La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2021 | FRANCE | N°18MA04841

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 23 avril 2021, 18MA04841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des riverains de la Bénovie de Sainte-Croix-de-Quintillargues, Mme et M. B... AC..., Mme AI... D..., Mme AE... AD..., Mme et M. A... P..., Mme et M. H... Q..., Mme et M. T... AG..., Mme et M. AO... R..., M. L... AN..., Mme et M. Z... AH..., M. et Mme AM... AP..., M. O... M..., Mme et M. I... AJ..., Mme et M. N... U..., M.et Mme K... F..., Mme X... V..., M. Y... C..., Mme et M. B...-AR... W..., Mme AF... AL..., M. G... J... et M. et Mme AQ... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ann

uler l'arrêté du 28 juin 2017 par lequel le préfet de l'Hérault ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des riverains de la Bénovie de Sainte-Croix-de-Quintillargues, Mme et M. B... AC..., Mme AI... D..., Mme AE... AD..., Mme et M. A... P..., Mme et M. H... Q..., Mme et M. T... AG..., Mme et M. AO... R..., M. L... AN..., Mme et M. Z... AH..., M. et Mme AM... AP..., M. O... M..., Mme et M. I... AJ..., Mme et M. N... U..., M.et Mme K... F..., Mme X... V..., M. Y... C..., Mme et M. B...-AR... W..., Mme AF... AL..., M. G... J... et M. et Mme AQ... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juin 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) du bassin de la Bénovie sur la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues.

Par un jugement n° 1704008 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 novembre 2018, le 3 avril 2019, le 17 septembre 2020 et le 23 mars 2021, l'association des riverains de la Bénovie, Mme AI... D..., Mme AE... AD..., Mme et M. A... P..., Mme et M. H... Q..., Mme et M. T... AG..., Mme et M. AO... R..., Mme et M. Z... AH..., M. B...-AS... S..., Mme et M. I... AJ..., Mme et M. N... U..., M. Y... C..., Mme et M. B...-AR... W..., Mme AF... AL..., M. G... J..., Mme AK... AA..., M. E... AB... et Mme et M. B... AC..., représentés par la Selarl Phung 3P, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise ;

2°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2017 du préfet de l'Hérault ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'accueille pas l'ensemble des preuves techniques tangibles qu'ils ont évoquées alors qu'elles sont de nature à invalider la méthodologie retenue pour élaborer le plan de prévention des risques d'inondation en litige ;

- ce jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne définit pas précisément la notion de " standards de ruissellement " qu'il retient ni ne justifie de ce que ces standards auraient évolué à la hausse ;

- la concertation, défaillante, n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération, et n'a ainsi pu permettre d'exercer une influence sur les résultats de l'enquête publique et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

- le commissaire enquêteur a méconnu les dispositions de l'article L. 123-15 du code de l'environnement en s'abstenant d'apporter des réponses à leurs questions et en reprenant systématiquement les avis des services de l'État et du bureau d'études GEI ;

- en approuvant le plan de prévention en litige alors que l'emprise des zones inondables, et partant le zonage, a été définie à partir de données erronées en application d'un modèle mathématique non pertinent et inadapté, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, la ministre de la transition écologique conclut à l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. B...-AS... S..., Mme AK... AA... et M. E... AB... et au rejet de la requête au fond.

Elle fait valoir que les trois personnes physiques mentionnées n'étaient pas parties devant le tribunal et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de M. AC..., en sa qualité de président de l'association des riverains de la Bénovie, représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. L'association des riverains de la Bénovie et autres relèvent appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation du bassin de la Bénovie sur la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en critiquant le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait pas droit aux arguments qu'ils ont présentés au soutien de leur moyen tiré de ce que la méthodologie retenue par les services du préfet de l'Hérault pour élaborer le plan de prévention des risques d'inondation en litige était erronée, l'association des riverains de la Bénovie et autres mettent en réalité en cause le bien-fondé de ce jugement. Dès lors que cette critique est articulée comme un moyen d'irrégularité dudit jugement, ce dernier ne peut donc qu'être écarté.

