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22/04/2021 | FRANCE | N°19MA05103

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 avril 2021, 19MA05103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêté du 22 décembre 2017, le maire de la commune de Sanary-sur-Mer a refusé à Mme C... la délivrance d'un permis de construire une maison individuelle, chemin de la Piole Paul Venel, sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1800722 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, Mme C..., représentée par

la SCP inter-barreaux IAFA, agissant par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêté du 22 décembre 2017, le maire de la commune de Sanary-sur-Mer a refusé à Mme C... la délivrance d'un permis de construire une maison individuelle, chemin de la Piole Paul Venel, sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1800722 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, Mme C..., représentée par la SCP inter-barreaux IAFA, agissant par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 du maire de la commune de Sanary-sur-Mer ;

3°) d'enjoindre à la commune de Sanary-sur-Mer de lui délivrer un permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la date de lecture de l'arrêt à intervenir, sous injonction de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement méconnaît l'article L. 9 du code de justice administrative car le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;

- le tribunal n'a pas répondu à la deuxième substitution de motifs demandée par la commune de Sanary-sur-Mer également en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme impose à l'administration de faire figurer dans une décision de refus de permis de construire l'intégralité de ces motifs et il appartenait dès lors au tribunal administratif de Toulon de répondre à l'ensemble des substitutions de motifs demandées ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme car des motifs de refus de la décision correspondant à la substitution de motifs demandée par la commune ne figurent pas dans l'arrêté de refus de permis de construire ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente car l'arrêté portant délégation de signature a été retiré le 21 septembre 2016 ;

- le projet ne méconnaît pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2021, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire a été enregistré le 9 mars 2021, présenté pour la requérante, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., de la SCP inter-barreaux IAFA, représentant Mme C..., et de Me G..., représentant la commune de Sanary-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2013 par lequel le maire de la commune de Sanary-sur-Mer lui a refusé la délivrance d'un permis de construire une maison individuelle, chemin de la Piole Paul Venel, sur le territoire de la commune. Par un jugement du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par un arrêt du 24 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 31 mars 2016 et l'arrêté du 12 septembre 2013 portant refus de permis de construire, et a enjoint à la commune de Sanary-sur-Mer de réexaminer la demande de permis de construire. Par un arrêté du 22 décembre 2017, après avoir réexaminé la demande de permis de construire de Mme C..., le maire de la commune de Sanary-sur-Mer lui a, de nouveau, refusé la délivrance d'un permis de construire. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 17 septembre 2019, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... soutenait en première instance que l'arrêté portant refus de permis de construire avait été pris par une autorité incompétente. Le tribunal a rejeté sa demande sans répondre à ce moyen, après avoir retenu comme fondée l'illégalité de l'unique motif de l'arrêté attaqué tenant à la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, mais en faisant droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune sur le fondement de l'article L. 121-8 du même code, dispositions anciennement codifiées au I de l'article L. 146-4. Le maire de la commune de Sanary-sur-Mer n'était pas en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire au regard du motif substitué par le tribunal dans le jugement attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée était dès lors opérant. Le tribunal a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité en ne répondant pas explicitement à ce moyen, qu'il ne pouvait se borner à écarter en retenant que " pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen, en l'état du dossier, n'est fondé à annuler la décision attaquée du 22 décembre 2017 ", dès lors qu'il n'en prononçait pas l'annulation. Ce jugement doit, en conséquence, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité invoqué à son encontre.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et d'examiner l'ensemble des moyens développés par les parties devant le tribunal et la Cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., troisième adjoint au maire, a reçu délégation du maire de la commune de Sanary-sur-Mer pour signer les décisions de refus de permis de construire, par un arrêté du 18 juillet 2016. Il ressort des mentions de cet arrêté qu'il a été affiché le 21 juillet 2016. Si cet arrêté comporte, en outre, la mention " retiré le 21 septembre 2016 ", il ressort de ladite mention qu'il a été mis fin à l'affichage à cette date, et non que cet arrêté aurait fait l'objet d'un retrait. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité incompétente doit dès lors être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4243 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 4216. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse demander en cours de procédure une substitution de motifs. La circonstance que certains motifs justifiant un refus de permis de construire ne figurent pas dans la motivation de cette décision est dès lors en ellemême sans influence sur sa légalité.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, par un arrêt du 24 octobre 2017, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le précédent refus de permis de construire opposé à Mme C... pour le même projet, en adoptant les motifs du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon avait jugé que le maire de la commune de Sanary-sur-Mer avait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque d'incendie. Cet arrêt est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée. La circonstance que le préfet du Var a approuvé, par arrêté du 8 février 2017, le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie du Var ne constitue pas une circonstance de droit nouvelle, car cet arrêté, pris en application de l'article R. 2225-3 du code général des collectivités territoriales et qui a notamment pour objet de préciser " les besoins en eau pour chaque type de risque " et de " déterminer les informations qui doivent être fournis par les différents acteurs sur les points d'eau incendie ", relève d'une législation distincte du code de l'urbanisme et n'est pas directement opposable à une demande de permis de construire. En refusant le permis de construire au motif que " le projet est situé dans une zone non couverte par l'existence d'un point d'eau identifié et disponible pour l'alimentation des engins du service départemental d'incendie et de secours et que le projet, par sa situation, est de nature à porter atteinte à la sécurité publique, le risque incendie étant connu (article R. 111-2 du code de l'urbanisme) ", le maire de la commune de Sanary-sur-Mer a ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 24 octobre 2017.

8. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme applicable dans les communes littorales telle que la commune de Sanary-sur-Mer et ultérieurement repris à l'article L. 121-8 du même code : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ".

10. D'une part, il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages, sous réserve des exceptions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du même I.

11. Il ressort des pièces du dossier que si la parcelle d'assiette du projet de Mme C..., cadastrée section AD n° 886, située chemin de la Piole Paul Venel, est environnée de quelques villas, elle est située dans une zone d'urbanisation diffuse, au nord d'un espace boisé et au sud de parcelles non bâties.

12. D'autre part, si la requérante se prévaut des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme issues de la loi 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite " Elan ", ces dispositions, en tout état de cause, ont été adoptées postérieurement à l'arrêté attaqué.

13. En application des dispositions précitées du I de l'article L. 146-4, le maire de la commune de Sanary-sur-Mer était dès lors fondé à refuser le permis de construire demandé par Mme C.... Il y a donc lieu de faire droit à la substitution de motif demandée par la commune de Sanary-sur-Mer.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la deuxième demande de substitution de motifs invoquée par la commune, que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2017 du maire de la commune de Sanary-sur-Mer est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Sanary-sur-Mer fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et à la commune de Sanary-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 où siégeaient :

- Mme Helminger, présidente de la Cour,

- M. E..., président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2021

Le rapporteur,

Signé

Ph. E...La présidente

Signé

L. HELMLINGER

La greffière,

Signé

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 19MA05103

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05103
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP INTER-BARREAUX IAFA (ALLAM - FILLIOL - ABBOU)

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-22;19ma05103 ?
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