidence professionnelle ;

- la perte de gains professionnels futurs a été insuffisamment indemnisée ;

- les frais d'aménagement du véhicule, la perte des droits à la retraite et l'incidence professionnelle doivent être indemnisés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 novembre 2020, le 4 janvier 2021 et le 19 février 2021, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2019, de rejeter la requête présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille et de prononcer sa mise hors de cause ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise ;

- à titre infiniment subsidiaire, de ramener l'indemnisation à de plus justes proportions.

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel incident est recevable ;

- l'aggravation du syndrome de la queue de cheval ne résulte pas d'un aléa thérapeutique, mais est la conséquence d'un échec thérapeutique qui exclut l'intervention de la solidarité nationale ;

- le déficit moteur et sensitif sur le territoire L5 est le résultat de la compression de la racine par la hernie et est sans lien avec l'intervention ;

- une nouvelle expertise présente une utilité dès lors que l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur ne lui est pas opposable et que l'expert, qui ne tire pas les conclusions qui s'imposent des constatations qu'il a effectuées, ne donne pas d'explication sur le mécanisme de la complication ;

- l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne, de la perte de gains professionnels actuels et du déficit fonctionnel permanent doit être fixée à de plus justes proportions ;

- le déficit fonctionnel temporaire partiel et les souffrances endurées ont été suffisamment indemnisés ;

- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire, des frais d'aménagement du véhicule, de l'incidence professionnelle, de la perte de droits à la retraite et du préjudice sexuel ;

- la perte de gains professionnels futurs et le préjudice d'agrément ne sont pas établis ;

- le préjudice esthétique permanent est en lien avec l'état antérieur.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à la mutuelle générale du Val de Marne qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 2 décembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 52 099 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention qui s'est déroulée le 30 octobre 2013 au centre hospitalier de Manosque en sollicitant une meilleure indemnisation. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande, à titre principal, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser Mme D..., le rejet de la requête présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille et sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise et, à titre infiniment subsidiaire, de ramener l'indemnisation à de plus justes proportions.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme D... aux conclusions d'appel incident de l'ONIAM :

2. Les conclusions d'appel incident de l'ONIAM, qui conteste, d'une part, la mise en jeu de la solidarité nationale en faisant valoir que les troubles dont souffre Mme D... résultent d'un échec thérapeutique et, d'autre part, l'évaluation faite par le tribunal de certains chefs de préjudice, comportent, contrairement à ce que soutient Mme D..., une critique suffisante du jugement attaqué.

3. Par ses conclusions d'appel incident, l'ONIAM conteste le principe même de l'engagement de la solidarité nationale retenu par le tribunal et demande, en conséquence, le rejet de la demande de première instance présentée par Mme D.... Par suite, et alors même qu'il porte sur des chefs de préjudice distincts de ceux qui ont fait l'objet de l'appel principal, les conclusions d'appel incident de l'ONIAM se rattachent au même litige que celui que soulève l'appel principal.

Sur la mise en jeu de la solidarité nationale :

4. Il résulte de l'instruction que Mme D... présente un déficit moteur et sensitif sur le territoire de la cinquième lombaire (L5) gauche ainsi que des douleurs lombaires importantes et des douleurs neuropathiques au membre inférieur gauche, qu'elle impute à la herniectomie et à la dissectomie qu'elle a subies au centre hospitalier de Manosque.

5. Selon le rapport de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur, aucun manquement ne peut être relevé de la part du chirurgien qui a opéré Mme D..., qui souffre de douleurs exclusivement imputables à l'évolution de son état antérieur et reste atteinte d'un déficit modéré sensitivomoteur qui, situé sur le territoire L5 gauche impliqué par la compression herniaire initiale, est la conséquence d'un syndrome de la queue de cheval constitué au moment de l'intervention mais aggravé temporairement au cours de celle-ci, qui survient dans moins de 1% des cas. L'expert conclut néanmoins que Mme D... a été victime d'un accident médical non fautif.

6. Les conclusions de l'expert mentionnées ci-dessus sont toutefois remises en cause par l'avis du médecin-conseil de l'ONIAM, extrêmement documenté et circonstancié produit en appel, qui conclut que l'atteinte des racines de la queue de cheval, liée à la pathologie antérieure, n'a pas été améliorée par l'intervention en précisant que le déficit neurologique après une hernie discale lombaire est un événement d'autant plus fréquent que la hernie est volumineuse et compressive, comme dans le cas de Mme D..., qu'en cas d'atteinte à type de déficit neurologique sur hernie discale, 24% à 47% des patients ne parviennent pas à récupérer complètement, même après un acte chirurgical, et que lors d'une discoïdectomie lombaire, notamment lorsqu'un syndrome de la queue de cheval préopératoire existait déjà, il peut survenir une aggravation transitoire des symptômes en raison notamment d'un oedème tissulaire pouvant contribuer à la congestion veineuse et à la compression des racines nerveuses.

7. De l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il résulte que les douleurs et le déficit sensitivomoteur dont souffre Mme D... doivent être regardés comme résultant de l'évolution d'un état antérieur auquel l'intervention qu'elle a subie n'a pu entièrement remédier et non, comme l'ont retenu les premiers juges, d'un accident médical non fautif.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait partiellement droit à la demande de Mme D.... Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter tant la demande présentée devant ce tribunal par Mme D... que la requête d'appel dont elle a saisi la cour.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme D... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par l'ONIAM au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille, ainsi que sa requête, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'ONIAM tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à la mutuelle générale du Val de Marne.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2021.

6

N° 20MA00438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00438
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MAURY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-06;20ma00438 ?
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