3. En second lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de manière suffisamment précise à l'argumentation développée devant eux par les requérants, particulièrement en écartant la critique tenant à l'utilisation, par le bureau d'études GEI, de la formule Bressan-Golossov dite formule " FBG " au motif que si, certes, son utilisation est déconseillée pour les petits bassins du sud de la France, le bassin de la Bénovie, dont la superficie est supérieure à 80 km², ne saurait être qualifié de petit bassin. La circonstance selon laquelle le jugement fait état de " standards de ruissellement " sans en donner la définition ne révèle pas, en l'espèce, une insuffisance de motivation dès lors qu'il apparaît que les premiers juges n'ont fait que reprendre des éléments que les requérants sont censés connaître dans la mesure où ils figuraient dans un document qu'ils ont eux-mêmes produit, à savoir le guide méthodologique élaboré par la direction départementale des territoires et de la mer de l'Hérault destiné à aider à l'élaboration des dossiers " loi sur l'eau " daté de février 2014, lequel document définit la notion de coefficient de ruissellement, alerte, pour l'utilisation des méthodologies " standard ", sur la particularité des précipitations dans la région Languedoc-Roussillon devenue Occitanie et plus spécifiquement dans le département de l'Hérault, précise que " l'on sait aujourd'hui que pour des pluies rares, les sols naturels présentent des coefficients de ruissellement pouvant dépasser 80% ", mentionne enfin les " tendances les plus récentes ", qui privilégient des comportements à effet de seuil, en observant que les résultats obtenus s'agissant de ces coefficients de ruissellement sont majorants. Par ailleurs, si l'association des riverains de la Bénovie et autres soutiennent que le tribunal ne justifie pas de ce que ces standards auraient évolué à la hausse, cette critique relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, particulièrement du bilan de la concertation qui était joint au dossier d'enquête publique, que la concertation publique sur le projet de plan de prévention des risques d'inondation a été menée entre 2011 et 2017. Le document fait mention des réunions organisées entre les services de l'Etat et les collectivités intéressées durant la période. Ce document mentionne également les différentes actions d'information menées par les services préfectoraux à destination du public. Il fait encore état des trois réunions des 16 septembre 2015, 8 juillet 2016 et 24 janvier 2017, tenues en présence du service instructeur, des membres de l'association des riverains de la Bénovie et, pour les deux dernières, du bureau d'études OTEIS, auteur de l'étude préalable au PPRi ainsi que de l'expert hydraulicien missionné par l'association, réunions au cours desquelles ont été débattu les points de désaccords relevés notamment par ce dernier. Le bilan de la concertation indique également, parmi l'ensemble des autres actions menées par les services du préfet, que quatre réunions publiques ouvertes à l'ensemble des communes du bassin versant ont été organisées à l'automne 2015, l'une d'elles s'étant tenue à Sainte-Croix-de-Quintillargues le 29 septembre 2015. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la concertation sur le projet aurait été défaillante doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le commissaire-enquêteur aurait méconnu les dispositions de l'article L. 123-15 du code de l'environnement par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de présentation du PPRi en litige, qu'alors même que, la source de la Bénovie s'y trouvant, le territoire de la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues se situe dans la partie amont de ce cours d'eau, une partie de ce territoire est néanmoins exposé à un important risque d'inondation dû notamment à sa position au sein d'une dépression topologique formant une petite cuvette à fond plat, laquelle concentre les écoulements en provenance des nombreux valons qui drainent les collines environnantes auxquels viennent s'ajouter les ruissellements sur le substrat marneux. Outre la présence de la Bénovie et du ruisseau du Miac, cette cuvette constitue à elle-seule l'impluvium d'un bassin versant dont la superficie est inférieure à 10 km² et la commune a connu plusieurs épisodes d'inondations, notamment en 2000, 2002, 2003, 2005 et dernièrement, en septembre et octobre 2014. C'est dans ce contexte que, par arrêté du 12 juin 2015, le préfet de l'Hérault a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation sur la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues. Le rapport de présentation du PPRi en litige mentionne les différentes étapes des travaux préparatoires et fait notamment état de la mission confiée en 2011 au bureau d'études Grontmij Environnement et Infrastructures (GEI), devenu OTEIS, aux fins de réaliser une étude des zones inondables par débordement des cours d'eau sur l'ensemble des quatorze communes du bassin versant de la Bénovie, étude sur laquelle se sont fondés les services préfectoraux pour établir la cartographie de l'aléa du PPRi contesté. Le rapport indique également que le bureau d'études a, dans ses propres travaux, pris en considération les documents et études antérieurement réalisés, particulièrement les rapports d'étude rendus en mars et septembre 1999 par le bureau BCEOM dans le cadre de la révision, par la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues, de son plan d'occupation des sols. Ce rapport de présentation décrit la méthodologie retenue par le bureau d'études GEI, en indiquant notamment que l'analyse hydrologique a été menée à l'échelle du bassin versant de la Bénovie, en retenant, pour le calage du modèle pluie-débit, les données disponibles pour l'épisode de 2002 avec un débit sur la commune de Boisseron estimé à environ 400 m3/s. Après expertise de terrain, le calage du modèle s'est effectué sur la base d'une estimation des coefficients de rugosité des lits mineurs et du champ majeur. Le bureau d'études ayant estimé, après vérifications, que le modèle ainsi calé rendait des résultats cohérents, les services de l'Etat ont présenté, dans le cadre de la concertation prévue par la réglementation, un projet de cartographie de l'aléa concernant spécifiquement la commune fondé sur ces éléments.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet soumis à la concertation a fait l'objet de vives contestations de la part des élus de la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues et de ses habitants, dont ceux représentés par l'association des riverains de la Bénovie, portant notamment sur le fait que la prise en compte des résultats de l'étude GEI conduisait à une majoration injustifiée de l'aléa et un accroissement corrélatif du périmètre des zones inondables non fondé. Les divergences portaient essentiellement sur la méthodologie retenue par le bureau d'études GEI et ont été formalisées dans un document établi en décembre 2015 par un expert hydraulicien intitulé " analyse critique du calcul des zones inondables par BCEOM et GEI ". L'expert relevait, dans ce document, que par rapport aux résultats de l'étude BCEOM de 1999 s'agissant des débits, ceux de GEI apparaissaient dans un rapport du simple au double. L'expert suggérait que cette surestimation par GEI était sans doute à rechercher dans le fait que le bureau d'études a fait usage de la formule " Bressan-Golossov ", dite formule " FBG ", en rappelant que la doctrine spécialisée considère que " cette formule sous estimait de façon importante les temps de concentration et conduisait, par exemple, à multiplier en moyenne par un facteur de 1,8 les débits de période de retour 100 ans des petits bassins versants du Sud de la France. ". L'expert estimait également que les niveaux trop élevés obtenus par GEI résultaient de l'absence de réglage du modèle mathématique, et notamment du choix d'un coefficient de rugosité trop faible pour le lit mineur.

8. Au vu de ces critiques, les services du préfet ont demandé au bureau d'études OTEIS de procéder à une analyse comparative de l'étude du BCEOM de 1999 et de celle de GEI. Il ressort des conclusions du rapport remis en avril 2016 par OTEIS que les résultats obtenus par GEI sont plus satisfaisants d'un point de vue méthodologique et que leur validité se trouve confirmée par les données relevées lors des épisodes de crue de l'automne 2014.

9. Le rapport indique tout d'abord que la différence de niveau des cotes de référence et donc de l'emprise des zones inondables entre les deux études s'explique principalement sur le plan hydrologique par le fait que GEI a retenu des débits plus importants " résultats d'une prise en compte d'un temps de réaction du bassin plus court, et surtout d'un ruissellement plus conséquent, en phase avec les standards reconnus en la matière dans le contexte régional ", OTEIS précisant que ces standards ont évolué depuis 1999, date de l'étude BCEOM. Le bureau d'études OTEIS ajoute que les résultats GEI reflètent mieux le contexte hydrologique local que ceux de l'étude BCEOM, et ce, d'autant plus que la zone a été touchée par de nombreux épisodes conséquents en moins de 15 ans, témoignant d'une forte problématique inondation.

10. S'agissant particulièrement des " standards de ruissellement ", il ressort effectivement des énonciations du guide méthodologique élaboré par la direction départementale des territoires et de la mer de l'Hérault, mentionné au point 3 ci-dessus, que le coefficient de ruissellement, qui dépend, pour un sol naturel, " de sa nature (sableux, argileux, limoneux, ...), de sa couverture (prairie, forêt, culture, ...), de sa pente, de l'intensité de la pluie et de son état de saturation lié aux antécédents pluviométriques... ", est le paramètre le plus délicat à déterminer. Comme déjà dit, le document poursuit en mettant en garde, pour l'utilisation des méthodologies " standard ", sur la particularité des précipitations dans la région et plus spécifiquement dans le département de l'Hérault où les pluies ne sont pas fréquentes et la capacité d'infiltration des sols peut être sous-estimée. Le document indique ensuite que le coefficient " standard " est constant quel que soit l'occurrence de la pluie et ne dépasse pas 45% selon les différentes combinaisons nature des sols/types d'occupation. Il précise que " l'on sait aujourd'hui que pour des pluies rares, les sols naturels présentent des coefficients de ruissellement pouvant dépasser 80% ". Le document mentionne enfin les " tendances les plus récentes ", qui privilégient des comportements à effet de seuil, les résultats obtenus étant alors dans 37% des cas supérieurs à 50%. Il rappelle en outre que l'utilisation de la formule " FBG " est déconseillée pour les petits bassins.

11. Dans son rapport d'avril 2016, le bureau d'études OTEIS relève que pour réaliser son étude, le BCEOM a utilisé la formule dite " de Richards " pour calculer les temps de concentration qui, selon la définition qu'en donne le guide méthodologique précité, est " le temps que met une goutte d'eau à parcourir la longueur du bassin versant ". OTEIS indique qu'il existe d'autres formules, lesquelles ne font intervenir que les caractéristiques propres du bassin versant, soit la superficie, la pente, la longueur du plus long cheminement hydraulique, éléments qui sont invariables, facilement quantifiables et donc peu contestables. OTEIS précise que la formule de Richards, elle, tient également compte du coefficient de ruissellement et de la hauteur de pluie tombée sur le temps de concentration, en pointant l'importance de la bonne détermination du coefficient de ruissellement, ajoutant que toute sous-évaluation du ruissellement entraînera une surestimation du temps de concentration. OTEIS indique enfin que la formule de Richards, plus complète en termes de paramètres considérés, est toutefois soumise à plus forte incertitude du fait des différents choix possibles s'agissant des hypothèses de ruissellement. Le bureau d'études termine en comparant les temps de concentration calculés par la formule de Richards qui ressortent, pour l'occurrence centennale, entre 0,5 et 1,1 heure d'amont en aval alors que ceux estimés par GEI, basés en partie sur la méthode " FBG ", sont compris entre 0,3 et 0,6 heure, soit environ 1,8 fois moins que ceux calculés par le BCEOM.

12. Le rapport d'avril 2016 du bureau d'études OTEIS compare également les résultats obtenus dans les deux études s'agissant des débits. Il relève que le BCEOM a fait usage de la " méthode rationnelle ", classiquement utilisée sur de petits bassins versants et qu'aucun calage particulier du modèle n'a été réalisé, alors que GEI a utilisé un logiciel dénommé Athys, a calé ses paramètres à l'échelle du bassin versant sur la base des observations pour la crue de 2002 et a vérifié la cohérence du débit estimé à Boisseron au regard des données existantes. La comparaison des résultats obtenus par les deux études en deux endroits sur le territoire de la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues fait ressortir un rapport de 1,87 pour le premier et de 1,66 pour le second. OTEIS relève l'importance de ces écarts entre les deux études et observe, dans un premier mouvement, que les valeurs obtenues par le BCEOM, qui aboutissent à des débits spécifiques inférieurs à 15 m3/s/km², apparaissent relativement faibles au regard des observations relatives à ce type de bassins, qui peuvent aisément dépasser 20 m3/s/km². OTEIS explique cette sous-estimation par le choix effectué s'agissant du coefficient de ruissellement.

13. Enfin, si les requérants soutiennent, dans leur ultime mémoire, qu'une nouvelle étude, réalisée par le bureau d'études BRLi à la demande de l'établissement public territorial de Bassin Vidourle dans le cadre du troisième plan d'action de prévention des inondations (PAPI 3), viendrait confirmer l'erreur commise par le bureau d'études GEI dans la définition des " zones de risque centennal de submersion de plus de 50 cm à Sainte-Croix-de-Quintillargues " en ce que la nouvelle estimation du débit de crue centennale qu'elle contient serait conforme aux estimations faites par BCEOM en 1999 et par la DDE en 2002 au même endroit, soit entre la confluence de la Bénovie avec le ruisseau de Milhac et la limite administrative nord de la commune, la pièce qu'ils produisent, intitulée " étude de zonage et de réduction du risque inondation sur le bassin versant de la Bénovie ", sous-titrée " note technique complémentaire sur la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues suite aux remarques de l'Association des Riverains de la Bénovie du 2 juin et du 3 novembre 2020 ", ne comporte aucune indication permettant d'en identifier l'auteur et donc de tenir cette pièce comme un document engageant ce bureau d'études. En tout état de cause, le tableau figurant en page 4 de ce document, qui compare " les débits en aval de Sainte-Croix-de-Quintillargues selon les différentes études existantes sur le secteur ", s'il fait apparaître, s'agissant du débit correspondant à une crue centennale, une valeur estimée par le bureau d'études BRLi à 72 m3/s qui serait ainsi identique à celle estimée par le bureau d'études BCEOM en 1999, la légende de ce tableau précise cependant que BRLi a travaillé sans disposer de l'étude BCEOM et n'a donc pas été en capacité de vérifier la localisation précise du point de calcul hydrologique correspondant aux débits affichés. Par ailleurs, si la valeur de 92 m3/s retenue par le bureau d'études GEI en 2015, telle qu'elle figure dans ce tableau, est supérieure aux 72 m3/s précités, elle est proche de la valeur retenue par l'étude DDE de 2002 reportée dans ce même tableau, soit 89,5 m3/s.

14. L'ensemble des éléments qui précèdent est de nature à valider les résultats de l'étude GEI, et notamment les options que ce bureau d'études a retenues en considérant l'intégralité du bassin versant de la Bénovie et en calant le modèle, ainsi qu'il l'a fait, sur la commune de Boisseron. Il résulte de cela que l'étude du BCEOM de 1999, qui était limitée au seul bassin versant de Sainte-Croix-de-Quintillargues, de même qu'une étude réalisée par la DDE en 2002 sur les mêmes bases, apparaissent comme ayant sous-estimé les temps de concentration d'un facteur d'environ 1,8. Cette sous-estimation est corroborée par les relevés de la crue survenue du 29 au 30 septembre 2014, dont la période de retour a été estimée de l'ordre de 5 à 10 ans. Ces relevés sont en effet jusqu'à 30 cm supérieurs à ceux établis pour la crue qualifiée de décennale dans l'étude de 1999 et se trouvent au-delà de l'emprise inondable tracée à l'époque.

15. Dans ces conditions, l'association des riverains de la Bénovie et autres ne peuvent sérieusement faire valoir, pour soutenir que l'approbation du PPRi en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il serait fondé sur des données erronées en application d'un modèle mathématique non pertinent et inadapté, que l'estimation des débits de pointe et des niveaux d'eau correspondants auraient dû être établie en ne tenant compte que du seul bassin versant de 6 km² et non de la partie aval du bassin versant de la Bénovie, que l'emploi par le bureau d'études GEI de la formule " FBG " était inappropriée au cas d'espèce, que le modèle aurait dû faire l'objet d'un calage sur la commune de Sainte-Croix-de-Quintillargues et que les relevés des plus hautes eaux effectués par le bureau d'études sur la commune seraient inadaptés.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, que l'association des riverains de la Bénovie et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'expertise :

17. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

18. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée par l'association des riverains de la Bénovie et autres, qui ne présente pas d'utilité pour la solution du litige. Par suite, leurs conclusions tendant à la désignation d'un expert doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association des riverains de la Bénovie et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête l'association des riverains de la Bénovie et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des riverains de la Bénovie, représentante unique des autres requérants, et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

2

N° 18MA04841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04841
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL PHUNG 3P

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-23;18ma04841 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award